Sinusix a écrit :Je n'ai pas lu que Sescho (il s'en expliquera bien entendu mieux que moi) adossait à une certitude du futur son exemple du possible associé au recouvrement de la santé, mais simplement sur la connaissance comparative, à partir de la mémoire, en chacun, entre l'état de santé et l'état de maladie (l'analyse comparative n'a de sens que si l'état de santé a été connu antérieurement - cf. la formule Nietzschéenne).
Oui. Mais votre précision est intéressante à mon sens et appelle chez moi à quelques développements. Je dirais que la chose se développe à plusieurs niveaux :
- Dans l’hypothèse d'une douleur ou d'une gène majeure il y a une tendance naturelle à vouloir l'éliminer. C’est automatique (je parle pour un esprit simple) et pose par là-même le sens de l’action bonne.
- C’est par connaissance du premier genre (expérience vague) que je sais que le médecin est capable de supprimer la douleur.
- La raison m’indique qu’il convient aussi et surtout de supprimer la cause. Elle m’indique en tout cas de faire ce qui est à ma disposition pour aller mieux, savoir aller voir le médecin.
- La seule certitude (dans le meilleur des cas) tient dans la parfaite maîtrise du corps par le médecin.
Sinusix a écrit :De mon point de vue (je laisse Sescho s'exprimer sur son point de vue mais j'ai cru comprendre qu'il était le même), le "futur", même Spinoziste, malgré le déterminisme des lois, ou à cause de lui, reste un ensemble "ouvert" du fait de l'entendement imparfait qui est le nôtre (pourquoi aurait-il sinon pris la peine de définir ce qu'il entend par contingent et par possible).
Le déterminisme est absolu, mais comme Spinoza le dit il vaut mieux, compte tenu de la faiblesse humaine, considérer les choses qui se trouvent hors de notre maîtrise comme contingentes et possibles ; c’est même dans ce cadre une nécessité pour la vie.
Mais le déterminisme est quand-même absolu, et il serait pour le moins incongru de prendre nos ignorances pour un espace de liberté... Tout se déroule en permanence en vertu des lois de la Nature. Encore une fois, l’argument paresseux (pourquoi faire quoi que ce soit alors ?) n’a pas la moindre valeur, car que j’agisse ou pas c’est toujours en vertu des lois de la Nature. A moins que je ne sois vaincu par l’illusion de libre-arbitre (chose extrêmement répandue) je n’ai aucune raison de ne pas prendre la véritable paix et vigueur de l’âme que la Nature m'impose et m'offre à la fois.
Sinusix a écrit :… l'interprétation est inhérente à la lecture du texte, comme de tout texte, d'ailleurs (voir les échanges sur le 3ème genre), compte tenu de nos essences singulières. …
L’exemple du troisième genre ne laisse pas de m’étonner… Cela me met vraiment sur le c… (vraiment) qu’on puisse le trouver problématique… (je laisse de côté les moult invitations répétées de Louisa à argumenter, etc. : ceci a déjà été fait plusieurs fois et son comportement réel est très largement à l’opposé ; il consiste à prendre une tournure de phrase dans le sens d’un préjugé, et de ne pas vouloir en démordre même avec 50 extraits contradictoires en face, qu’elle refuse de discuter.)
Il ne s’agit même pas là de problèmes un peu plus difficiles, comme celui des prétendus modes infinis médiats, il s’agit de phrase simples, explicites, en bon français. C’est pourquoi j’ai invité les lecteurs intéressés à se reporter au texte ; s’ils veulent bien le lire avec quelque soin, c’est parfaitement clair, et redondant qui plus est… J’en fait juge ceux qui veulent lire Spinoza et ne sont pas gravement aveuglés par les préjugés. Je me vois mal expliquer « le ciel est bleu » (y compris à qui dit « le ciel est rouge » et se soucie comme d’une guigne du texte de Spinoza lui-même, tout en prétendant vouloir le traduire ; ceci valant d’ailleurs pour bien d’autres choses, comme « impuissance », etc.)
Ce qui constitue la connaissance du troisième genre c’est ce qui est dégagé (verbalement) par celle du deuxième genre, mais vu en direct, par l’intuition, en un seul mouvement mental. L’exemple des proportions (trois fois) est évident ; pourquoi se faire des nœuds au cerveau : il s’agit de toute évidence de la connaissance
de la même chose (en l’occurrence une proportion) mais suivant des degrés croissants de profondeur, de puissance, de clarté. Et notre conditionnement mental n’est pas tel quand-même qu’on ne sache même plus ce que veut dire intuition !
Et comment peut-on nier Spinoza à ce point, tout en prétendant s’intéresser à le comprendre ? Comment penser qu’il a développé toute l’
Ethique selon le deuxième genre de connaissance – qui ne vaudrait rien (je laisse de côté les pseudo-explications du genre : ce n’est pas qu’il ne vaut rien, mais qu’il est incomplet, etc.) – pour nous parler d’une connaissance du troisième genre au sujet de laquelle
il ne nous démontre strictement rien (et pour cause : démontrer c’est du deuxième genre.) Et ce de chose singulière, qui plus est, ce qui est démenti partout où c’est très explicite (outre - le pompon - que la Raison est incompatible avec des essences vues comme exclusivement singulières.) C’est l’imagination débridée au pouvoir. C’est purement et simplement grotesque !!!
Alors qu’il est totalement cohérent de considérer que Spinoza développe le deuxième genre pour indiquer ce qu’il y a à voir par l’intuition (car une démonstration est convaincante par sa logique de déroulement, mais n’implique pas
per se de voir sa conclusion elle-même en vérité, c’est-à-dire intuitivement.)
Spinoza a écrit :TRE 24. Quant aux mathématiciens, ils savent par la démonstration de la 19e proposition du livre VII d'Euclide quels nombres sont proportionnels entre eux ; ils savent par la nature même et par les propriétés de la proposition, que le produit du premier nombre par le quatrième est égal au produit du second par le troisième ; mais ils ne voient pas la proportionnalité adéquate des nombres donnés, ou s'ils la voient, ils ne la voient point par la vertu de la proposition d'Euclide, mais bien par intuition et sans faire aucune opération.
28. Troisième mode [deuxième genre]. Il faut reconnaître qu'il nous donne l'idée de la chose, et qu'il nous permet de conclure sans risque de nous tromper ; néanmoins il n'a pas en soi la vertu de nous mettre en possession de la perfection à laquelle nous aspirons.
29. Le quatrième mode [troisième genre] seul saisit l'essence adéquate de la chose [la même sans doute possible], et d'une manière infaillible ; c'est donc celui dont nous devrons faire principalement usage. ...
CT2Ch1 (3) … 3° Un troisième ne se contente ni du ouï-dire, qui peut être faux, ni de l’expérience particulière, qui ne peut donner une règle universelle, mais il cherche la vraie raison de la chose, laquelle, une fois trouvée, ne peut tromper ; et cette raison lui apprend que, en vertu de la proportionnalité des nombres, la chose doit être ainsi et non autrement.
4° Enfin, le quatrième, qui possède la connaissance absolument claire, n’a besoin ni du ouï-dire, ni de l’expérience, ni de la logique, parce qu'il aperçoit immédiatement par l'intuition la proportionnalité des nombres.
Note 2 : Le premier a une opinion ou une croyance seulement par ouï-dire ; 2° le second a une opinion ou une croyance par l'expérience, et ce sont les deux formes de l'opinion ; 3° le troisième est assuré par le moyen de la vraie foi, qui ne peut jamais tromper, et c'est la foi proprement dite ; 4° le quatrième n'a ni l'opinion ni la foi, mais il voit la chose elle-même et en elle-même sans aucun intermédiaire.
CT2Ch2 (2) : Nous appelons le second la foi vraie, parce que les choses aperçues seulement par la raison ne sont pas vues en elles-mêmes, et qu'il ne se produit dans notre esprit qu'une persuasion que les choses sont ainsi et ne sont pas autrement.
Enfin nous appelons claire connaissance celle que nous obtenons, non par une conviction fondée sur le raisonnement, mais par le sentiment et la jouissance de la chose elle-même.
CT2Ch4 : (1) Après avoir montré dans le chapitre précédent comment les passions naissent des erreurs de l'opinion, nous avons à considérer maintenant les effets des deux autres modes de connaissance, et d'abord de celui que nous avons nommé la vraie foi [1].
Note 1 : La foi est une conviction puissante fondée sur des raisons, en vertu de laquelle je suis persuadé dans mon entendement que la chose est en vérité et en dehors de mon esprit, semblablement à ce qu'elle est dans mon esprit. Je dis une conviction puissante fondée sur des motifs, pour la distinguer de l'opinion, qui est toujours douteuse et sujette à l'erreur, aussi bien que de la science, qui ne consiste pas dans une conviction fondée sur des raisons, mais dans une union immédiate avec la chose elle-même. Je dis en outre que la chose est en vérité et hors de mon esprit. En vérité, car dans ce cas les raisons ne peuvent pas me tromper : elles ne se distingueraient pas de l'opinion. Je dis en outre qu’elle est semblablement : car la foi ne peut me montrer que ce que la chose doit être, et non ce qu'elle est ; autrement, elle ne se distinguerait pas de la science. Je dis encore : en dehors ; car elle nous fait jouir intellectuellement non de ce qui est en nous, mais de ce qui est hors de nous.
(2) Ce mode de connaissance nous apprend en effet comment les choses doivent être, et non pas comment elles sont en vérité : d'où vient que nous ne sommes jamais complètement unis avec la chose que nous croyons. Je dis donc que cette connaissance nous montre comment la chose doit être, et non quelle elle est. Il y a là une grande différence, car, comme nous l'avons montré dans notre exemple de la règle de trois, si quelqu'un peut trouver par la proportion un quatrième nombre qui soit au troisième comme le second est au premier, il peut dire alors, par le moyen de la multiplication et de la division, que ces quatre nombres sont proportionnels ; et, quoiqu’il en soit réellement ainsi, il en parle néanmoins comme d'une chose qui est en dehors de lui ; tandis que lorsqu'il considère la proportionnalité, comme nous l'avons montrée dans le quatrième cas, il dit que la chose est en effet ainsi, car alors elle est en lui, et non hors de lui. Et voilà pour le premier point.
(3) Quant au second effet de la vraie foi, il consiste à nous conduire à la claire connaissance, par laquelle nous aimons Dieu ; et elle nous fait connaître intellectuellement les choses qui sont hors de nous, et non en nous.
(4) Le troisième effet est qu’elle nous donne la connaissance du bien et du mal et nous fait connaître les passions que nous devons réprimer. …
CT2Ch21 : (3) En effet le pouvoir que nous tenons de la chose elle-même est toujours plus grand que celle que nous acquérons par l'intermédiaire d’une autre chose, comme nous l'avons montré plus haut, en distinguant le raisonnement et la claire intelligence, d'après l'exemple de la règle de trois, car il y a plus de puissance à comprendre la proportionnalité en elle-même qu'à comprendre la règle des proportions. Et c'est pourquoi nous avons souvent dit qu'un amour est détruit par un autre qui est plus grand ; mais nous n'entendons pas par là le désir, qui ne vient pas, comme l'amour, de la vraie connaissance, mais du raisonnement.
CT2Ch22 : (1) Puisque donc la raison (le raisonnement) n'a pas la puissance de nous conduire à la béatitude, il nous reste à chercher si, par le quatrième et dernier mode de connaissance, nous pouvons y arriver. Nous avons dit que cette espèce de connaissance ne nous est fournie par aucun intermédiaire, mais vient de la manifestation immédiate de l’objet à l'intelligence ...
CT2Ch26 : (6) Enfin, nous voyons encore que la connaissance par raisonnement n'est pas en nous ce qu'il y a de meilleur, mais seulement un degré par lequel nous nous élevons au terme désiré, ou une sorte d'esprit bienfaisant qui, en dehors de toute erreur et de toute fraude, nous apporte la nouvelle du souverain bien et nous invite à le chercher et à nous unir à lui, laquelle union est notre salut véritable et notre béatitude.
E2P29S : Je dis expressément que l’âme humaine n’a point une connaissance adéquate d’elle-même, ni de son corps, ni des corps extérieurs, mais seulement une connaissance confuse, toutes les fois qu’elle perçoit les choses dans l’ordre commun de la nature ; par où j’entends, toutes les fois qu’elle est déterminée extérieurement par le cours fortuit des choses à apercevoir ceci ou cela, et non pas toutes les fois qu’elle est déterminée intérieurement, c’est-à-dire par l’intuition simultanée de plusieurs choses, à comprendre leurs convenances, leurs différences et leurs oppositions ; car chaque fois qu’elle est ainsi disposée intérieurement de telle et telle façon, elle aperçoit les choses clairement et distinctement, comme je le montrerai tout à l’heure.
E2P37 : Ce qui est commun à toutes choses (voir le Lemme ci-dessus), ce qui est également dans le tout et dans la partie, ne constitue l’essence d’aucune chose particulière.
E2P38 : Ce qui est commun à toutes choses et se trouve également dans le tout et dans la partie, ne se peut concevoir que d’une façon adéquate.
E2P41 : La connaissance du premier genre est l’unique cause de la fausseté des idées ; celle du second et du troisième genre est nécessairement vraie.
E2P44C2Dm : … les fondements de la raison, ce sont (par la Propos. 38, partie 2) ces notions qui contiennent ce qui est commun à toutes choses, et n’expliquent l’essence d’aucune chose particulière (par la Propos. 37, partie 2), notions qui, par conséquent, doivent être conçues hors de toute relation de temps et sous la forme de l’éternité.
E2P47S : Nous voyons par là que l’essence infinie de Dieu et son éternité sont choses connues de tous les hommes. Or, comme toutes choses sont en Dieu et se conçoivent par Dieu, il s’ensuit que nous pouvons de cette connaissance en déduire beaucoup d’autres qui sont adéquates de leur nature, et former ainsi ce troisième genre de connaissance dont nous avons parlé (dans le Schol. 2 de la Propos. 40, partie 2) …
E4P52 : La paix intérieure peut provenir de la raison, et cette paix née de la raison est la plus haute où il nous soit donné d’atteindre.
Démonstration : La paix intérieure, c’est la joie qui naît pour l’homme de la contemplation de soi-même et de sa puissance d’agir (par la Déf. 25 des pass.). Or, la véritable puissance d’agir de l’homme ou sa vertu, c’est la raison elle-même (par la Propos. 3, part. 3) que l’homme contemple clairement et distinctement (par les Propos. 40 et 43, part. 2)…
E4App : CHAPITRE IV : Il est donc utile au suprême degré, dans la vie, de perfectionner autant que possible l’entendement, la raison, et c’est en cela seul que consiste le souverain bonheur, la béatitude.
E5P10Dm : ... l’âme a la puissance de former des idées claires et distinctes, et de les déduire les unes des autres (voyez le Schol. 2 de la Propos. 40 et le Schol. de la Propos. 47, part. 2) ; d’où il résulte (par la Propos. 1, part. 5) qu’elle a la puissance d’ordonner et d’enchaîner les affections du corps suivant l’ordre de l’entendement.
E5P12Dm : Les objets que nous concevons clairement et distinctement, ce sont les propriétés générales des choses, ou ce qui se déduit de ces propriétés (voyez la Défin. de la raison dans le Schol. 2 de la Propos. 40, part. 2) ...
E5P23Dm : … les idées qui sont en nous claires et distinctes ou qui se rapportent à la connaissance du troisième genre (voy. le Schol. 2 de la propos. 40, part. 2) ne peuvent résulter des idées mutilées et confuses, lesquelles (par le même Schol.) se rapportent à la connaissance du premier genre, mais bien des idées adéquates, c’est-à-dire (par le même Schol.) de la connaissance du second et du troisième genre. …
Scholie : … nous éprouvons que nous sommes éternels. L’âme en effet, ne sent pas moins les choses qu’elle conçoit par l’entendement que celles qu’elle a dans la mémoire. Les yeux de l’âme, ces yeux qui lui font voir et observer les choses, ce sont les démonstrations. …
E5P36CS : … et j’ai pensé qu’il était à propos de faire ici cette remarque, afin de montrer par cet exemple combien la connaissance des choses particulières, que j’ai appelée intuitive ou du troisième genre (voyez le Schol. 2 de la Propos. 40, part. 2), est préférable et supérieure à la connaissance des choses universelles que j’ai appelée du second genre ; car, bien que j’aie montré dans la première partie d’une manière générale que toutes choses (et par conséquent aussi l’âme humaine) dépendent de Dieu dans leur essence et dans leur existence, cette démonstration, si solide et si parfaitement certaine qu’elle soit, frappe cependant notre âme beaucoup moins qu’une preuve tirée de l’essence de chaque chose particulière et aboutissant pour chacune en particulier à la même conclusion.
Lettre 21 à Blyenbergh : … convaincu d’ailleurs, quand j’ai trouvé une démonstration solide, qu’il est impossible que je vienne jamais à en douter, je me repose avec une parfaite confiance et sans aucune crainte d’illusion dans ce que la raison me fait voir clairement, et je me tiens assuré, sans même lire l’Écriture sainte, qu’elle n’y peut contredire. …
Lettre 37 à Bouwmeester : … toutes nos perceptions claires et distinctes ne peuvent naître que de perceptions de même espèce, lesquelles sont primitivement en nous et n’ont aucune cause extérieure. D’où il suit que toutes ces perceptions ne dépendent que de notre seule nature et de ses lois invariables et déterminées ; en d’autres termes, c’est de notre seule puissance qu’elles dépendent et non point de la fortune, je veux dire des causes extérieures, qui sans doute agissent suivant des lois déterminées et invariables, mais nous demeurent inconnues, étrangères qu’elles sont à notre nature et à notre puissance propre. …
TTP4 : … Si nous considérons maintenant avec attention la nature de la loi divine naturelle, telle que nous l’avons définie tout à l’heure, nous reconnaîtrons : 1° qu’elle est universelle, c’est-à-dire commune à tous les hommes ; nous l’avons déduite en effet de la nature humaine prise dans sa généralité ; 2° qu’elle n’a pas besoin de s’appuyer sur la foi des récits historiques, quels que soient d’ailleurs ces récits. Car comme cette loi divine naturelle se tire de la seule considération de la nature humaine, on la peut également concevoir dans l’âme d’Adam et dans celle d’un autre individu quelconque, dans un solitaire et dans un homme qui vit avec ses semblables. Ce n’est pas non plus la croyance aux récits historiques, si légitime qu’elle soit, qui peut nous donner la connaissance de Dieu, ni par conséquent l’amour de Dieu, qui en tire son origine ; cette connaissance, nous la puisons dans les notions universelles qui se révèlent par elles-mêmes et emportent une certitude immédiate … [notions communes ou axiomes, le reste par déduction logique.]
TTP5 : … il faut observer, quand on se sert de preuves fondées sur l’expérience, que si elles ne sont point accompagnées d’une intelligence claire et distincte des faits, on pourra bien alors convaincre les esprits, mais il sera impossible, surtout en matière de choses spirituelles et qui ne tombent pas sous les sens, de porter dans l’entendement cette lumière parfaite qui entoure les axiomes, lumière qui dissipe tous les nuages, parce qu’elle a sa source dans la force même de l’entendement et dans l’ordre de ses perceptions. D’un autre côté, comme il faut le plus souvent, pour déduire les choses des seules notions intellectuelles, un long enchaînement de perceptions, et en outre une prudence, une pénétration d’esprit et une sagesse fort rares, les hommes aiment mieux s’instruire par l’expérience que déduire toutes leurs perceptions, en les enchaînant l’une à l’autre, d’un petit nombre de principes. Que résulte-t-il de là ? c’est que quiconque veut persuader une doctrine aux hommes et la faire comprendre, je ne dis pas du genre humain, mais d’une nation entière, doit l’établir par la seule expérience, et mettre ses raisons et ses définitions à la portée du peuple, qui fait la plus grande partie de l’espèce humaine ; autrement, s’il s’attache à enchaîner ses raisonnements et à disposer ses définitions dans l’ordre le plus convenable à la liaison rigoureuse des idées, il n’écrit plus que pour les doctes, et ne peut plus être compris que d’un nombre d’individus très-petit par rapport à la masse ignorante de l’humanité. …
TTP6 : … les preuves tirées de la révélation, ne se fondent pas sur les notions universelles et communes à tous les hommes, …
Note 7 : … pour concevoir la nature de Dieu d’une manière claire et distincte, il est nécessaire de se rendre attentif à un certain nombre de notions très-simples qu’on appelle notions communes, et d’enchaîner par leur secours les conceptions que nous nous formons des attributs de la nature divine.
TTP7 : … dans l’étude de la nature on commence par les choses les plus générales et qui sont communes à tous les objets de l’univers, c’est à savoir, le mouvement et le repos, leurs lois et leurs règles universelles que la nature observe toujours et par qui se manifeste sa perpétuelle action, descendant ensuite par degrés aux choses moins générales …
TTP13 : … si l’on prétend qu’il n’y a pas besoin à la vérité de connaître les attributs de Dieu, mais de croire tout simplement et sans démonstration, c’est là une véritable plaisanterie. Car les choses invisibles et tout ce qui est l’objet propre de l’entendement ne peuvent être aperçus autrement que par les yeux de la démonstration ; ceux donc à qui manquent ces démonstrations n’ont aucune connaissance de ces choses, et tout ce qu’ils en entendent dire ne frappe pas plus leur esprit ou ne contient pas plus de sens que les vains sons prononcés sans jugement et sans aucune intelligence par un automate ou un perroquet. …
TTP14 : … les fondements de la philosophie sont des notions communes, et elle-même ne doit être puisée que dans la nature …
TTP16 : ... la nature n’est pas renfermée dans les bornes de la raison humaine, qui n’a en vue que le véritable intérêt et la conservation des hommes ; mais elle est subordonnée à une infinité d’autres lois qui embrassent l’ordre éternel de tout le monde, dont l’homme n’est qu’une fort petite partie. C’est par la nécessité seule de la nature que tous les individus sont déterminés d’une certaine manière à l’action et à l’existence. Donc tout ce qui nous semble, dans la nature, ridicule, absurde ou mauvais, vient de ce que nous ne connaissons les choses qu’en partie, et que nous ignorons pour la plupart l’ordre et les liaisons de la nature entière ; nous voudrions faire tout fléchir sous les lois de notre raison, et pourtant ce que la raison dit être un mal n’est pas un mal par rapport à l’ordre et aux lois de la nature universelle, mais seulement par rapport aux lois de notre seule nature.
Encore beaucoup d’extraits (déjà toujours trop pour ceux qui n’ont presque que faire de ce que Spinoza dit vraiment dans l’ensemble, ce qui me pousse précisément à plus rappeler le texte de Spinoza, qu’on finirait sinon par oublier complètement) mais j’ai pourtant assez sévèrement taillé…
Dites-moi Sinusix, vous qui me semblez avoir du discernement, qu’y lisez-vous, SVP ?
Que les êtres de Raison et les essences de genre n’existent pas, mais seules les choses singulières et Dieu, et sont donc sans signification ; que la Raison donc – qui les utilise en permanence, et évidemment avec Spinoza – n’a aucune utilité (donc aucun sens, car dire que c’est utile mais sans sens, c’est-à-dire sans réalité, c’est se moquer du monde) ?
Note : la Raison ne fonctionne absolument pas sur du singulier en tant que singulier, c’est impossible.
Que la connaissance du troisième genre ne pouvant être liée à la Raison (qui d’ailleurs n’en démontre effectivement rien), il s’agit d’une qualité merveilleuse, comme magique, toute l’
Ethique n’étant là que pour amuser les amateurs de gymnastique intellectuelle ? (Quel mystificateur ce Spinoza, qui parle aussi par dizaines de fois d’impuissance, de vices, de mauvaises passions, d’humains inhumains, etc. alors qu’il pense que cela est nuisible…)
Que les choses singulières nous sont accessibles clairement et distinctement dans leur singularité ?
Dites-moi, SVP, car je si je ne suis pas là à Sainte-Anne, c’est que je dois y entrer…
Serge
P.S. Je ne vois dans E5 aucune simple résurgence de vieilles croyances, mais la suite logique de ce qui précède. Je suis prêt à en discuter si vous voulez.
P.S. 2 : la classification des genres de connaissance doit
a priori largement à
Platon.
Connais-toi toi-même.