Réalité du troisième genre de connaissance ?

Questions touchant à la mise en pratique de la doctrine éthique de Spinoza : comment résoudre tel problème concret ? comment "parvenir" à la connaissance de notre félicité ? Témoignages de ce qui a été apporté par cette philosophie et difficultés rencontrées.
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Messagepar riseohms » 01 avr. 2012, 11:17

bonjour à tous

Libr617 a écrit :A Hokousai,

Dans ce cas, mon petit talent relèverait du deuxième genre de connaissance qui, par définition, faisant appel à la raison discursive sans que j'en aie conscience...

C'est bien cela ?

bardamu a écrit :Ah, finalement, peut-être que Hokousai avait raison sur la confusion possible...
Ce genre de talent relève du premier genre de connaissance si ce n'est que l'aptitude à la répétition mécanique. Si il y a en plus une compréhension, si on comprend pourquoi c'est tel et tel accord qui donne tel et tel effet, comment il faut jouer pour "bien" jouer, on se rapproche d'une science intuitive. Et si ça concerne des nécessités d'existence, du pourquoi ce qu'il se passe ne peut être qu'ainsi, on se rapproche du 3e genre de connaissance.



oui, je pense aussi que le jeu musical, dans l’improvisation notamment ,relève bien du 3e genre de connaissance
car il implique immédiateté, compréhension directe et absence de distance entre le musicien et sa musique,.
le musicien devient musique.
il ne pense pas en jouant et ne se regarde pas jouer
Pourtant cette absence de pensée et la spontanéité du jeu ne sont pas sans intelligence ni contrôle, ce n’est pas purement mécanique, il y a une compréhension directe de ce que l’on joue et sans effort ni médiation
Le silence qui accompagne le jeu musical n’est pas une non-pensée mais une pensée supérieure, directe, intuitive
C’est en ce sens qu’il relève bien du 3e genre de connaissance

De même que la science intuitive est bien l’aboutissement du travail de la pensée dans le 2 e genre de connaissance
De même le jeu musical libre, spontané et naturel ne tombe pas du ciel,
Il est l’aboutissement d’un travail,
Travail qui a été intégré jusqu'à devenir naturel
Cela peut être dans le domaine du piano classique d’abord un travail mécanique, technique mais qui ne suffira jamais si on ne comprend pas l’œuvre que l’on joue,
Il faut faire un travail d’interprétation, comprendre la signification du morceau et les intentions du compositeur,
Travail qui aboutira à un jeu expressif, vivant où le musicien fait corps avec l’œuvre
pour l’improvisation en jazz, les musiciens peuvent passer par un travail théorique sur l’harmonie ou ( et ) par l’écoute directe, ils imitent les pianistes passés mais une telle imitation suppose toujours une écoute analytique du discours musical
Travail et écoute qui relève du 2e genre de connaissance.

Pour aboutir à une compréhension et une vision directe des choses singulières où l’on est sensible à leur réalité et donc à leur perfection, vision qui les situe ,et par là même nous aussi,directement dans leur attribut’’ l’étendue et donc en Dieu
Il a fallu faire un travail d’analyse de ce qui nous empêche de voir la réalité des choses,
Il a fallu déblayer le terrain des idées imaginaires et inadéquates qui nous brouillent la vue afin d’accéder aux idées adéquates et vraies,
Idées qui pacifient l’esprit, le calment et l’ouvrent au 3e genre de connaissance cad à un rapport libre, naturel et direct au réel

Cordialement
Joël

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Messagepar hokousai » 01 avr. 2012, 13:45

à risehoms

Moi quand je mache un chewing gum sans me mordre les joues*, j' ai une connaissance du troisième genre !
<b>oui ou non?</b>

*Et je suis virtuose dans ce genre d exercice, croyez moi.

oui, je pense aussi que la mastication, dans l’improvisation notamment ,relève bien du 3e genre de connaissance.
car il implique immédiateté, compréhension directe et absence de distance entre le mastiquant et l' aliment
Le mastiquant devient aliment et inversement .

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Messagepar Henrique » 01 avr. 2012, 18:21

Juste la thèse que je développerais si j'en avais le temps : un moment d'éternité, c'est la conscience plus ou moins claire mais vive que ce que l'on vit est nécessaire, c'est-à-dire est absolument, au sens de ne pas pouvoir ne pas être, de sorte qu'on n'a aucun désir que les choses soient autrement, on se sent complètement à sa place là où on est. La nécessité n'est plus alors pesanteur mais grâce. Dans cette nécessité, ce que je suis (mon essence) peut être compris comme découlant de l'étendue ou de la pensée en tant que réalités éternelles et infinies. Cela me semble donc pouvoir convenir à ce que décrivait Libr617 même si cela peut aussi être juste un moment de grande détente ou de soulagement auquel cas ce ne serait que de la gaieté (cf E3P11S), ce qui tout de même est déjà un grand bien.

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Messagepar hokousai » 02 avr. 2012, 00:06

J'insiste depuis plusieurs messages sur la puissance de l' idée chez Spinoza . De l'ideé qui accompagne ( de l'idée de Dieu en l' occurrence ).

Je suis ( à peu près ) d'accord avec la première réponse de SHub

<i> En somme, le troisième genre de connaissance, contrairement au second, implique toujours l'idée de Dieu. Pour le construire il faut donc avoir bien compris le livre 1 de l'Ethique, c'est-à-dire avoir formé une idée de Dieu la plus précise possible en fonction des indications que fournit Spinoza</i>.( Shub)

Le troisième genre de connaissance est intuitif certes, mais on ne voit plus que ça , l'intuition. On dérive alors vers tout ce qui est conduite spontanée voire reflexe.
Ces conduites sont des comportements liés à l' habitude ( à la mémoire habitude dirait Bergson) ). Ces comportements sont cause de JOiE, certes, l'aisance conférée par l 'habitude est cause de joie . Aucune force extérieure ou intérieure ne vient entraver l' action.

Dans la 5eme partie , Spinoza ne parle pas du tout de cela.
Pour lui l'idée de Dieu ( et conséquemment l'idée de nécessité de l'existence ) est une idée puissante qui si accompagnant la compréhension que j'ai des choses élève l'esprit à la béatitude .
Je ne vois pas comment on peut comprendre Spinza ( (5eme partie ) SANS l 'ideé de Dieu accompagnant .
Toute autre savoir ( savoir jouer, improviser etc ) est sans doute science intuitive ce n'est pas <b>concevoir les choses sous une espèce d' éternité</b> tel que Spinoza le dit.
....................................................

cher Henrique

Spinoza ne parle pas <b>d'un moment</b> d' éternité mais de la béatitude continue.
On ne veut pas y croire , on est sceptique là dessus .On se dit qu'il l 'a dit mais qu'il n y croyait pas. VOIRE !
De mon point de vue Spinoza est un croyant tel que Pascal l'est, seule l'idée qu'il ont de Dieu est différente. Mais l'idée est capitale dans l'affaire .
Tout comme l'idée de vacuité est capitale chez un bouddhiste .

Automate a bien vu d'entreé la question quand il disait:<i> Pour ma part, je reste sceptique quant à cette connaissance du troisième genre, tout comme je suis sceptique en ce qui concerne le troisième ordre pascalien, cet au-delà de la rationalité.</i>
Sauf que chez Spinoza ce n'est pas au delà de la raison. Chez Spinoza l'ideé de l' ensemble du reél est l'idée objective du réel formel.

Pour le dire autrement l'idée de l' idée de la substance nest pas qu'une idée, elle n' existe cette idée QUE parce que la substance existe.
cher Henrique je ne vous apprend rien, mais j' explique .. et en essayant de faire simple

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Messagepar Henrique » 02 avr. 2012, 01:19

Je n'ai pas le temps de détailler mais Spinoza indique bien dans la cinquième partie que tout le monde connaît plus ou moins la béatitude ou notre éternité. Mais peu en ont conscience et en jouissent durablement. La substance dont on fait l'expérience sans avoir à la nommer aussi clairement que Spinoza, c'est la vie autrement dit l'étendue aussi bien que la conscience dont on se sent traversé comme force d'exister. D'autre part, quand on a une vraie intuition intellectuelle, qu'on saisit le lien nécessaire entre des idées comme dans l'exemple que citait Libr617, il y a toujours ce rapport d'unité qui s'établit entre la puissance de penser ou de s'étendre et ma propre puissance de penser et de m'étendre. Le sentiment d'une évidence indubitable qui est un aperçu de la béatitude. Cette dernière est toujours là comme le soleil au dessus de nos têtes mais souvent des nuages en obscurcissent la jouissance.

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Messagepar hokousai » 02 avr. 2012, 12:33

Ce qui me gène dans le message de Joël,
c'est <b>"il ne pense pas en jouant et ne se regarde pas jouer "</b>

Car effectivement il peut penser à tout autre choses, dans le temps où il improvise. Sa capacité d'agir sans difficulté aucune lui laisse le loisir de penser à autre chose et pourquoi pas d être préoccupé par d' autres soucis.

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Messagepar Henrique » 02 avr. 2012, 15:56

Je pense que Joël a voulu dire "il ne pense pas de façon discursive" il est pleinement à ce qu'il fait sans même se dire "je joue du piano" dans un état de conscience pur où le rapport entre l'étendue et les corps apparaît dans son unité substantielle immédiate. Si le raisonnement discursif peut conduire à désirer le troisième genre de connaissance (E5P28) il peut aussi faire partie, avec les images et les passions, des nuages qui obscurcissent l'accès à la béatitude.

En tant que chanteur et guitariste amateur, l'état que décrivait Libr617 correspond à ce que j'ai pu vivre quelques fois. Il y a dans certains moments pour un musicien, sans que cela puisse être vraiment préparé une sorte de facilité et d'évidence dans le jeu qui fait qu'il n'y a plus aucune crainte de se tromper, ni même d'effort au sens commun d'une peine que l'on se donne pour faire les choses correctement. C'est là qu'on joue le mieux, sans penser à autre chose que le moment présent, ni même se dire "je suis dans le moment présent" et que les espagnols ont appelé le Duende.

Cela arrive souvent dans les phases d'improvisation, le caractère très technique que cela requière est vécu comme allant de soi, mais pas nécessairement. Il peut y avoir des moments d'improvisation où le musicien reste encore dans l'imagination de ce qu'il vient de jouer et de ce qu'il va jouer ou encore d'autres choses et là ce n'est pas le duende. C'est dans la présence entière à ce qui se fait, à ce qui est, sans autre chose que la conscience de cette présence qu'il y a conscience de l'inscription parfaite du fini dans l'infini et éventuellement cet espèce particulière de troisième genre de connaissance à mon avis qu'est le duende.

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Messagepar Libr617 » 02 avr. 2012, 17:26

J'ai fait cette expérience très souvent. J'écoute le morceau et quelqu'un me dit sur un ton de défi : "Et celui-là, tu peux le jouer aussi ?". Je me lève, je me mets au piano et je joue le morceau. Pas dans "un" arrangement mais exactement tel qu'il a été composé. Je n'ai alors en tête aucune préoccupation sinon celle d'être habité par la musique que j'ai entendue. Je suis au contraire absorbé par la musique.

Il m'est arrivé, ensuite, d'aller regarder la partition d'orchestre du morceau - sur internet - et de constater que ce que j'avais fait était exactement ce que j'avais entendu. Ce n'est pas inné chez moi. C'est arrivé une fois acquise ma technique de piano.

Je crois que cette faculté pourrait relever du 3ème genre de connaissance car il n'y a rien de discursif, de raisonnant en moi lorsque je fais cela. A titre personnel, ce qui me frappe, c'est de pouvoir "reproduire" quelque chose sans avoir à l'analyser auparavant.

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Messagepar hokousai » 02 avr. 2012, 18:55

Ce qui me trouble ( che Libr , Henrique et Joël ) par rapport à Spinoza c est <b>l'exceptionnalité</b> de l'événement.
Spinoza présente la conn. du 3eme genre comme continue, commune à tous et ordinaire quant à son objet.
Il y a quand même un problème si cette conn. du 3eme genre doit être due à un talent particulier, dans un moment très spécial et assez rare.

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Messagepar cess » 02 avr. 2012, 19:22

a Hokousaï,

Le 3ème genre de connaissance implique , je crois, une émotion (motio:mouvement) générée par et accompagnée de la Raison....
Maitriser un instrument, vivre le morceau qu'on joue, le reproduire rend probablement plus fréquent cet état..C'est tellement intense....

mais chez d'autres, j'ai eu oui-dire qu'un instant de béatitude était possible aussi dans une rue, un matin.....seul avec nous-même (et sûrement avec Dieu!) sur une musique toute personnelle qui ressemble à celle de l'éternité! :wink: et dont la mélodie nous appartient!


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