Hokousai a écrit :on parle de l'idée d'intention parce que vous avez écrit
Citation:
à mon sens, le spinozisme abolit la notion d'"intention" (notamment en n'en parlant jamais). Ce qui est important pour "moi", ce n'est pas de savoir dans quelle mesure l'autre a l'intention de me nuire ou non, c'est simplement de savoir dans quelle mesure il me nuit ou non. Si la "rencontre fortuite" avec lui est nuisible pour moi, il faut que je fasse quelque chose, sinon tout va bien.
Disons que si je prête à autrui une intention de me nuire il faut que je fasse quelque chose.
Non ?
Il me semble que Spinoza n abolit pas l' idée de prudence .(caute!!)
il faut faire quelque chose lorsqu'on sent que quelqu'un nous est nuisible, ou risque de nous être nuisible (prudence en effet).
Mais que faut-il faire? La réponse sera différente selon qu'on se permet de penser en termes d'intention ou non.
Celui qui pense que l'autre a l'
intention de me nuire, identifiera cette capacité de me nuire à un aspect de l'essence ou de la puissance de l'autre. A partir de ce moment-là, essayer de rendre l'autre moins nuisible pour moi, cela signifie essayer de
diminuer sa puissance, pour que son intention a devienne moins puissante, donc aura moins d'effet sur moi, m'affectera moins.
Or d'un point de vue spinoziste ceci est tout à fait contre-productive. C'est que lorsqu'un homme nuit à un autre homme, c'est-à-dire n'est
pas un "dieu" pour lui, par définition il n'est pas en train d'agir sous la conduite de la raison (puisque sous la conduite de la raison, on ne peut que convenir, entre hommes, c'est-à-dire s'entre-aider etc.). Il est donc en train de pâtir. Il est d'abord et avant tout lui-même dupe. Dupe d'une cause extérieure, qui fait qui n'agit pas selon ce qui serait le plus raisonnable, que momentanément il n'a pas la
puissance d'agir selon les règles de la raison. Or dès qu'on dit cela, on dit que ce qui fait que l'autre est en train de me nuire ce n'est pas sa puissance à lui, c'est le fait qu'il est
trop peu puissant, ou impuissant, pour ne pas me nuire, et qu'il en est lui-même la première victime. Là, la solution qui se présente est exactement l'inverse que lorsqu'on pense en termes d'intention. Ici il faut tout faire, et d'urgence, pour
augmenter la puissance de l'autre, car ce n'est que cela qui lui permettra de ne plus me nuire. Et si pour l'une ou l'autre raison on ne peut pas augmenter sa puissance de penser et d'agir, il vaut mieux fuir, dit Spinoza. Il ne faut donc en aucun cas pas commencer à essayer de
diminuer sa puissance, car là on obtiendra exactement l'effet inverse, il subira encore plus, donc il sera encore moins raisonnable, donc encore plus nuisible, vous voyez?
L'idée de base est la même: il faut rendre ce qui est nuisible innocif. Mais selon qu'on raisonne sur base de l'idée d'une intention ou non, on devra poser des actes tout à fait différents et en réalité opposés les uns aux autres (dans l'un cas, il faut essayer de diminuer la puissance de l'autre, par exemple en le ridiculisant en public; dans l'autre cas, il faut essayer d'augmenter la puissance de l'autre, par exemple en essayant de se situer maximalement sur le niveau de la raison et non pas en imitant les Passions de l'autre).
Hokousai a écrit :............................ j'attends toujours que vous m'expliquiez comment vous comprenez le scolie de prop 8/2
je sais que j'ai du retard, je ne manquerai pas d'y répondre.
Hokousai a écrit :Je lis peu de commentateurs mais j'ai lu Ramond lequel ne m'a pas du tout convaincu .Cessez de vous appuyer sur des autorités .Je suis convaincu qu'il y a du possible et de l'impossible chez Spinoza .J'en conclus qu'il y a du potentiel .
J y reviendrai .
en attendant que vous y reveniez: s'il faut parler en général, je dirais que Ramond ne m'a pas convaincu non plus. Mais je ne crois pas que cela a beaucoup de sens de dire cela. Il vaut mieux utiliser les commentateurs non pas en tant qu'"autorités" ou non, mais en tant que sources d'idées et d'argumentations. Et alors il devient plus intéressant d'essayer de dire avec
quoi plus précisément on n'est pas d'accord et
pourquoi. Je crois que si l'on fait à un commentateur l'honneur d'aborder ce qu'il dit ainsi, il est extrêmement utile de les lire, qu'on soit d'accord avec eux ou non (d'ailleurs, vous qui aimez Thomas d'Aquin, n'est-ce pas ce type d'honneur qu'il a fait à celui qu'il appelle
le Commentateur, c'est-à-dire Averroës, en tant que celui-ci commente Aristote?).
En ce qui concerne le possible chez Spinoza: il dit très explicitement que cette modalité n'est qu'imaginaire. Penser qu'une chose est possible, c'est ne pas connaître les raisons qui vont faire qu'elle se produit ou non. Le possible ne témoigne donc que d'un manque "épistémologique" dans le chef de celui qui pense que x ou y soit possible. Il n'existe pas à un niveau purement ontologique. Ce qui constitue l'une des raisons pour lesquelles il faut dire qu'il ne peut pas y avoir du potentiel non plus, dans le spinozisme (et pourquoi l'espoir est irrationnel, donc inadéquat).