Spinoza a-t-il atteint la troisième voie de la connaissance?

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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AUgustindercrois
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Spinoza a-t-il atteint la troisième voie de la connaissance?

Messagepar AUgustindercrois » 26 févr. 2006, 01:56

Je me posais récemment cette question, qui à mon avis est la seule pertinente: Spinoza a-t-il connu cette fameuse troisième voie de la connaissance?

Et cette fameuse troisième voie, qui se réfère à la charité, n'a -t-elle pas un petit arrière goût de théologie?

Je posais la question à une connaissance spinoziste, qui botta en touche, trouvant bizarre mon interrogation. pour lui, seul ce qu'il écrivait importait.

Or, je m'en tiens à cette démarche biographique.

L'histoire des araignées n'est -t-elle pas choquante?

Spinoza ne partage -t-il pas les préjugés de son époque à l'égrad des femmes, suspectées, à mon avis, d'être incapables de toute raison?

Autant de questions auxquelles je n'ai pas de réponses, et que nous pourrions aborder ensemble.

Amicalement,

AUgustin

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DGsu
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Messagepar DGsu » 26 févr. 2006, 09:44

Salut Augustin!

L'histoire des arraignées se trouve dans la biographie de Colerus si je me souviens bien. C'est une anecdote, elle est invérifiable. Est-ce donc si essentiel de savoir si c'est vrai ? Si ça ne l'est pas, alors ce ne sont que quelques élucubrations d'un biographe en mal de petites histoires; si ça l'est, alors cela signifie que Spinoza aurait succombé cette fois à une passion, la cruauté. Et pourquoi pas ? Cela ne rend pas ses écrits moins intéressants pour nous, cela n'empêche pas non plus les questions les plus infimes de se poser.

Porte-toi bien! DG :wink:

<edit> ceci écrit, j'ai conscience de ne pas répondre à ta question première, pour laquelle je n'ai pas de réponse
"Ceux qui ne bougent pas ne sentent pas leurs chaînes." Rosa Luxemburg

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Henrique
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Messagepar Henrique » 26 févr. 2006, 15:13

Pour l'histoire des araignées, il me semble plausible qu'on ait vu un jour Baruch observer de quelle façon l'effort de persévérer dans son être oeuvre aussi chez les arachnides, on a dû s'étonner de ne pas le voir s'affliger devant un tel spectacle, comme doit encore le faire semble-t-il tout bon chrétien, ne comprenant pas que la joie de comprendre puisse s'étendre à de tels domaines. A partir de là, il n'a pas du falloir longtemps pour que des esprits honnêtes affirment avoir vu Spinoza organiser des combats d'araignées dans sa chambre. S'il avait vécu un peu plus longtemps, d'autres auraient été persuadés de l'avoir vu danser nu à la pleine lune au milieu d'un cercle d'araignées déchaînées posées sur des braises ardentes !

Pour ce qui est des femmes, connais tu cet article ? http://www.spinozaetnous.org/article9.html

Mais j'en viens au fond de ta question qui me semble être "est-il possible d'accéder au troisième genre de connaissance si on a des préjugés ?" Mais pourquoi veux-tu qu'accéder à une telle forme de connaissance empêche toute forme de préjugé ? Spinoza n'a jamais dit que cela signifiait devenir omniscient et donc absolument libre de tout préjugé. Certes cela en limite un certain nombre mais cela concerne essentiellement ce qui touche à la question du bonheur et du salut personnels.

Je pense par ailleurs que des personnes comme Shankara ou encore Bouddha ou Jésus ont connu assez clairement et distinctement ce dont parle Spinoza - en fait tout le monde connaît par le troisième genre de connaissance mais le plus souvent obscurément et confusément. Cela ne les a manifestement pas empêché de céder à certains préjugés de leur époque sur des questions marginales par rapport à celle du salut personnel, notamment des questions d'ordre politique où l'élément empirique et son cortège d'incertitudes et de doutes est incontournable. Ainsi Bouddha a maintenu la croyance à la réincarnation si propre à maintenir l'ordre public alors que sa doctrine de l'anatman la réfutait, Jésus a dit que tout était pardonné sauf quelque chose d'aussi inconsistant que le flatus vocis consistant à prononcer en vain le nom de Dieu, quant à Shankara, il était pour le maintien du système des castes...

Si tu consultes aussi l'article sur l'amour intellectuel (on pourrait tout aussi bien se demander si Spinoza a connu cet amour), tu verras qu'à mon sens en tout cas, que le troisième genre de connaissance ou intellect et l'amour intellectuel qui en procède n'ont rien de si mystérieux et inaccessible.

Disons pour résumer que le troisième genre de connaissance consiste à sentir la surabondance de l'infini présente dans le fini. C'est le cas par exemple confusément lorsqu'après avoir consacré notre énergie pour lutter contre une maladie, nous sommes de nouveau frais et dispos, une sorte de sourire intérieur nous envahit et envahit notre perception du monde, nous donnant envie d'embrasser la totalité du monde. C'est le cas aussi, nous dit Spinoza, lorsque nous considérant nous-mêmes, nous avons le sentiment de ne jamais pouvoir mourir. L'étincelle de joie qui se trouve là indique le chemin - tandis que tout ce qui s'y rapporte secondairement par l'imagination - l'espoir que le mental et sa mémoire survivent à la mort du corps, la crainte qui s'en suit - nous détourne de cette voie.

Il s'agit avec l'éthique spinozienne de supprimer les causes mentales qui nous empêchent de sentir spontanément et en permanence que nous sommes pure positivité, éternellement réconciliée avec le monde. Ces causes sont les préjugés et les passions tristes qui s'en suivent.

Une fois installé dans un tel état, je ne suis plus perméable aux passions tristes et à leurs conséquences intellectuellement propres à nous inspirer les bêtises ordinaires que dénonçait entre autres Flaubert. Le plus souvent, les préjugés ou comme on dit dans les milieux policés "les grosses conneries", ont pour racine ces passions tristes (racisme, misogynie, délires de persécution, paranoïa sécuritaire sarkozyste etc.).

Mais les préjugés peuvent aussi venir parfois tout simplement de défaut de réflexion ou d'ignorance. Ainsi, le préjugé du libre arbitre vient de la conscience que nous avons de nos volitions et de l'ignorance dans le même temps de leurs causes : il n'y a pas là vraiment de tristesse à la racine. C'est pourquoi de grands esprits certainement habités par une conscience de ce que Spinoza appelle la béatitude y ont cédé. Je pense par exemple à Maître Eckhart.

D'un point de vue spinoziste, le sentiment de joie débordante qui découle de la conscience de notre fond substantiel implique notamment l'engagement politique et non le retrait dans une illusoire tour d'ivoire contemplative. Le spinoziste s'engage alors non pas d'abord "contre" - ce qui est le cas de bien de politiques qui font de leur révolte et de leur colère sociale la vertu cardinale de leur engagement - mais "pour" (la paix, la liberté, la justice qui sont d'autant plus fortes que le plus grand nombre en jouit). Mais le domaine de l'action politique est le domaine où par définition on navigue à vue, devant se référer dans l'urgence à bien plus de ouï-dire et de généralisations empiriques qu'à des connaissances véritablement rationnelles. Il s'ensuit la nécessité de se tromper parfois sur certaines questions de cet ordre, faute de temps pour y réfléchir avec toute la sérénité requise. Et cela fait aussi partie de la perfection de l'être.

Et donc Spinoza a-t-il connu selon le troisième genre de connaissance ? Si je le peux, si tu le peux, il l'a sans doute pu aussi et plutôt deux fois qu'une.

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Messagepar hokousai » 26 févr. 2006, 16:44

Sur la réincanation dans le bouddhisme .http://www.buddhaline.net/article.php3?id_article=180


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