A hokousai
1) Sur le passage de l’infini au fini, vous trouverez peut-être des éclaircissements dans les citations de Sévérac que j’ai données sur le fil « De l’infini au fini » dont j’ai rappelé le lien dans mon post précédent. Il écrit en effet :
« Car, ce qui explique la positivité, la nature du fini, c’est Dieu, par l’intermédiaire des parties qui composent les modes éternels et infinis, qui sont des modes éternels. En somme, la véritable médiation entre l’infini et le fini, c’est la propriété commune entre Dieu et certains modes, à savoir l’éternité. » (op. cit. p. 76)
2) Précisément, à propos de l’éternité, je souscris à ce qu’écrit Chantal Jaquet : « l’éternité exprime la relation nécessaire entre l’existence et l’essence ». De façon plus détaillée :
« L’éternité ne saurait se réduire à quelque forme de durée que ce soit pour la bonne raison qu’elle n’est pas la propriété d’une existence prise isolément, mais elle exprime la relation nécessaire entre l’existence et l’essence. Or “ la durée est une affection de l’existence, non de l’essence ”. “ Personne ne dira jamais que l’essence du cercle ou du triangle en tant qu’elle est une vérité éternelle dure actuellement depuis plus longtemps qu’à l’époque d’Adam ”. Ni le caractère indéfini ni le caractère infini d’une existence ne peuvent rendre compte de ce qu’est l’éternité spinoziste. Seule la saisie du lien nécessaire entre existence et essence permet de l’appréhender. Si Dieu est éternel dans les “ Pensées métaphysiques ”, c’est parce que son essence ne se distingue pas de son existence. L’Ethique ne reviendra pas sur ce point. Si les esprits finis sont eux aussi éternels et non plus simplement immortels, c’est précisément parce que leur existence est conçue comme suivant nécessairement de l’essence de Dieu (E V 30 dém.). Par conséquent, comme la durée est une propriété qui s’applique exclusivement à l’existence et qui n’implique aucun lien avec l’essence, elle n’est pas de même nature que l’éternité et ne permet pas d’en livrer la teneur exacte. » (Sub specie aeternitatis pp. 129-130 – Kimé 1997)
3) Vous ne faites pas de distinction, me semble-t-il, entre nature naturante et nature naturée. Certes, il n’y a pas de distinction réelle entre elles mais il n’y a pas non plus une simple distinction de raison. Il y a entre elles une distinction modale comme, par exemple, l’écrit Pascal Sévérac :
« Coactus signifie “ contraint ”, “ forcé ”, mais aussi et surtout “ coagi ”. Rien ne se fait sans l’action de Dieu entendu comme nature naturante ; toute opération modale est une coopération. Telle est donc la différence fondamentale entre la Nature naturante, qui agit par soi, et la Nature naturée, qui agit par elle – qui coagit ou qui est “ coagie ” : entre les deux, répétons-le, existe une distinction modale et non de raison. Nature naturante et Nature naturée ne sont pas deux entités fondamentalement identiques, qui se distingueraient seulement par les points de vue qu’on peut prendre sur une même Nature : si c’était le cas, alors la nature naturante ne pourrait pas adéquatement se concevoir sans la nature naturée, les attributs ne pourraient pas se concevoir sans les modes, finis ou infinis.
L’immanence n’est donc pas l’identité de la Nature naturante et de la Nature naturée ; elle est l’absence de distinction réelle entre les deux, qui n’est pas exclusive d’une distinction modale. » (Spinoza Union et Désunion p. 56 – Vrin 2011)
Comment devient-on spinoziste ?
Re: Comment devient-on spinoziste ?
hokousai a écrit :La mémoire est une réalité présente. Mon problème n'est pas la conservation des souvenirs ... mais où passe ce qui est présent/actuellement?J'ai répondu : dans la mémoire (où est le problème ?)
Où passe le monde, celui qui est dans tel état, tel que je le vois présentement.
Une philosophie de la temporalité dira qu'il est annihilé . En persiste certes des traces mais actuelles (présentes dans le présent de ceux qui se souviennent).
C'est bien ce que je pensais : ta question est donc à prendre indépendamment du, des sujets. Mais "où passe ce qui est présent" revient exactement à demander : "où est passé ce qui était hier". Et la réponse est dans les causes et effets : les causes d'hier sont passées dans les effets d'aujourd'hui... et si elles n'ont pas créé d'effet particulier, elles durent, (ou peut-être s'évanouissent hors de toute conscience pour les porter).
Que dire de plus, et encore pourquoi cette question (...)
Et si c'est pour repondre en objectant je-ne-sais quelles philosophies du temps vs de l'éternité, qui te ferait dire encore que "oui mais c'est une philosophie du temps", tu viens toi-même de dire que dans une philosophie du temps, les choses seraient "annihilées".
Pas dans ma réponse en tous cas (elles ne le sont pas et il y a bien un continuum du temps).
(une philosophie axée sur la nouveauté n'est pas incompatible avec la notion d'éternité, encore faut-il ne pas accoler à l'éternité une immuabilité sans quoi c'est le mouvement qui en fait les frais, et si je ne me trompe celui de la Vie ou Nature spinozienne)
- hokousai
- participe avec force d'âme et générosité
- Messages : 4105
- Enregistré le : 04 nov. 2003, 00:00
- Localisation : Hauts de Seine sud
Re: Comment devient-on spinoziste ?
à Vanleers je suis qu' en partie d'accord avec de ce qui est cité
Je vous l'ai dit plus haut, il y a une tendance affirmée, chez Spinoza, au dualisme ( étendue /pensée)... de plus en plus affirmée et qui culmine dans la 5eme partie.
Pour moi Etendue et pensée sont des distinctions de raison, pas réelles.
A tout prendre s'il faut un monisme, j'opte plus pour l' idéalisme de type berkeleien que pour un matérialisme (puisque c'est l'un ou l'autre).
Si le spinozisme comme doctrine veut maintenir la distinction, il est dualiste.
.....................
Je vois Chantal Jaquet confirmer ce que je soupçonne de dualisme.
Les corps seraient esprit alors je voudrais bien accepter la doctrine ...mais voilà que pas du tout
les corps ne sont pas esprit et non pas droit d' entrée dans l' éternité.
Où passent les coprs ? Comme le dit aldo ils passent dans le régime des causes et des effets . il y a donc deux régimes et alors la distinction entre naturante et naturée retrouve ses droits .
Mais je conteste la distinction entre naturante et naturée.
.......................
Vous êtes dans une optique émanantiste (ou émanatiste ).
L' essence dicte sa loi à l'existence.
(ce qui est reproché par Spinoza lui même dans ce que j' ai cité).
C'est du néoplatonisme.(philosophie tout à fait respectable )
Chnatal Jaquet est dans l'embarras.
Pourquoi ne pas prendre comme exemple l'essence d 'un virus ou d' une bactérie et in fine du corps humain .
L' essence d'un photon ?
Ah mais non !!! A la limite si on y est contraint on va parler de l'essence de l'idée du corps humain.
Comme l' esprit est l'idée du corps, tout va à l'esprit... exit du corps.
On est en plein spiritualisme dualiste .
On a distingué les corps des esprits .
On a distingué ce qui informe de ce qui est informé.
exemple

Cette fleur en bois ( issue d'un pin) ressemble à une rose.
On va donc estimer qu'une forme éternelle informe des expressions existentielles (qui durent et périssent).
Puissance de l'englobant de degré supérieur sur le dit inférieur.
Ce qui ne rend pas compte de la singularité de cette sorte de fleur et encore moins de la singularité de la fleur unique que j' ai ramassé.
Je reproche le certain qui est restrictif.« Car, ce qui explique la positivité, la nature du fini, c’est Dieu, par l’intermédiaire des parties qui composent les modes éternels et infinis, qui sont des modes éternels. En somme, la véritable médiation entre l’infini et le fini, c’est la propriété commune entre Dieu et certains modes, à savoir l’éternité. » (op. cit. p. 76)
Je vous l'ai dit plus haut, il y a une tendance affirmée, chez Spinoza, au dualisme ( étendue /pensée)... de plus en plus affirmée et qui culmine dans la 5eme partie.
Pour moi Etendue et pensée sont des distinctions de raison, pas réelles.
A tout prendre s'il faut un monisme, j'opte plus pour l' idéalisme de type berkeleien que pour un matérialisme (puisque c'est l'un ou l'autre).
Si le spinozisme comme doctrine veut maintenir la distinction, il est dualiste.
.....................
Je vois Chantal Jaquet confirmer ce que je soupçonne de dualisme.
Il y est parlé d' esprits. L'essence de Dieu est donc esprit .L’Ethique ne reviendra pas sur ce point. Si les esprits finis sont eux aussi éternels et non plus simplement immortels, c’est précisément parce que leur existence est conçue comme suivant nécessairement de l’essence de Dieu (E V 30 dém.).
Les corps seraient esprit alors je voudrais bien accepter la doctrine ...mais voilà que pas du tout

Où passent les coprs ? Comme le dit aldo ils passent dans le régime des causes et des effets . il y a donc deux régimes et alors la distinction entre naturante et naturée retrouve ses droits .
Mais je conteste la distinction entre naturante et naturée.
.......................
Vous êtes dans une optique émanantiste (ou émanatiste ).
L' essence dicte sa loi à l'existence.
(ce qui est reproché par Spinoza lui même dans ce que j' ai cité).
C'est du néoplatonisme.(philosophie tout à fait respectable )
Chnatal Jaquet est dans l'embarras.
“ Personne ne dira jamais que l’essence du cercle ou du triangle en tant qu’elle est une vérité éternelle dure actuellement depuis plus longtemps qu’à l’époque d’Adam ”.
Pourquoi ne pas prendre comme exemple l'essence d 'un virus ou d' une bactérie et in fine du corps humain .
L' essence d'un photon ?
Ah mais non !!! A la limite si on y est contraint on va parler de l'essence de l'idée du corps humain.
Comme l' esprit est l'idée du corps, tout va à l'esprit... exit du corps.
On est en plein spiritualisme dualiste .
On a distingué les corps des esprits .
On a distingué ce qui informe de ce qui est informé.
exemple

Cette fleur en bois ( issue d'un pin) ressemble à une rose.
On va donc estimer qu'une forme éternelle informe des expressions existentielles (qui durent et périssent).
Puissance de l'englobant de degré supérieur sur le dit inférieur.
Ce qui ne rend pas compte de la singularité de cette sorte de fleur et encore moins de la singularité de la fleur unique que j' ai ramassé.
- Vanleers
- participe avec force d'âme et générosité
- Messages : 1485
- Enregistré le : 22 nov. 2012, 00:00
Re: Comment devient-on spinoziste ?
A hokousai
1) Les « certains modes » dont parle Pascal Sévérac dans le passage que vous citez sont les parties des modes infinis.
Si la substance, et donc les attributs sont indivisibles, par contre les modes infinis sont divisibles et c’est à bon droit que l’on parle de « parties » de ces modes (cf.E II 11 cor. et E V 40 sc.).
Sévérac montre qu’on ne peut dire de ces parties, ni qu’elles sont finies, ni qu’elles sont infinies. Il écrit :
« Ainsi, pour un mode, être une partie de la nature naturée ne saurait signifier nécessairement en être une partie finie.
Certes, on ne dira pas de ces parties qu’elles sont infinies, ni par elles-mêmes, ni même par leur cause : l’entendement humain, l’amour qu’il porte à Dieu, ne sont pas infinis comme l’est l’entendement de Dieu, ou l’amour qu’il se porte à lui-même. Mais en tant qu’ils sont éternels, ces modes ne sont pas bornés, limités, niés. Ils ne sont ni finis (car ils ne sont pas rapportés à ce qui les borne), ni infinis (car ils ne sont que les parties constituantes de modes eux-mêmes infinis). Ce sont seulement des modes éternels, de la pensée, de l’étendue ou de tout autre attribut. »
Ces modes éternels, ni finis ni infinis, que l’on pourrait peut-être rapprocher des « parties totales » de Leibniz, sont la clef du passage de l’infini au fini.
2) Je me vois contraint de rappeler pour la nième fois des définitions :
« […] il y a entre A et B une distinction réelle si on peut concevoir de façon claire et distincte A sans penser à B, et si inversement nous pouvons concevoir de façon claire et distincte B sans penser à A ; qu’il y a en revanche entre A et B une distinction modale si on peut concevoir de façon claire et distincte B sans penser à A, mais qu’on ne peut concevoir de façon claire et distincte A sans penser à B ; et enfin qu’il y a entre A et B seulement une distinction de raison si on ne peut pas concevoir de façon claire et distincte l’un sans l’autre » (Sévérac op. cit. p. 46)
Il est donc évident qu’il y a des distinctions réelles entre les attributs et, compte tenu de la définition de l’attribut (E I déf. 4), une simple distinction de raison entre les attributs et la substance.
Par ailleurs, Spinoza ayant défini l’esprit comme l’idée du corps, il y a une distinction modale entre l’esprit et le corps car on peut concevoir de façon claire et distincte le corps sans penser à l’esprit mais on ne peut concevoir de façon claire et distincte l’esprit sans penser au corps (égalité réelle mais dissymétrie modale).
3) Chantal Jaquet a rappelé que l’éternité selon Spinoza n’a rien à voir avec la durée : « l’éternité exprime la relation nécessaire entre l’existence et l’essence ».
L’éternité exclut les notions de passé, présent et futur. C. Jaquet l’illustre en commentant E V 23 :
« L’Esprit humain ne peut pas être absolument détruit avec le Corps ; mais il en subsiste [remanet] quelque chose qui est éternel. »
Elle écrit que, pour certains commentateurs qui soutiennent le caractère inévitablement temporel de l’éternité spinoziste « le verbe remanet est interprété en un sens temporel comme ce qui subsiste après la mort » (op. cit. 131)
Elle poursuit :
« Il peut cependant renvoyer également à l’opération mathématique de la soustraction qui implique un processus logique et non chronologique. Il désignerait alors ce qui reste une fois que l’on a retranché la mémoire et l’imagination, à savoir l’entendement. Dans ce cas, l’entendement n’est pas conçu comme la partie qui connaît un destin posthume alors que les autres périssent. Il est éternel et ne commence pas à l’être après la destruction du corps. » (ibid.)
Lorsque vous écrivez que vous êtes « éternaliste » au sens de n’être que dans une seule présence, je pense que vous temporalisez l’éternité, une erreur que C. Jaquet dénonce et analyse (op. cit. pp. 128-136).
4) D’une façon plus générale et revenant au sujet de ce fil, je dirai d’abord que, selon Spinoza, pour vivre dans la joie il faut y voir clair et que pour y voir clair, il faut partir de Dieu.
Spinoza ne part pas d’une doctrine à hauteur d’homme mais d’une doctrine à hauteur de Dieu, même si son but est « la connaissance de l’Esprit humain et de sa suprême béatitude » (E II début).
Or, je pense que, souvent, vous critiquez Spinoza, ce qui est louable, mais en partant de vos idées et de votre expérience personnelle, ce qui l’est beaucoup moins. En effet, ce faisant, vous vous appuyez sur votre connaissance spontanée des choses, connaissance du premier genre, « unique cause de fausseté » (E II 41) alors que Spinoza s’est efforcé de rester dans la connaissance du deuxième et du troisième genre qui « est nécessairement vraie » (ibid.).
Vous défendez ainsi un spinozisme tronqué et, à mon point de vue, très appauvri.
1) Les « certains modes » dont parle Pascal Sévérac dans le passage que vous citez sont les parties des modes infinis.
Si la substance, et donc les attributs sont indivisibles, par contre les modes infinis sont divisibles et c’est à bon droit que l’on parle de « parties » de ces modes (cf.E II 11 cor. et E V 40 sc.).
Sévérac montre qu’on ne peut dire de ces parties, ni qu’elles sont finies, ni qu’elles sont infinies. Il écrit :
« Ainsi, pour un mode, être une partie de la nature naturée ne saurait signifier nécessairement en être une partie finie.
Certes, on ne dira pas de ces parties qu’elles sont infinies, ni par elles-mêmes, ni même par leur cause : l’entendement humain, l’amour qu’il porte à Dieu, ne sont pas infinis comme l’est l’entendement de Dieu, ou l’amour qu’il se porte à lui-même. Mais en tant qu’ils sont éternels, ces modes ne sont pas bornés, limités, niés. Ils ne sont ni finis (car ils ne sont pas rapportés à ce qui les borne), ni infinis (car ils ne sont que les parties constituantes de modes eux-mêmes infinis). Ce sont seulement des modes éternels, de la pensée, de l’étendue ou de tout autre attribut. »
Ces modes éternels, ni finis ni infinis, que l’on pourrait peut-être rapprocher des « parties totales » de Leibniz, sont la clef du passage de l’infini au fini.
2) Je me vois contraint de rappeler pour la nième fois des définitions :
« […] il y a entre A et B une distinction réelle si on peut concevoir de façon claire et distincte A sans penser à B, et si inversement nous pouvons concevoir de façon claire et distincte B sans penser à A ; qu’il y a en revanche entre A et B une distinction modale si on peut concevoir de façon claire et distincte B sans penser à A, mais qu’on ne peut concevoir de façon claire et distincte A sans penser à B ; et enfin qu’il y a entre A et B seulement une distinction de raison si on ne peut pas concevoir de façon claire et distincte l’un sans l’autre » (Sévérac op. cit. p. 46)
Il est donc évident qu’il y a des distinctions réelles entre les attributs et, compte tenu de la définition de l’attribut (E I déf. 4), une simple distinction de raison entre les attributs et la substance.
Par ailleurs, Spinoza ayant défini l’esprit comme l’idée du corps, il y a une distinction modale entre l’esprit et le corps car on peut concevoir de façon claire et distincte le corps sans penser à l’esprit mais on ne peut concevoir de façon claire et distincte l’esprit sans penser au corps (égalité réelle mais dissymétrie modale).
3) Chantal Jaquet a rappelé que l’éternité selon Spinoza n’a rien à voir avec la durée : « l’éternité exprime la relation nécessaire entre l’existence et l’essence ».
L’éternité exclut les notions de passé, présent et futur. C. Jaquet l’illustre en commentant E V 23 :
« L’Esprit humain ne peut pas être absolument détruit avec le Corps ; mais il en subsiste [remanet] quelque chose qui est éternel. »
Elle écrit que, pour certains commentateurs qui soutiennent le caractère inévitablement temporel de l’éternité spinoziste « le verbe remanet est interprété en un sens temporel comme ce qui subsiste après la mort » (op. cit. 131)
Elle poursuit :
« Il peut cependant renvoyer également à l’opération mathématique de la soustraction qui implique un processus logique et non chronologique. Il désignerait alors ce qui reste une fois que l’on a retranché la mémoire et l’imagination, à savoir l’entendement. Dans ce cas, l’entendement n’est pas conçu comme la partie qui connaît un destin posthume alors que les autres périssent. Il est éternel et ne commence pas à l’être après la destruction du corps. » (ibid.)
Lorsque vous écrivez que vous êtes « éternaliste » au sens de n’être que dans une seule présence, je pense que vous temporalisez l’éternité, une erreur que C. Jaquet dénonce et analyse (op. cit. pp. 128-136).
4) D’une façon plus générale et revenant au sujet de ce fil, je dirai d’abord que, selon Spinoza, pour vivre dans la joie il faut y voir clair et que pour y voir clair, il faut partir de Dieu.
Spinoza ne part pas d’une doctrine à hauteur d’homme mais d’une doctrine à hauteur de Dieu, même si son but est « la connaissance de l’Esprit humain et de sa suprême béatitude » (E II début).
Or, je pense que, souvent, vous critiquez Spinoza, ce qui est louable, mais en partant de vos idées et de votre expérience personnelle, ce qui l’est beaucoup moins. En effet, ce faisant, vous vous appuyez sur votre connaissance spontanée des choses, connaissance du premier genre, « unique cause de fausseté » (E II 41) alors que Spinoza s’est efforcé de rester dans la connaissance du deuxième et du troisième genre qui « est nécessairement vraie » (ibid.).
Vous défendez ainsi un spinozisme tronqué et, à mon point de vue, très appauvri.
Re: Comment devient-on spinoziste ?
Vanleers a écrit :Chantal Jaquet a rappelé que l’éternité selon Spinoza n’a rien à voir avec la durée : « l’éternité exprime la relation nécessaire entre l’existence et l’essence ».
L’éternité exclut les notions de passé, présent et futur. C. Jaquet l’illustre en commentant E V 23 :
« L’Esprit humain ne peut pas être absolument détruit avec le Corps ; mais il en subsiste [remanet] quelque chose qui est éternel. »
Elle écrit que, pour certains commentateurs qui soutiennent le caractère inévitablement temporel de l’éternité spinoziste « le verbe remanet est interprété en un sens temporel comme ce qui subsiste après la mort » (op. cit. 131)
Elle poursuit :
« Il peut cependant renvoyer également à l’opération mathématique de la soustraction qui implique un processus logique et non chronologique. Il désignerait alors ce qui reste une fois que l’on a retranché la mémoire et l’imagination, à savoir l’entendement. Dans ce cas, l’entendement n’est pas conçu comme la partie qui connaît un destin posthume alors que les autres périssent. Il est éternel et ne commence pas à l’être après la destruction du corps. » (ibid.)
Lorsque vous écrivez que vous êtes « éternaliste » au sens de n’être que dans une seule présence, je pense que vous temporalisez l’éternité, une erreur que C. Jaquet dénonce et analyse (op. cit. pp. 128-136).
Logique certes, mais théorique.
Au niveau proprement logique, ce genre de démonstration part de la logique pour arriver à la logique. Rien a dire d'autant que, pour ma part, je peux adhérer à la conclusion d'une certaine logique de "l'éternité de l'entendement".
Sauf que.
Sauf que cette logique en fait ne part pas de rien mais des causes et des effets, qui elles sont un constat fait à partir de leur propre existence et non de je ne sais quelle immuabilité (logique). Les causes et les effets existent et DONC il est une logique (et donc un entendement) qu'au niveau humain, on peut pourquoi pas qualifier d'éternelle en ce sens.
Bref, on "n'enlève pas", par une opération soi disant logique, "la mémoire de l'entendement". C'est un processus démonstratif irrationnel, même si certes "logique" au niveau de la démonstration donc (et retour de vos travers).
En résumé, vous êtes illogique dans vos propositions. D'un côté vous reprochez à Hokousai de "temporaliser l'éternité" et de l'autre vous dites que pour Spinoza, l'éternité exprimerait la relation entre essence et existence, dépendant du coup de l'existence... temporelle. Il semble en effet que votre "logique" aille de l'essence vers l'existence : que vous présupposiez l'essence au lieu de partir de la réalité de l'existence.
Libre à vous ensuite de dire que Spinoza verrait les choses d'un ailleurs qu'à "hauteur d'homme" (je n'en sais rien). Vous prônez en tous cas une théorie, qui vaut ce qu'elle vaut, mais qui part d'un présupposé tant qu'elle ne nous renvoie pas à hauteur d'homme. Difficile en attendant d'y voir une philosophie de l'immanence...
- Vanleers
- participe avec force d'âme et générosité
- Messages : 1485
- Enregistré le : 22 nov. 2012, 00:00
Re: Comment devient-on spinoziste ?
A aldo
1) Lorsque Chantal Jaquet écrit que « l’éternité exprime la relation nécessaire entre l’existence et l’essence », il est bien évident que l’existence qui est ici visée ne peut pas être l’existence temporelle.
Spinoza distingue deux façons d’entendre l’existence : voir les scolies d’E V 29 et E II 45.
Le scolie d’E V 29 se réfère au scolie d’E II 45 dans lequel Spinoza précise, qu’ici, il entend par existence, non pas la durée mais « l’existence même des choses singulières en tant qu’elles sont en Dieu »
2) Chantal Jaquet est tout à fait pertinente dans son commentaire d’E V 23 en écrivant que, lorsque le corps est détruit, ce qui subsiste de l’esprit est ce qui reste une fois que l’on a retranché la mémoire et l’imagination, à savoir l’entendement.
Dans la philosophie de Spinoza, la mémoire et l’imagination sont en effet liées au corps (à l'existence de traces corporelles).
Ceci s’éclaire en lisant la fin de la démonstration d’E V 23 que Pierre Macherey commente ainsi :
« Il y a quelque chose d’éternel qui touche à l’essence de l’âme, et ce quelque chose est, d’après la proposition 22, l’idée, telle qu’elle est donnée nécessairement en Dieu, qui exprime l’essence de tel ou tel corps humain sous l’angle de l’éternité ; idée qui elle-même est ainsi conçue avec une certaine nécessité éternelle. Or ce quelque chose, dont la réalité est donnée en Dieu, n’est pas l’âme elle-même, mais “ quelque chose qui appartient à l’essence de l’âme ” : entendons qu’il constitue l’une de ses fonctions.
Pour interpréter ces formules, on peut les rapprocher de ce qu’écrit Spinoza dans le chapitre 32, conclusif de l’Appendice de la partie IV : “ Cette part de nous qui est définie par l’intelligence, c’est-à-dire la partie la meilleure de nous ” » (Introduction … V pp. 129-130)
3) Quant à l’immanence, Sévérac en a donné une définition claire que j’ai rappelée il n’y a pas longtemps sur ce fil :
« L’immanence n’est donc pas l’identité de la Nature naturante et de la Nature naturée ; elle est l’absence de distinction réelle entre les deux, qui n’est pas exclusive d’une distinction modale. »
1) Lorsque Chantal Jaquet écrit que « l’éternité exprime la relation nécessaire entre l’existence et l’essence », il est bien évident que l’existence qui est ici visée ne peut pas être l’existence temporelle.
Spinoza distingue deux façons d’entendre l’existence : voir les scolies d’E V 29 et E II 45.
Le scolie d’E V 29 se réfère au scolie d’E II 45 dans lequel Spinoza précise, qu’ici, il entend par existence, non pas la durée mais « l’existence même des choses singulières en tant qu’elles sont en Dieu »
2) Chantal Jaquet est tout à fait pertinente dans son commentaire d’E V 23 en écrivant que, lorsque le corps est détruit, ce qui subsiste de l’esprit est ce qui reste une fois que l’on a retranché la mémoire et l’imagination, à savoir l’entendement.
Dans la philosophie de Spinoza, la mémoire et l’imagination sont en effet liées au corps (à l'existence de traces corporelles).
Ceci s’éclaire en lisant la fin de la démonstration d’E V 23 que Pierre Macherey commente ainsi :
« Il y a quelque chose d’éternel qui touche à l’essence de l’âme, et ce quelque chose est, d’après la proposition 22, l’idée, telle qu’elle est donnée nécessairement en Dieu, qui exprime l’essence de tel ou tel corps humain sous l’angle de l’éternité ; idée qui elle-même est ainsi conçue avec une certaine nécessité éternelle. Or ce quelque chose, dont la réalité est donnée en Dieu, n’est pas l’âme elle-même, mais “ quelque chose qui appartient à l’essence de l’âme ” : entendons qu’il constitue l’une de ses fonctions.
Pour interpréter ces formules, on peut les rapprocher de ce qu’écrit Spinoza dans le chapitre 32, conclusif de l’Appendice de la partie IV : “ Cette part de nous qui est définie par l’intelligence, c’est-à-dire la partie la meilleure de nous ” » (Introduction … V pp. 129-130)
3) Quant à l’immanence, Sévérac en a donné une définition claire que j’ai rappelée il n’y a pas longtemps sur ce fil :
« L’immanence n’est donc pas l’identité de la Nature naturante et de la Nature naturée ; elle est l’absence de distinction réelle entre les deux, qui n’est pas exclusive d’une distinction modale. »
Re: Comment devient-on spinoziste ?
Possible que je n'y comprenne rien, puisqu'après tout je n'ai pas lu Spinoza. J'ai néanmoins des choses à répondre.
1/ Vous dites que les corps (puisque soumis à la durée) ne feraient pas partie de "l'existence" selon Spinoza. Mais alors, en guise de singularités, qu'est-ce qu'il reste (concrètement si ça vous est possible : l'amour, des forces... quoi) ?
(et tout ça semble effectivement assez platonicien)
2/ Vos citations ne me convainquent pas (d'ailleurs je n'y vois pas d'argument). Je peux concevoir que la mémoire fasse partie du corps, pour ce qui est de l'imagination, c'est plus compliqué, mais bref : que reste-t-il de la pensée sans mémoire ni imagination ? A peu près autant que des maths sans support pour les appliquer : de l'abstraction (en plus en maths on ne soustrait pas des moutons à des chèvres : madame Jaquet ne connaît donc pas les ensembles ?).
Pour moi, ce qui resterait et pour ce que j'en entends, ce serait l'esprit... vs le corps (soyez gentil de traduire en modes spinoziens, je m'y perds avec ce latin).
Or le moteur de la pensée est la logique. Si vous voulez encore faire des soustractions et ôter la logique de la pensée, toute affirmation deviendra présupposée ou mystique. Et si vous soustrayez la pensée de l'esprit il restera peut-être un genre de contemplation (qui n'est en rien sans intérêt), mais dont toute conclusion verbale a à se confronter au juge de paix qu'est la logique (la non-contradiction déjà en tous cas) pour être admise en tant que pensée.
Bref, j'en suis à me demander si cette "éternité" dont vous parlez, Hokousai et vous (et peut-être Spinoza), ne serait pas une illusion basée sur l'idée que l'esprit est capable de conclure à des choses qu'on peut retrouver dans la nature : l'esprit partirait de causes, les penserait, et aboutirait à un effet... et ce type de processus serait retrouvable dans la nature (ce qui le rendrait tout ébaubi).
Alors on parlerait d'une éternité de l'esprit, puisqu'il pourrait se passer des corps...
Mais si l'on considère que la logique de l'esprit n'est que le fruit de l'observation de la nature (soit très précisément la logique naturelle des causes et des effets), c'est bien l'inverse qui se passe : on n'est plus en présence d'une magie particulière qui serait propre à l'esprit, et en ce sens d'un parallèle entre causes à effets de l'esprit et cause à effets de la nature, mais bien d'un simple système de cause à effets de la nature vers l'esprit... l'esprit ou plutôt sa logique, celle-ci n'étant que l'effet (la reproduction) du système de causes à effets de la nature.
1/ Vous dites que les corps (puisque soumis à la durée) ne feraient pas partie de "l'existence" selon Spinoza. Mais alors, en guise de singularités, qu'est-ce qu'il reste (concrètement si ça vous est possible : l'amour, des forces... quoi) ?
(et tout ça semble effectivement assez platonicien)
2/ Vos citations ne me convainquent pas (d'ailleurs je n'y vois pas d'argument). Je peux concevoir que la mémoire fasse partie du corps, pour ce qui est de l'imagination, c'est plus compliqué, mais bref : que reste-t-il de la pensée sans mémoire ni imagination ? A peu près autant que des maths sans support pour les appliquer : de l'abstraction (en plus en maths on ne soustrait pas des moutons à des chèvres : madame Jaquet ne connaît donc pas les ensembles ?).
Pour moi, ce qui resterait et pour ce que j'en entends, ce serait l'esprit... vs le corps (soyez gentil de traduire en modes spinoziens, je m'y perds avec ce latin).
Or le moteur de la pensée est la logique. Si vous voulez encore faire des soustractions et ôter la logique de la pensée, toute affirmation deviendra présupposée ou mystique. Et si vous soustrayez la pensée de l'esprit il restera peut-être un genre de contemplation (qui n'est en rien sans intérêt), mais dont toute conclusion verbale a à se confronter au juge de paix qu'est la logique (la non-contradiction déjà en tous cas) pour être admise en tant que pensée.
Bref, j'en suis à me demander si cette "éternité" dont vous parlez, Hokousai et vous (et peut-être Spinoza), ne serait pas une illusion basée sur l'idée que l'esprit est capable de conclure à des choses qu'on peut retrouver dans la nature : l'esprit partirait de causes, les penserait, et aboutirait à un effet... et ce type de processus serait retrouvable dans la nature (ce qui le rendrait tout ébaubi).
Alors on parlerait d'une éternité de l'esprit, puisqu'il pourrait se passer des corps...
Mais si l'on considère que la logique de l'esprit n'est que le fruit de l'observation de la nature (soit très précisément la logique naturelle des causes et des effets), c'est bien l'inverse qui se passe : on n'est plus en présence d'une magie particulière qui serait propre à l'esprit, et en ce sens d'un parallèle entre causes à effets de l'esprit et cause à effets de la nature, mais bien d'un simple système de cause à effets de la nature vers l'esprit... l'esprit ou plutôt sa logique, celle-ci n'étant que l'effet (la reproduction) du système de causes à effets de la nature.
- hokousai
- participe avec force d'âme et générosité
- Messages : 4105
- Enregistré le : 04 nov. 2003, 00:00
- Localisation : Hauts de Seine sud
Re: Comment devient-on spinoziste ?
Vanleers a écrit :Lorsque vous écrivez que vous êtes « éternaliste » au sens de n’être que dans une seule présence, je pense que vous temporalisez l’éternité,
C'est exactement le contraire de ce que je pense. Je détemporalise l' éternité.
Il y a pour moi une éternité de l'infinité des présences (indifférentes au temps).
Maintenant si vous, vous pouvez être dans deux présences à la fois, vous êtes un cas d' ubiquité ( assez rares, sauf dans les romans de K Dick).
Je ne suis pas moins logique que vous, je n'ai tout simplement pas les mêmes intuitions fondamentales.
Je fais juste l'effort d exprimer mes intuitions ... pas plus.
Je ne suis pas en mesure d' obliger autrui à avoir les mêmes intuitions que moi. Il les a ou il ne les a pas et puis c'est tout.
..............
Je suis d'accord avec ce que Macherey écrit :
Macherey a écrit :« Il y a quelque chose d’éternel qui touche à l’essence de l’âme, et ce quelque chose est, d’après la proposition 22, l’idée, telle qu’elle est donnée nécessairement en Dieu, qui exprime l’essence de tel ou tel corps humain sous l’angle de l’éternité ; idée qui elle-même est ainsi conçue avec une certaine nécessité éternelle. Or ce quelque chose, dont la réalité est donnée en Dieu, n’est pas l’âme elle-même, mais “ quelque chose qui appartient à l’essence de l’âme ” : entendons qu’il constitue l’une de ses fonctions.
Sauf que je n isole pas un principe (ce quelque chose qui appartient à l'essence de l' âme), je ne l'isole pas de l'expression.
Car ça c'est du néoplatonisme pur. On isole le principe et puis il y a émanation des âmes et des corps .
Après tout avec l' IDEE de Dieu Spinoza est sans doute néoplatonicien.
Mais il se rattrape.
Corollaire prop 8/2
Il suit de là qu'aussi longtemps que les choses singulières n'existent qu'en tant qu'elles sont comprises dans les attributs de Dieu, leur être objectif, c'est-à-dire les idées de ces choses n'existent qu'en tant qu'existe l'idée infinie de Dieu ; et aussitôt que les choses singulières existent, non plus seulement en tant que comprises dans les attributs de Dieu, mais en tant qu'ayant une durée, les idées de ces choses enveloppent également cette sorte d'existence par laquelle elles ont une durée.
Ce qui n'est pas du spinozisme tronquée c'est de considérer quand même qu'il existe une Nature et pas seulement qu'en en tant qu'existe l' idée infinie de Dieu .
Parce que sinon ce n'est plus le spinozisme qui est tronqué, c'est la Nature.
Conséquemment on a une ETERNITE tronquée.
Or moi, mon éternité, elle conserve tout.
Toute la nature.
Ce n'est pas du spinozisme tronqué c'est du spinozisme expansé.
C' est un spinozisme ou la Nature toute entière est affirmée comme éternelle.
Un Spinozisme sans NEANT.
Les érudites circonlocutions spiritualistes qui in fine néantisent la nature ne sont pas de mon fait.
Je ne suis pas nihiliste.
Si vous ne gardez QUE l'idée de Dieu(au sens de la prop 8/2) ou QUE le principe tout le reste passe dans le néant.
Spinoza écrit
Les idées des choses singulières (ou modes) qui n'existent pas doivent être comprises dans l'idée infinie de Dieu, comme sont contenues dans ses attributs les essences formelles de ces choses.
Et vous avez donc une nature éternelle qui n'existe pas .
Or manifestement la nature existe.
.....................
et je dis en épilogue de ce long entretien

qu' il n y a rien d'évident à ce qu’il y ait des distinctions réelles entre les attributs.(pensée et étendue). Il y a une distinction culturelle.
Nous imaginons des distinctions.
à dans un certain temps...
parce que là je fatigue un peu.
Modifié en dernier par hokousai le 24 févr. 2016, 13:16, modifié 1 fois.
- hokousai
- participe avec force d'âme et générosité
- Messages : 4105
- Enregistré le : 04 nov. 2003, 00:00
- Localisation : Hauts de Seine sud
Re: Comment devient-on spinoziste ?
un petit post -scriptum quand même (parce qu'il y a de la matière dans vos messages)
Je m'appuie sur cogito (à peine sur ergo sum)
Est- ce une connaissance du premier genre cause de fausseté ?
Vanleers a écrit :En effet, ce faisant, vous vous appuyez sur votre connaissance spontanée des choses, connaissance du premier genre, « unique cause de fausseté » (E II 41)
Je m'appuie sur cogito (à peine sur ergo sum)
Est- ce une connaissance du premier genre cause de fausseté ?
Les Principes de la Philosophie de DescartesSpinoza a écrit :Si bien que, de quelque côté qu'il (Descartes) se tourne pour douter, il n'en est pas moins contraint de s'écrier : je doute, je pense, donc je suis.
Cette vérité découverte, il trouve en même temps le fondement de toutes les sciences et aussi une mesure et une règle de toutes les autres vérités, à savoir :
Tout ce qui est perçu aussi clairement et distinctement que cette première vérité est vrai.
Qu'il ne puisse y avoir d'autre fondement des sciences que celui-là, ce qui précède le montre avec une clarté suffisante, et plus que suffisante, parce que tout le reste peut être révoqué en doute sans aucune peine, mais que cela ne peut l'être en aucune façon.
- Vanleers
- participe avec force d'âme et générosité
- Messages : 1485
- Enregistré le : 22 nov. 2012, 00:00
Re: Comment devient-on spinoziste ?
A hokousai
1) En employant le mot « présent » qui, avec les mots « passé » et « futur », sert à caractériser la temporalité et en l’associant à l’éternité, vous ratez ipso facto l’éternité telle que l’entend Spinoza (E I déf. 8).
Vivre dans un « éternel présent » n’a rien à voir avec la définition de l’éternité selon Spinoza dans laquelle il n’est question ni de présent ni de présence.
Vous dites que vous partez de vos intuitions mais l’expérience montre que nos intuitions nous égarent le plus souvent. Spinoza utilise le mot intuition dans l’expression « science intuitive », c’est-à-dire la connaissance du troisième genre dont il donne la définition en E II 40 sc. 2. Elle « procède de l’idée adéquate de l’essence formelle de certains attributs de Dieu vers la connaissance adéquate de l’essence des choses. »
Je doute que cela ait le moindre rapport avec ce que vous appelez vos intuitions qui, à mon point de vue et comme je vous l’ai déjà écrit, relèvent plutôt de la connaissance du premier genre avec tous les risques d’erreur qui y sont attachés.
2) L’idée infinie de Dieu, c’est l’entendement divin, c’est-à-dire le mode infini immédiat de l’attribut Pensée : il appartient à la Nature naturée.
Par définition de Dieu, il serait absurde de poser l’entendement divin (l’idée de Dieu) sans poser toute la Nature naturée. Comme l’écrit Pascal Sévérac :
« Si en effet l’entendement divin appartient à la nature naturée, et non pas naturante, c’est que, tout comme la volonté, il n’est pas premier dans l’ordre logique de la production des choses. Dieu n’est pas un être qui d’abord conçoit ce qui est possible, pour ensuite choisir ce qui est à créer ; Dieu n’agit pas pour faire passer à l’existence ce que la volonté, parmi les possibilités que l’entendement lui a représentées, a décidé de créer. L’entendement divin n’est pas l’idée de tous les possibles ; la volonté divine n’est pas l’arbitre des existences. Se représenter ainsi l’agir divin n’est autre que projeter en Dieu la manière dont on se représente l’agir humain […]. » (op. cit. p. 62)
3) Dans votre post-scriptum, vous citez un passage d’une œuvre dans laquelle Spinoza expose la philosophie de Descartes. Il le fait très honnêtement alors qu’il n’est pas totalement d’accord avec Descartes.
En tout cas, Spinoza ne part pas du cogito.
Vous savez aussi qu’en partant du cogito qui, selon lui, devait être un point de départ certain et assuré, Descartes s’est rapidement trompé en physique, comme le rappelle Karl Popper :
« Nous savons en effet que la physique cartésienne, remarquable à certains égards, était erronée. Or elle ne se fondait que sur des idées qui, de l’avis de Descartes, étaient claires et distinctes et eussent donc dû être vraies » (Des sources de la connaissance et de l’ignorance – Rivages poche 1998 p. 90)
1) En employant le mot « présent » qui, avec les mots « passé » et « futur », sert à caractériser la temporalité et en l’associant à l’éternité, vous ratez ipso facto l’éternité telle que l’entend Spinoza (E I déf. 8).
Vivre dans un « éternel présent » n’a rien à voir avec la définition de l’éternité selon Spinoza dans laquelle il n’est question ni de présent ni de présence.
Vous dites que vous partez de vos intuitions mais l’expérience montre que nos intuitions nous égarent le plus souvent. Spinoza utilise le mot intuition dans l’expression « science intuitive », c’est-à-dire la connaissance du troisième genre dont il donne la définition en E II 40 sc. 2. Elle « procède de l’idée adéquate de l’essence formelle de certains attributs de Dieu vers la connaissance adéquate de l’essence des choses. »
Je doute que cela ait le moindre rapport avec ce que vous appelez vos intuitions qui, à mon point de vue et comme je vous l’ai déjà écrit, relèvent plutôt de la connaissance du premier genre avec tous les risques d’erreur qui y sont attachés.
2) L’idée infinie de Dieu, c’est l’entendement divin, c’est-à-dire le mode infini immédiat de l’attribut Pensée : il appartient à la Nature naturée.
Par définition de Dieu, il serait absurde de poser l’entendement divin (l’idée de Dieu) sans poser toute la Nature naturée. Comme l’écrit Pascal Sévérac :
« Si en effet l’entendement divin appartient à la nature naturée, et non pas naturante, c’est que, tout comme la volonté, il n’est pas premier dans l’ordre logique de la production des choses. Dieu n’est pas un être qui d’abord conçoit ce qui est possible, pour ensuite choisir ce qui est à créer ; Dieu n’agit pas pour faire passer à l’existence ce que la volonté, parmi les possibilités que l’entendement lui a représentées, a décidé de créer. L’entendement divin n’est pas l’idée de tous les possibles ; la volonté divine n’est pas l’arbitre des existences. Se représenter ainsi l’agir divin n’est autre que projeter en Dieu la manière dont on se représente l’agir humain […]. » (op. cit. p. 62)
3) Dans votre post-scriptum, vous citez un passage d’une œuvre dans laquelle Spinoza expose la philosophie de Descartes. Il le fait très honnêtement alors qu’il n’est pas totalement d’accord avec Descartes.
En tout cas, Spinoza ne part pas du cogito.
Vous savez aussi qu’en partant du cogito qui, selon lui, devait être un point de départ certain et assuré, Descartes s’est rapidement trompé en physique, comme le rappelle Karl Popper :
« Nous savons en effet que la physique cartésienne, remarquable à certains égards, était erronée. Or elle ne se fondait que sur des idées qui, de l’avis de Descartes, étaient claires et distinctes et eussent donc dû être vraies » (Des sources de la connaissance et de l’ignorance – Rivages poche 1998 p. 90)
Retourner vers « Spinozisme pratique »
Qui est en ligne
Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur enregistré et 6 invités