Pour commencer, je n’ai évidemment pas dit qu’à une chose singulière ne correspondait aucune essence (pour qui a quelque mémoire, j’ai déjà dit 100 fois le contraire…et même employé – incorrectement, donc – « essence singulière .») Ce serait tout simplement ridicule : l’essence est l’être d’une chose. Autant une chose est autant elle manifeste d’essence.
Sur cela, E2D2 et E2P10S, etc. le sujet a déjà été débattu depuis longtemps, par exemple dans :
http://www.spinozaetnous.org/ftopic-106-20.html
http://www.spinozaetnous.org/ftopic-690 ... sc-40.html
http://www.spinozaetnous.org/ftopic-780 ... sc-10.html
http://www.spinozaetnous.org/ftopic-825 ... c-190.html
http://spinozaetnous.org/ftopic-863-20.html
http://spinozaetnous.org/ftopicp-13745.html
Mais je renvoie particulièrement aux interventions de Henrique, entre autres, ici, sur la pertinence de « mode fini. »
Pour autant, ceci ne justifie pas d’employer « essence singulière » (c’est à dire d’attribuer le côté singulier à l’essence même) : tout est essence divine (ce que j’entends : Nature naturante ET naturée), et celle-ci est à la fois éternelle et infinie. Dieu n’est pas soumis au temps ; il n’y a pas de naissance, de durée et de mort dans l’essence divine. Il y a du Mouvement mais pas de limites réelles dans l’Etendue infinie. Les Lois du Mouvement dans l’Etendue qui causent de façon immanente toutes les choses particulières - qui sont donc en elles - ne portent pas d’ « essence singulière. » Il n’y a pas véritablement d’essence singulière, il y a de l’essence autant qu’il y a d’être dans les choses particulières, c’est tout.
Reste à savoir quel être exactement on peut à bon droit attribuer à une chose singulière… Ceci en plaçant les attributs et les modes infinis d’abord, sans aucune entorse, même masquée par la rhétorique…
On peut admettre « essence singulière » comme facilité de langage une fois ceci perçu, mais le problème en général c’est qu’il ne s’agit pas du tout de cela mais d’un nouveau support artificiel à une conception erronée du Monde, qui consiste – quoiqu’on en dise – à placer les choses singulières d’abord et à plaquer Dieu ensuite dessus (ce qui convient très bien à l’égocentrisme, alors, qui se voit – faussement - paré de toutes les vertus, en totale opposition avec ce que montrent – véritablement - ses actes...)
La difficulté vient évidemment de ce que, comme le dit Spinoza dans le TRE, la seule considération des choses éternelles – attributs, modes infinis et leurs lois –, est bien loin de nous permettre de tirer des conclusions concernant les choses particulières. Et comme nous en faisons partie, et que c’est surtout ce qui nous intéresse, outre que c’est ce que nous percevons en premier lieu à l’extérieur, c’est bien embêtant... Si nous voulons progresser, il nous faut donc par nécessité prendre acte tout à trac de ces choses particulières (mais ce n’est pas un vrai saut ontologique, comme celui qui lie les attributs aux modes infinis, c’est un saut méthodologique ; c’est dans ce mouvement que se situent E1P25 et E1P28, selon moi) et raisonner à partir d’elles. La seule façon qui permet de le faire est de considérer les « essences de genre » (part de l’essence commune à toutes les choses particulières du genre ; ceci aussi s’oppose à la tétanisation de l’essence par le singulier) qui montrent une certaine permanence dans la manifestation et ne sont pas insaisissables comme les choses singulières prises globalement (si toutefois « chose singulière » a vraiment un sens, ce qui se discute largement dans un contexte d’interdépendance et d’impermanence sans répit.)
Note : ce qui fait la différence entre une notion générale « comble de la confusion » (E2P40S2 ; ce qui est visé principalement là par Spinoza est l’erreur grave d’en venir à forger des « facultés » per se, cause de « leurs modes », telle « la volonté », qui est traitée peu après), et une autre notion générale support essentiel de la Raison (la meilleure part de l’Homme) telle l’essence commune de genre, tient dans la qualité de la définition :
Spinoza a écrit :TTP4 : Si nous considérons maintenant avec attention la nature de la loi divine naturelle, telle que nous l’avons définie tout à l’heure, nous reconnaîtrons : 1° qu’elle est universelle, c’est-à-dire commune à tous les hommes ; nous l’avons déduite en effet de la nature humaine prise dans sa généralité…