Comment devient-on spinoziste ?

Questions touchant à la mise en pratique de la doctrine éthique de Spinoza : comment résoudre tel problème concret ? comment "parvenir" à la connaissance de notre félicité ? Témoignages de ce qui a été apporté par cette philosophie et difficultés rencontrées.
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hokousai
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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar hokousai » 10 mars 2016, 19:57

Vanleers a écrit :Le renouveau des études spinozistes depuis quelques décennies a contribué à renouer avec ce courant qui met à l’honneur la connaissance rationnelle des choses, à promouvoir, comme dans les sciences, une pensée claire, précise et concise.

Ce spinozisme là est la planche de salut après le naufrage du marxisme de l'école.
C'est à dire que tous les travers et défauts voire les mésinterprétations léninistes de Marx sont réactualisées et revêtues d' habits neufs (à tout le moins rénovés).

Je le dis froidement, clairement et distinctement, concisément et sans agressivité.

On a là une forme déguisée de propagande politique.
Ce qui n'est pas le lieu où je me meux en première instance.

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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar Vanleers » 10 mars 2016, 20:36

A hokousai

Je suis perplexe

1) Vous parlez de planche de salut.
De planche de salut pour qui ? Pour des marxistes qui se seraient retrouvés naufragés ? Qui visez-vous ? Et qu’appelez-vous « marxisme de l’école » ?
Quand on parle du renouveau des études spinozistes en France, on cite d’abord Gueroult, Matheron et Deleuze. Mais il n’y a pas qu’eux et puis il n’y a pas que la France.

2) Vous êtes également sibyllin lorsque vous parlez des « mésinterprétations léninistes de Marx qui auraient été réactualisées et revêtues d'habits neufs ». De quoi s’agit-il au juste ?

3) Enfin, on ne voit pas non plus (en tout cas, je ne vois pas) en quoi « on a là une forme déguisée de propagande politique ». Qu’entendez-vous par « là » ? S’agit-il des études spinozistes ? De toutes ou de certaines d’entre elles ? Et en quoi y a-t-il une forme déguisée de propagande politique ?

Bref, je ne comprends pas ce que vous écrivez et je doute que d’autres lecteurs y comprennent quelque chose.

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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar Vanleers » 13 mars 2016, 14:28

Devenir spinoziste c’est, en quelque sorte, revenir aux Lumières, plus précisément aux Lumières radicales comme indiqué dans un post précédent.
Y revenir, car ces Lumières ont été plus ou moins éclipsées, jusqu’à être « honnies par Heidegger qui voit en elles le début d’un obscurcissement universel » (François Rastier Naufrage d’un prophète, Heidegger aujourd’hui p. 193 – PUF 2015).
François Rastier écrit :

« A la notion même d’abstraction, Heidegger oppose la rhétorique de la concrétude et de l’authenticité, de manière que l’une comme l’autre s’opposent à tout regard universalisant. Dans les trois domaines que nous venons d’évoquer, et conformément à son projet identitaire, il récuse toute universalité : celle de l’humanité, réduite à des peuplades ; celle de son fondement rationnel dans la logique, et celle de son expression morale dans l’éthique. Aussi multiplie-t-il les attaques contre toutes les formes de la rationalité, réduite à la technique (abhorrée) et à la science (qui « ne pense pas »). (op. cit. pp. 198-199)

Après la publication des « Cahiers noirs », la controverse entre heideggériens et anti-heideggériens s’est animée, les seconds (Emmanuel Faye, Rastier) n’hésitant pas à soutenir que, non seulement, le philosophe appartint un temps au parti nazi mais que sa philosophie elle-même est une philosophie nazie.

Je signale des considérations sur « Heidegger et Spinoza » de bardamu qui visent à éclairer le second en se référant au premier. C’est, sur le forum, en :

http://www.spinozaetnous.org/ftopic-109 ... asc-0.html

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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar Vanleers » 14 mars 2016, 11:27

Si « Toute vie est résolution de problèmes » (Karl Popper), peut-on dire que le spinoziste trouve dans la doctrine de Spinoza de quoi résoudre des problèmes ?
Il ne me semble pas.
Le but de Spinoza, déclaré au début de la partie II de l’Ethique, est de conduire le lecteur à la connaissance de sa suprême béatitude. Henrique écrit :

« […] la béatitude ne s'atteint pas, elle existe déjà de toute éternité. Mais, si elle existe déjà, nous n'en avons pas clairement conscience. On peut donc s'interroger sur les moyens non d'atteindre la béatitude mais une conscience suffisamment claire et distincte de cet état. »

C’est en :

http://www.spinozaetnous.org/article14.html

Henrique poursuit :

« Puisqu'il s'agit d'un état naturel, il faudra d'abord faire tomber les obstacles qui empêchent d'en prendre conscience adéquatement. Ces obstacles sont les préjugés sur l'essence de Dieu, la place de l'homme dans la nature, le sens de son existence et les passions tristes qui en découlent. »

On peut dire les choses autrement : Spinoza nous propose simplement de prendre de la hauteur, de ne pas rester concentrés sur nos problèmes mais de regarder plus loin, ailleurs.
Sans doute cela nécessite-t-il de faire tomber des obstacles.
Sans doute aussi, devrons-nous continuer à essayer de résoudre des problèmes concrets et l’approche rationnelle, on peut même dire scientifique, de ces questions sera la meilleure.
Mais vivre dans l’acquiescentia, autre nom de la béatitude, n’est pas résoudre un problème puisque la béatitude « existe déjà de toute éternité ».

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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar Vanleers » 15 mars 2016, 14:44

Les problèmes que l’on rencontre dans la vie courante sont très concrets et la philosophie n’est d’aucune utilité pour les résoudre.
Problèmes de santé, la sienne ou celle de proches, problèmes d’argent et de fins de mois, problèmes de relations, problèmes de voisinage, de plomberie ou d’électricité, etc.
Si l’on s’intéresse à la philosophie de Spinoza, ce n’est donc pas parce qu’on espère qu’elle vous aidera à régler des problèmes mais parce qu’on se demande si, avec ça, on va pouvoir voler.
L’Ethique est une drôle de machine volante et, à première vue, on ne voit pas comment, avec un tel engin, nous allons pouvoir décoller.
Il faut donc un peu de patience, quelques essais et ne pas se tromper sur ce que cette machine peut faire et sur ce qu’elle ne peut pas faire.

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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar hokousai » 17 mars 2016, 13:23

Vanleers a écrit :A hokousai
Je suis perplexe
et bien moi aussi ...parce que vous citez abondamment Lordon lequel est engagé politiquement. Ce ne sont pas les positions politiques de Lordon que je critique mais l'instrumentalisation de Spinoza par Lordon. Un peu excessive à mon avis.
Spinoza est à l'évidence un penseur politique, ce qui n implique pas qu'on puisse le tirer à soi si aisément.

exemple
KP: Gueroult c’est aussi un exemple que la politique n’est pas du tout un critère pour l’inclusion dans les Cahiers pour l'Analyse, puisqu’il a été un homme de droite, non?
JB: Oui, oui. Je ne sais pas où il se situait exactement, mais il était certainement conservateur et probablement de droite, même assez.

http://autourdejacquesbouveresse.blogspot.fr/2011_08_01_archive.html


Je ne comprends pas l'irruption de Heidegger dans ces affaires. Je n'ai personnellement aucune sympathie envers ce philosophe (surestimé).

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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar Vanleers » 17 mars 2016, 16:12

A hokousai

Je trouve ce qu’écrit Frédéric Lordon intelligent, stimulant, clair et témoignant d’une connaissance approfondie de la pensée de Spinoza.
Si vous pensez que Lordon instrumentalise Spinoza, il faudrait en apporter des preuves concrètes.
J’avais déjà introduit Heidegger pour qui la science ne pense pas (« Die Wissenschaft denkt nicht »), pour l’opposer au courant des Lumières radicales dont Spinoza fut sans doute le représentant le plus célèbre.

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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar hokousai » 17 mars 2016, 22:06

Si vous pensez que Lordon instrumentalise Spinoza, il faudrait en apporter des preuves concrètes.


Non pas au sens d'intention maligne de manipuler. Ce n'est pas ça. Lordon a des idées politiques et je ne le critique pas sur ses idées ... mais s'il a découvert en Spinoza un support théorique à des idées préalables, dans ce sens là il utilise Spinoza comme un instrument de justification d 'idées politiques préalables.
Tout comme Lénine utilisa Marx et l'interpréta en justification de ses idées politiques.
IL y a bien un marxisme léniniste, une scolastique, celle des partis communistes staliniens (désolé)-

Matheron entre autresfut membre du PCF.
Je ne fais pas de procès Vychinskien contre Matheron, sa pensée sur le sujet est complexe et a évoluée. Je souligne simplement la relation entre un certain marxisme et un certain spinozisme.

http://edouard-delruelle.be/nous-avons-ete-spinozistes-spinoza-le-marxisme-en-france/

http://refractions.plusloin.org/spip.php?article271


http://books.openedition.org/psorbonne/187?lang=fr
...............................

Je ne dis pas que chez Lordon ( nouvelle génération) l'opération soit à sens unique, Spinoza ayant très probablement enrichi les idées politiques de Lordon.
Pour moi on est quand même dans un cas de figure particulier /singulier celui de Lordon.

Frédéric Lordon poursuit sur la voie qu’il explore depuis plusieurs années : construire à côté de l’économie politique marxiste une économie politique spinoziste à l’intérieur d’une science sociale spinoziste, de façon à « combiner un structuralisme des rapports et une anthropologie des passions »

https://regulation.revues.org/9110

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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar hokousai » 17 mars 2016, 22:20

vanleers a écrit :J’avais déjà introduit Heidegger pour qui la science ne pense pas (« Die Wissenschaft denkt nicht »), pour l’opposer au courant des Lumières radicales dont Spinoza fut sans doute le représentant le plus célèbre.
certes mais l'opposition est bancale.
Il y a une critique de la science expérimentale /empiriste chez les phénoménologues (y compris chez Husserl).Il faudrait voir ce qu'il en est critiqué exactement.
Il y a une critique de la science expérimentale également chez Spinoza (mais oui) et pour des raisons analogues à celles des phénoménologues, analogues à toutes les critiques de tous les philosophes (sauf peut- être Auguste Comte et puis les positivistes du cercle de Vienne pour faire court )...
La science pense, mais ne pense pas philosophiquement.

Heidegger s'est expliqué là dessus

Heidegger a écrit :Cette phrase : la science ne pense pas, qui a fait tant de bruit lorsque je l'ai prononcée, signifie : la science ne se meut pas dans la dimension de la philosophie. Mais, sans le savoir, elle se rattache à cette dimension.
Par exemple : la physique se meut dans l'espace et le temps et le mouvement. La science en tant que science ne peut pas décider de ce qu'est le mouvement, l'espace, le temps. La science ne pense donc pas, elle ne peut même pas penser dans ce sens avec ses méthodes. Je ne peux pas dire, par exemple, avec les méthodes de la physique, ce qu'est la physique. Ce qu'est la physique, je ne peux que le penser à la manière d'une interrogation philosophique. La phrase : la science ne pense pas, n'est pas un reproche, mais c'est une simple constatation de la structure interne de la science : c'est le propre de son essence que, d'une part, elle dépend de ce que la philosophie pense, mais que, d'autre part, elle oublie elle-même et néglige ce qui exige là d'être pensé.
HEIDEGGER

personnellement je souscris .

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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar Vanleers » 18 mars 2016, 15:48

A hokousai

Au fond, vous posez les questions : peut-on être spinoziste et marxiste (ou marxien) ? et peut-on être spinoziste et heideggérien ?

Je n’en sais rien mais je constate, par expérience, qu’il est fructueux de confronter Spinoza à d’autres penseurs, par exemple à Marx et Heidegger, pour essayer de mieux comprendre Spinoza.

C’est au lecteur de juger par lui-même si Lordon, Matheron, etc. disent ou non des choses intéressantes sur Spinoza.
C’est également au lecteur d’évaluer la querelle entre les thuriféraires de Heidegger et ses détracteurs qui soutiennent que cette philosophie est une philosophie nazie et de voir aussi comment Heidegger et ceux qui s’en inspirent se situent par rapport aux Lumières et à Spinoza.

L’ouvrage majeur de Spinoza est une éthique et doit, à mon avis, être apprécié uniquement au regard de ses effets concrets sur le lecteur qui essaie de mettre l’Ethique en pratique : cette lecture le rend-elle plus libre et plus heureux ou pas ?
Comme Spinoza propose un salut par la connaissance, je ne nie pas l’importance du débat d’idées mais celui-ci doit être ordonné à la recherche d’un art de vivre jugé plus satisfaisant par les interlocuteurs.


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