Henrique a écrit : Cette liberté d'action ou de conscience n'est pas l'autodétermination éthique du sage, c'est en politique la simple absence d'obstacle ou de contrainte à l'exercice de la puissance du corps ou du mental.
La liberté qu'il s'agit de promouvoir est alors la plus grande liberté d'action et plus encore de pensée possible. Ce cadre est simplement la condition la plus souhaitable pour que le plus grand nombre accède à la philosophie mais cela n'en est en rien la garantie. En effet, la liberté d'opinion, qui peut vouloir la plus grande bêtise, doit d'abord être garantie.
Ajoutons que les politiques, quels que soient les conditions de leur élection et quel que soit leur parti, ne sont pas a priori des sages au sens spinoziste comme le remarque fort bien DGsu !
Salut Henrique,
selon toi, que se passe-t-il si on définit un cadre où il s'agit de garantir le maximum de liberté d'action et de pensée mais sans garantie de sagesse ?
Toute la partie 3 de l'Ethique nous explique quel genre de passions sont à l'oeuvre dans l'homme, comment il est régi par l'envie, le goût de la vengeance etc.
N'en vient-on pas de suite à ce que tu affirmes que les peuples refusent : concurrence libre et non faussée ?
Henrique a écrit :Nous avons une constitution qui nous dit que son objectif principal est la concurrence libre et non faussée. Les peuples européens n'en veulent pas et c'est pourquoi depuis une vingtaine d'années, les gouvernements qu'ils élisent sur un discours donné et qui finalement s'alignent sur les décisions prises au niveau européen sont renvoyés aux élections suivantes.
En fait, je ne sais pas ce que tu entends par "concurrence libre et non-faussée" mais cela ressemble à la guerre de tous contre tous, ce qui n'est pas la situation actuelle qui est plutôt règlementée.
Il y a 20 ans, le bloc de l'Est développait un système de planification qui devait garantir la survie des peuples sans qu'il y ait de concurrence du tout, par une maitrise raisonnable du système économique. Ca n'a pas marché.
Aujourd'hui, ces peuples semblent adhérer au système occidental qui a permis un développement économique exceptionnel mais en fonctionnant sur une concurrence libre et non-faussée, c'est-à-dire un système où les monopoles sont modérés et réservés à l'Etat, avec droit du travail et égalitarisme des chances.
Quel système économique non-concurrentiel ou à concurrence non-libre (?) proposes-tu ?
Et es-tu vraiment certain que les gouvernements européens changent pour les raisons que tu invoques ? Est-ce le cas au Royaume-Uni (3e mandat pour Blair), en Italie (Berlusconi élu...), en Espagne (réussite économique d'Aznar saluée par tous)...
Henrique a écrit :(...) Je sais que j'ai un contrôle sur le parlement européen mais celui-ci n'ayant pas l'initiative des lois n'est qu'un gadget pour "faire démocratique" là où les véritables décisions sont prises par la commission. Or je n'ai aucun contrôle sur cette commission.
Mais qui choisit les commissaires ? Les Etats, c'est-à-dire les représentants des peuples.
Veux-tu dire que tu voudrais une démocratie directe au niveau européen qui shunterait le pouvoir des Etats ?
Si les députés européens et la commission ont une légitimité populaire à l'égal des gouvernements nationaux, à quoi serviront ceux-ci ?
Tu élis un commissaire européen de droite pour 5 ans, pendant ce temps un gouvernement de gauche arrive en France, ce gouvernement de gauche veut orienter la politique européenne vers le social et le commissaire lui dit : non, désolé, j'ai été élu et j'ai autant de légitimité que vous.
Choisir le niveau de légitimité européen, c'est abandonner l'Etat-nation.
Je ne suis pas contre mais il va falloir accepter qu'un commissaire anglais horriblement libéral décide pour nous.
Henrique a écrit :(...)
Dans cette sphère du pouvoir, l'économique, le judiciaire, le politique, l'information appartiennent à une même classe sociale dominante, qui tend avant tout à conserver sa position de domination et se reproduit elle-même en produisant les institutions dans ce sens.
Il n'y a pas besoin par exemple que les lobbies issus des multinationales présents à Bruxelles fassent "pression" sur les politiques de Bruxelles, ils viennent du même milieu socio-économique (ou aspirent à en faire partie définitivement et ont su produire les signes de soumission allant dans ce sens), ont fréquenté les mêmes grandes écoles, ont les mêmes intérêts particuliers à plus ou moins long terme.
En gros, c'est la lutte des classes avec une minorité de dirigeants aussi inconscients que confortablement installés et une malheureuse population victime de leurs agissements. Est-ce à dire que nos représentants ne représentent personne ? Nous vivons en démocratie, que fait le peuple ?
As-tu des idées pour éviter la reproduction de la "classe sociale dominante" ?
J'en ai quelques unes, mais on les juge généralement excessives.
A y réfléchir, le meilleur moyen de détruire une hiérarchie, c'est sans doute de détruire les critères hiérarchiques : fin des diplômes, fin des écoles élitistes telles que l'ENA, Polytechnique et autres. Les statuts de cadre eux-mêmes doivent être abandonnés. Pas de chef d'atelier, de chef de bureau, de chef d'entreprise ou de chef de gouvernement. Pas de meilleure paye pour des motifs de longues études, d'effort particulier ou autre. Les hommes de bien ne s'achêtent pas et celui qui réclame une récompense pour sa qualité montre de ce simple fait qu'il n'est pas apte à recevoir un quelconque signe de supériorité.
(...) En d'autres termes, quand on nous présente un expert pour nous expliquer que tel choix à faire n'est pas un choix mais que c'est une nécessité à laquelle il faut se soumettre sans réserve, ignorant que nous pourrions très facilement trouver des experts nous expliquant exactement le contraire (le choix des experts étant, lui éminemment politique), nous pouvons être certain que nous avons avant tout affaire à un défenseur des intérêts de la classe dominante.
Tu parles d'expert en quoi exactement ? Experts en "intérêt général" ?
Si je dis que Spinoza est indubitablement bon pour l'intérêt général et que la carotte est bon pour le tein, je suppose que je n'entre pas dans les défenseurs des intérêts de la classe dominante.
Il s'agirait donc plutôt d'experts en intérêts de la "classe dominante" se faisant passer pour des experts en intérêt général.
Henrique a écrit :(...)Mais comme ce qui fait le pouvoir de cette oligarchie est en dernière analyse le flux hasardeux financier, on peut parler aussi de ploutocratie. (Si c'est à cela que vous voulez apporter votre énergie intellectuelle, Ullis et Bardamu, vous devriez être intéressés par ceci : http://www.prp.fr.tc )
Ah ben non, ça c'est petit... surtout quand on sait combien je suis pauvre (si tu passes cet été, c'est toi qui me paye un verre, espèce de social traître qui peut se payer des vacances

Henrique a écrit :(...)Ce qui sauve la démocratie française, malgré de graves atteintes au principe même de la démocratie imposé par la Vème République, c'est le multipartisme, dont le poids amène les partis dits de "gouvernement", autrement dit ceux qui sont sponsorisés par le pouvoir économique, à tenir un tant soit peu compte des aspirations d'une majorité de la population à un moment donné.
Tu considèrerais donc que les partis de gouvernement ne sont pas vraiment représentatifs de la majorité des français. Peut-on encore appeler ça une démocratie dans ce cas ?
Et comment se fait-il qu'un parti représentatif n'émerge pas ?
Il y a pas mal de manipulation autour de l'idée d'une démocratie faussée et d'un pouvoir du peuple qui aurait été volé, aussi bien vers l'extrême-gauche que l'extrême-droite, et je trouve ça dangereux.
Par principe et pour affirmer une légitimité aux votes, j'aurais plutôt tendance à considérer que ces partis sont effectivement représentatifs de la majorité.
Henrique a écrit :(...) Et sérieusement, crois tu que si le non l'avait emporté au référendum PS, les éléphants du oui n'auraient point barri ?
C'est sûr que vu que les partis socialistes européens et les syndicats européens appellent à voter "Oui", la position des socialistes français aurait été inconfortable.
Tous des vendus ces syndicalistes européens...
Henrique a écrit :(...) D'un autre côté, nous avons une crise passagère qui ouvre la perspective d'une reprise en main du projet européen par les peuples qui en disant non aux beaux projets concoctés par l'oligarchie bruxelloise affirme sa pleine et entière majorité, le refus d'être réduits à la minorité perpétuelle.
Il y a déjà eu au moins une dizaine de ratifications. Ca fait déjà 10 peuples qui ne semblent pas vouloir considérer que le projet européen n'est pas entre leurs mains.
Mais peut-être penses-tu qu'aucune assemblée nationale n'est vraiment représentative de la volonté populaire.
Et dans ce cas, quel est ton agenda pour la reprise en main du projet européen ?
A suivre ton raisonnement et au cas où on resterait dans la demi-mesure, après le "non" la "classe dominante" va renvoyer ses sbires et pondre à peu près le même texte qui sera à nouveau refusé par 52% des français, tandis que le traité de Nice et une Europe sans engagements sociaux continueront de régner.
Donc, il faudrait créer de nouveaux partis de gouvernement vraiment représentatifs de leur majorité puis créer une constituante avec de vrais représentants ne prétendant pas faire parti d'une élite mais aptes à créer une constitution juridique de qualité pour 25 pays et 450 millions d'habitants.
Le projet est ambitieux.
Henrique a écrit :(...)Certes il faudra composer avec les forces en présence, non pas prétendre passer du jour au lendemain de la dictature du marché à la démocratie, mais cesser de persévérer dans la servitude volontaire que constitue cette Europe là.
Cette Constitution compose déjà avec les forces en présence pour maîtriser une puissance financière qui se voudrait incontrôlable.
Tu ne parles jamais des articles sociaux de ce texte. Crois-tu que ce ne soit que de la poudre aux yeux ?
Lorsque Simone Veil ou Delors disent qu'ils y croient à ces articles, tu penses qu'ils se trompent, qu'ils se font berner, qu'ils mentent ?
Ceci dit, si on veut vraiment en finir avec la puissance financière, ce n'est qu'une question de choix citoyen : refuser d'épargner, refuser les intérêts sur l'épargne, refuser de prendre des actions, refuser de spéculer sur "le petit appartement qu'on lèguera aux enfants", laisser le minimum entre les mains des intermédiaires financiers.
Une bonne partie de leur pouvoir dépend de l'action des ménages.