Comment devient-on spinoziste ?

Questions touchant à la mise en pratique de la doctrine éthique de Spinoza : comment résoudre tel problème concret ? comment "parvenir" à la connaissance de notre félicité ? Témoignages de ce qui a été apporté par cette philosophie et difficultés rencontrées.
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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar hokousai » 27 févr. 2016, 23:32

Ps:
et l’on ne saurait être davantage aux antipodes de la philosophie spinoziste qui, elle, pose que le réel est intégralement intelligible en droit.

humm à mon avis c'est à Hegel que le compliment doit être fait, pas à Spinoza.

Spinoza a écrit : il suit que les idées que nous avons des corps extérieurs indiquent plus l'état de notre corps que la nature des corps extérieurs (corol prop 16/2)

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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar Vanleers » 28 févr. 2016, 11:18

Le texte de Frédéric Lordon cité dans mon précédent post suggère que l’on devient spinoziste par intérêt, parce que l’on pense trouver, ou que l’on a trouvé, dans la doctrine de Spinoza de quoi aider et augmenter sa puissance d’être (puissance d’agir du corps et puissance de penser de l’esprit).

Qu’est-ce qu’un homme, en effet ?

Considéré sous l’aspect de l’éternité (sub specie aeternitatis), c’est une puissance, une force (vis) qui participe à l’essence, c’est-à-dire à la puissance (E I 34) de Dieu. Considéré sous l’aspect de la durée (sub specie durationis), c’est un conatus, un effort de persévérer dans l’être en relation avec d’autres choses singulières, parfois utiles (amis, nourritures,…), parfois nuisibles (ennemis, poisons,…).

Le spinozisme est un utilitarisme et F. Lordon écrit :

« […] dans l’utilitarisme élargi de la puissance en quoi consiste le spinozisme, le conatus est fondamentalement intérêt – l’intérêt de la persévérance dans l’être, nécessairement poursuivi en première personne, car « personne ne s’efforce de conserver son être en raison d’une autre chose » (E IV 25). De cet intérêt fondamental de la persévérance, dérive tout ce dont le mode fini est capable, toute activité, y compris donc celle de penser, qui n’est par conséquent nullement hétérogène à l’intérêt-puissance du conatus, mais bien l’une de ses manifestations.
Le conatus n’invite pas seulement à défaire le partage de l’intérêt et de la pensée, mais également celui de l’intérêt et du désintéressement. Car, intérêt générique et comme tel encore intransitif, il est la matrice de tous les intérêts spécifiques, qui en dérivent par affections, adéquates ou inadéquates, et dont la poursuite a pour nom « action humaine ». En d’autres termes, il n’est pas une action qui ne soit l’expression particulière de cet intérêt générique qu’est le conatus, fût-ce phénoménalement la plus altruiste et la plus oblative. Il en est ainsi car chaque action, chaque manière d’agir n’est qu’une spécification, une concrétisation, le plus souvent sous la modulation des causes extérieures, de l’élan fondamental du conatus, dont tout dérive exclusivement puisque « l’effort par lequel chaque chose s’efforce de persévérer dans son être n’est rien en dehors de l’essence actuelle de cette chose » (E III 7). C’est pourquoi, quoi qu’il en coûte à la pensée du désintéressement, d’une part tout est toujours à ramener à l’effort en première personne du conatus (E IV 25), jusqu’aux élans les plus extérieurement généreux ; et d’autre part, dans ces conditions, demander le désarmement de toute prise d’intérêt est aussi absurde que de demander à une chose de s’affranchir de son essence (E III 7). Il ne s’ensuit nullement, sauf dans les lectures les plus étroites de l’intérêt, qu’il soit par-là prononcé une fatalité de l’égoïsme, ou fait obstacle à tout cheminement vers la vérité éthique. Spinoza tient parfaitement les deux ensemble, et de même que la vertu n’est en rien sortie de l’ordre du désir – comment serait-ce possible : le désir est l’essence de l’homme (E III déf. aff. 1) et, comme essence, elle est inaliénable –, de même, donc, que la vertu n’est pas sortie de l’ordre du désir, mais réorientation adéquate de son élan, de même la Béatitude n’est pas renoncement à toute prise d’intérêt mais l’intérêt pour l’être, l’intérêt pour l’intensification de la participation à l’être, convenablement dirigé. Il n’y a pas à « rompre » – et de quelle manière ? – avec la persévérance dans l’être – qui ne serait le propre que de l’animal humain, et non de ce par quoi l’humain est vraiment humain –, il n’y a pas à rompre avec la persévérance dans l’être pour sortir de la servitude passionnelle et accéder à un régime d’universalité, mais à en aiguiller adéquatement l’effort : « Agir absolument par vertu n’est en nous rien d’autre qu’agir, vivre, conserver son être (trois façons de dire la même chose) sous la conduite de la raison, et ce d’après le fondement qui consiste à rechercher son propre utile. » (E IV 24). » (op. cit. pp. 287-288)

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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar hokousai » 28 févr. 2016, 18:31

Vanleers a écrit :Qu’est-ce qu’un homme, en effet ?

Considéré sous l’aspect de l’éternité (sub specie aeternitatis), c’est une puissance, une force (vis) qui participe à l’essence, c’est-à-dire à la puissance (E I 34) de Dieu. Considéré sous l’aspect de la durée (sub specie durationis), c’est un conatus, un effort de persévérer dans l’être en relation avec d’autres choses singulières, parfois utiles (amis, nourritures,…), parfois nuisibles (ennemis, poisons,…).

J 'aurais préféré qu'est-ce que la Nature ?
........................

LORDON :amen:

Lordon dans un autre texte sur la nature humaine.
Les modes sont modifiables. Toute la puissance de la théorie spinozienne réside dans cet énoncé, vaccine définitive contre toutes les essentialisations et contre tous les fixismes des « natures humaines » mal conçues.

admettons

Lordon a écrit :La vie psychique, comme toutes choses dans l’univers, est réglée par le principe de mesure des forces : des choses s’affrontent, les plus puissantes l’emporteront.

admettons

Mais savoir ce qu'il en est de ces forces ne semble pas trop préoccuper Lordon puiqu'il nous renvoie (essentiellement ) au conatus .
Lequel de mon point de vue n' est pas une force mais un effort.

ainsi
Lordon a écrit :il n’y a pas à rompre avec la persévérance dans l’être ,


en effet comment le pourrait- on ?

Lordon a écrit : mais à en aiguiller adéquatement l’effort

c'est à dire rechercher son propre utile.


C'est à dire que l'on recherchera en fait ce dont pourtant il est dit qu'on ne peut s' en départir (l' effort/conatus)

Nous ne sommes tenu qu'au seul possible, certes mais c'est un truisme. :(
.........................................

là avec Lordon vous faites ce qu'on appelait chez les trotskistes de l' ENTRISME.


https://fr.wikipedia.org/wiki/Entrisme

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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar Vanleers » 29 févr. 2016, 12:13

A hokousai

1) Vous soutenez que le conatus n’est pas une force mais un effort.

Dans le système de Spinoza, l’homme n’est pas un sujet qui s’efforcerai de… Considérer le conatus comme un effort ouvre la porte à une resubjectivisation de l’homme qui contredit la désubjectivisation opérée par Spinoza. Le conatus est plutôt une « force qui va » (Hernani) mais le mieux est encore de ne pas traduire le latin. Pierre Macherey écrit :

« Et c’est bien cette idée d’une première impulsion qui est au centre de cette notion : celle-ci exprime d’abord le fait qu’au fond de chaque chose « ça pousse » (conatur) (1), au sens d’un essentiel engagement qui ne peut en aucun cas s’expliquer par l’intervention d’une pression extérieure. Plutôt que de traduire conatus par « effort » ou par « tendance », termes qui en affadissent la signification, et surtout qui réinscrivent celle-ci dans une perspective finalisée, en la ramenant à la représentation d’un mouvement, tirant, intentionnellement ou non, vers un but, il est préférable de lui conserver sa forme originale en naturalisant l’usage du terme latin conatus. »

(1) L’équivalent allemand de conatus, ce pourrait être Trieb, la « pulsion ». »
(Introduction… III pp. 80-81)

2) « Aiguiller adéquatement l’effort » (Frédéric Lordon) revient à désirer sous la conduite de la raison, c’est-à-dire à être l’homme de la fortitude, ferme et généreux (E III 59 sc.)
Truisme ou pas, de tels hommes me paraissent assez rares.

3) Vous avez écrit :

« L'appréhension intellectuelle de la couleur et la couleur, c'est la même chose. »

On ne peut pas dire ça sans plus. Certes, il n’y a pas de distinction réelle entre les deux mais il n’y a pas non plus une simple distinction de raison.
Il y a une distinction modale entre une couleur et l’idée de cette couleur dans l’esprit ce qui rend l’expression « pensée colorée » contradictoire.


4) Vous avez également écrit :

« D'une chose qui n'existe pas son essence formelle n'existe pas tant que la chose n'est pas dans la durée.
(et d'ailleurs E2/8 ne parle pas d'essences) »

Triple faute :
a) E II 8 parle bien d’essences : il suffit de relire la proposition
b) si E II 8 ne parle pas d’essences, il y a contradiction à vouloir donner une interprétation de la proposition où il est question d’essence
c) l’interprétation est fausse et Spinoza dit exactement le contraire : d’une chose qui n’existe pas dans la durée, son essence formelle est néanmoins contenue dans l’attribut

5) Vous aurez beau répéter cent fois E III 7, cela ne fera pas apparaître la notion de durée dans la proposition et ne justifiera pas votre thèse : « la durée est de l’essence de la chose ».

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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar Vanleers » 29 févr. 2016, 14:43

A hokousai

Je reviens au point 5 de mon précédent post.

La proposition E III 8 énonce :

« L’effort par lequel chaque chose s’efforce de persévérer dans son être n’enveloppe pas un temps fini, mais indéfini. »

Or, d’une part, cet effort (conatus), n’est autre que l’essence actuelle de la chose (E III 7).
D’autre part, « La durée est la continuation indéfinie de l’exister » (E II déf. 5)

E III 8 rejoint votre thèse : « La durée est de l’essence de la chose » mais la formule autrement : l’essence actuelle de la chose enveloppe la durée.
Sur un autre fil, je pense avoir monté qu’« enveloppe », selon Spinoza, signifie « implique », au sens de l’implication logique (Si… Alors…).
On aurait donc : l’essence actuelle de la chose implique la durée.

A la réflexion, je pense qu’E III 8 (et non E III 7) justifie votre thèse, Spinoza précisant dans la démonstration que « […] si aucune cause extérieure ne vient la détruire, [… la chose] continuera d’exister toujours »

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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar hokousai » 29 févr. 2016, 15:59

Vanleers a écrit :Il y a une distinction modale entre une couleur et l’idée de cette couleur dans l’esprit ce qui rend l’expression « pensée colorée » absurde.

oui bon bof...
Les physiciens me rappelant toujours ( à l'ordre ) qu'il n' y a pas de couleurs dans le nature mais que ce sont des ondes, j'en ai conclu que la couleur était dans mon esprit.

Mais vous avez une idée de la pensée sans qualité . Existant en soi comme une faculté vide de détermination, hors acte.
A La manière dont certains cartésiens pensaient la volonté (ce que Spinoza critique).
C' est la pensée pure, la pensée absolue. Un éther . Du moins ce qu'il est pensable de plus éthéré qui soit...et in fine impensable.
Tout comme, il en fallait un à Einstein pour (l'espace) vous avez besoin d'un éther pour les pensées.

MOi je comprends une distinction modale dans l'esprit entre la couleur- pensée et le tangible- pensée ou l' olfactif- pensée etc...

Pas une distinction entre la couleur- pensée et la couleur comme comme étant objectif(en soi ).

Votre pensée (dans la théorie que vous en avez ) ne pense rien, elle est le contenant passif d'une image. C' est une plaque photographique. On peut les multiplier à l'infini, ça ne donne pas une pensée. Vous n'avez que des photos, ie des objets.
..................
....................

Considérer le conatus comme un effort ouvre la porte à une resubjectivisation de l’homme qui contredit la désubjectivisation opérée par Spinoza.


Spinoza dit que c'est un effort ... donc j' en étais resté là .Quelles que soient les propositions il parle toujours de l'effort et d'effort conscient .( ou de conscience de l'effort). De la conscience de l'effort nous concevons qu'il y a une force.
Moi je vois que Spinoza subjectivise.

Mais là dessus je pense comme Deleuze
deleuze a écrit :Le conatus ne doit surtout pas être compris comme une tendance à passer à l’existence : précisément parce que l’essence de mode n’est pas un possible, parce qu’elle est une réalité physique qui ne manque de rien, elle ne tend pas à passer à l’existence. Mais elle tend à persévérer dans l’existence, une fois que le mode est déterminé à exister, c’est-à-dire à subsumer sous son rapport une infinité de parties extensives. Persévérer, c’est durer; aussi le conatus enveloppe-t-il une durée indéfinie (III, 8).


C'est çà dire que l'idée de FORCE est problématique .
Dans son article Deleuze emploie une fois le mot FORCE.
Deleuze a écrit :La puissance d’agir (Spinoza dit parfois force d’exister, déf. gén. des affects) du mode est donc soumise à des variations considérables tant que le mode existe, bien que son essence reste la même et que son aptitude à être affecté soit supposée constante.

http://spinoza.fr/sur-le-conatus-extrait-du-lexique-de-gilles-deleuze/

Cette idée de FORCE est profondément ancrée dans l'esprit contemporain certes. Mais cette idée est problématique à mon avis dans le spinozsime .
(problématique d'ailleurs pour toute métaphysique).

En imposant la notion de force sous une forme que Descartes
s'était efforcé d'effacer le plus possible, Newton fit reculer la pensée
cartésienne.
page 145 http://www.persee.fr/docAsPDF/rhs_0048-7996_1952_num_5_2_2919.pdf

Mais que pense Spinoza prénewtonien de la FORCE ?
Alors que nous la pensons en post newtoniens?
................

a) E II 8 parle bien d’essences : il suffit de relire la proposition


ben excusez - moi... : mais il parle des idées des choses qui n'existent pas contenues dans l'idée de Dieu ( et par comparaison "comme le sont les essences contenue dans les attributs").
[quote="prop 8/2]Les idées des choses singulières (ou modes) qui n'existent pas doivent être comprises dans l'idée infinie de Dieu, comme sont contenues dans ses attributs les essences formelles de ces choses.[/quote]

Je ne nie pas que les essences formelles sont contenues dans les attributs ...
ni même (de ce dont il parle) que Les idées des choses singulières (ou modes) qui n'existent pas doivent être comprises dans l'idée infinie de Dieu,

je dis comme Spinoza le dit
[quote='Scolie pro 8/2]Dès lors, les idées de ces rectangles n'existent plus seulement en tant qu'elles sont comprises dans l'idée du cercle, mais elles existent aussi en tant qu'elles enveloppent l'existence des deux rectangles donnés[/quote]
Il ne me gène pas qu'il y ait des idées de cercle ou de rectangle dans l'idée infinie de Dieu ...mais il me gène qu'on attribue l'éternité QU' à ces idées de choses qui n'existent pas.

Je ne fais aucune faute d'interprétation de ce que dit Spinoza. Je le suis (de suivre) à la lettre.

Je me demande seulement si on n'en fait pas une en niant l'éternité pour ce qui est quand même le plus flagrant de la nature à savoir l'existence.
Parce que c'est bien beau tout ça ...cet effort d'abstraction
mais l'Eternité est en fait y est vidée de l'existence .
La force infinie travaille en vain.

Que ce soit un motif de béatitude m'étonne un peu,
J'y vois plutôt l' absurde.

Quelle béatitude que d' être éternellement une chose qui n'existe pas?
..........

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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar hokousai » 29 févr. 2016, 16:22

à) Vanleers

sur votre rectificatif (que je n'avais pas lu en rédigeant le message ci -dessus)

Vous êtes très formaliste( c'est une qualité que je n'ai pas)

E3/8 ou E/7 :?: ... les deux justifient ce que je pense, à savoir que pour l'essence actuelle , il y a la durée.

C'est très simple, la durée est de la nature de la chose. Evidemment que les choses durent en vertu de leur essence, c'est à dire de leur nature.... et puis des forces extérieures etc... et c'est la mort. :(

Maintenant l'essence de la chose quand elle n'existe pas, ça va bien pour les cercles ou les rectangles mais pour les organismes vivants je ne vois plus à quoi ça correspond. :(

Je précise (et ce fut l'objet d'une dispute avec feu Durtal recomposé en NaOh)
que pour moi la nature d'un organisme vivant n'est pas telle fixée, statufiée, non évolutive ...il y a une programmation de sa mort dans la nature d'un organisme vivant.
(ce qui ne contredit pas l'idée de conatus).

Pour être clair un organisme nait, croit,vieillit et meurt en vertu de SA nature et pas seulement en vertu des forces extérieures.

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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar Vanleers » 01 mars 2016, 15:59

A hokousai

1) Vous écrivez :

« Moi je comprends une distinction modale dans l'esprit entre la couleur-pensée et le tangible-pensée ou l'olfactif-pensée etc... »

C’est que vous ne comprenez pas ce qu’est une distinction modale.
Lorsque mon esprit a des idées de diverses affections de mon corps par un corps extérieur, par exemple une pomme, il aura l’idée de la vision de la pomme, l’idée du goût de la pomme… etc.
Il y aura entre la vision de la pomme et son goût une distinction réelle (et non modale) car je peux concevoir de façon claire et distincte la vision de la pomme sans penser à son goût et, inversement, je peux concevoir de façon claire et distincte le goût de la pomme sans penser à sa vision.

2) Vous écrivez :

« Quelles que soient les propositions il [Spinoza] parle toujours de l'effort »

Spinoza ne parle jamais de l’effort mais toujours du conatus car il écrivait en latin.

3) Vous écrivez :

« Il [Spinoza] parle des idées des choses qui n'existent pas contenues dans l'idée de Dieu (et par comparaison "comme le sont les essences contenue dans les attributs"). »

Il ne s’agit pas d’une simple comparaison.
Tout ce que Dieu pense, il le produit : c’est ce qu’énonce E II 7 cor. :

« De là suit que la puissance de penser de Dieu est égale à son actuelle puissance d’agir. C’est-à-dire, tout ce qui suit formellement de la nature infinie de Dieu, tout cela suit objectivement en Dieu de l’idée de Dieu dans le même ordre et le même enchaînement. »

Quand l’idée de Dieu inclut l’idée d’une chose singulière qui n’existe pas (sous-entendu dans la durée), l’attribut de Dieu inclut nécessairement l’essence formelle de cette chose.
L’illustration que donne Spinoza dans le scolie d’E II 8 est, dès lors, claire.
Les choses qui n’existent pas dans la durée sont analogues aux « rectangles » contenus dans le cercle, en particulier les rectangles E et D avant qu’un géomètre les trace.
Vienne ce géomètre qui trace E et D, ces rectangles se mettent alors à exister dans la durée. Ils se sont mis à exister dans la durée car ils ont été causés par le géomètre (qui est donc leur cause prochaine). Mais si le géomètre a tracé E et D et non pas deux autres rectangles F et G, c’est que son tracé est l’effet d’autres causes, et ceci à l’infini. C’est le mécanisme décrit en E I 28 : une chose se met à exister dans la durée par un enchaînement infini de causes finies.
Ajoutons maintenant que E et D se sont mis à exister dans la durée mais n’en continuent pas moins à être contenus dans le cercle. Ce qui illustre qu’une chose singulière qui existe dans la durée existe également en Dieu (et Spinoza appelle « éternité » cette existence en Dieu).
Rappelons, une fois encore, que la réciproque n’est pas nécessairement vraie.
Une chose qui existe en Dieu (c’est-à-dire dont l’idée est contenue dans l’idée de Dieu et dont l’essence formelle est contenue dans l’attribut de Dieu) n’existe pas nécessairement dans la durée. Pour qu’il en soit ainsi, il faut qu’un enchaînement infini de causes finies la « mette au monde »
Alexandre Matheron éclaire cela (Etudes sur Spinoza et les philosophies de l’âge classique – ENS Editions 2011) :

« En premier lieu, les modes finis existent alternativement de deux façons : tantôt d’une existence incomplète, ou inactuelle, lorsqu’ils sont seulement compris dans les attributs de Dieu ; tantôt d’une existence complète, ou actuelle, lorsqu’ils sont compris dans les attributs de Dieu et qu’en outre ils sont dits durer (E II 8 et cor.). L’existence incomplète ne se réduit pas à une pure possibilité ; de ce que l’essence d’une chose est constructible sans contradiction à partir de l’attribut divin correspondant (ou, ce qui revient au même, de ce que la chose est concevable), il ne s’ensuit pas simplement que cette chose peut exister : il suit, de cela seul, abstraction faite de toute relation aux causes extérieures, qu’elle doit exister un jour ou l’autre (E I 16). L’essence d’une chose, c’est son devoir-exister, ou la propriété qu’a Dieu de devoir nécessairement la produire. Cette essence, considérée en elle-même, a bien une existence actuelle, puisque l’attribut dont elle est la propriété existe lui-même actuellement ; et une existence actuelle éternelle, puisqu’elle se déduit de la seule définition de Dieu. Mais la chose dont elle est l’essence, tant qu’elle n’existe que de cette façon, n’existe encore qu’à l’état tendanciel : Dieu doit la produire, mais il ne la produira que lorsque certaines conditions seront réunies (E I 28) ; en attendant, il ne fait que s’y efforcer éternellement. Et l’existence complète sera, précisément, l’actualisation de cette tendance, qui n’interviendra que lorsque le contexte créé par les autres modes finis déjà actualisés le permettra, et aussi longtemps seulement qu’il le permettra : la chose, alors, sera dite durer. » (p. 682)

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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar hokousai » 01 mars 2016, 19:58

[quote="vanleers" ]Il ne s’agit pas d’une simple comparaison.
Tout ce que Dieu pense, il le produit : c’est ce qu’énonce E II 7 cor. :[/quote]

Excusez- moi mais si parlant de la prop 8 /2 on prétend que ce que dit la 8 c'est ce que dit la 7 alors il y a manipulation.(ou mauvaise foi, au mieux). :(
...............

Spinoza ne parle jamais de l’effort mais toujours du conatus car il écrivait en latin.
Les traducteurs traduisent par effort pas par FORCE .
Maintenant adressez- vous à eux pas à moi.
Ou bien écrivez vos messages en latin.
...............

[quote="Vanllers" ]Lorsque mon esprit a des idées de diverses affections de mon corps par un corps extérieur, par exemple une pomme, il aura l’idée de la vision de la pomme, l’idée du goût de la pomme… etc.[/quote]
En première instance il verra la pomme.
Ensuite certes il aura des idées et donc l' idée qu'il voit la pomme et puis l'idée qu'il a l'idée qu'il voit la pomme etc ad infinitum.

Spinoza dans le TRE laisse penser qu'on a pas besoin d'avoir l'idée de l'idée et encore d'autres idées pour voir une pomme. A mon vais il a bien raison.
Pour moi la pensée est "VUE" quand je vois, elle est spatiale en ce quelle est entièrement sans débordement dans cette vue de la pomme. Il n y a rien en elle, qui soit hors de l 'étendue.

Maintenant j' accorde que l'idée de la justice ou celle du bien ne soit pas pas étendue de cette manière là.

Il y a bien des questions auxquelles votre formalisme est aveugle et vous le prenez d' un peu haut en disant que je ne comprends pas ce qu' est un mode.
Je voudrais vous voir là l'oeuvre et plus que dans un jeu sur les mots.

Reste que la pensée, la mienne celle de mon esprit /corps est localisée.
J'aimerai bien qu'elle soit partout voire nulle part, mais ce ne semble pas être le cas .
.............

Il y a un grave problème avec les attributs distingués .
Une partie de la pensée par exemple serait en étroite relation avec l'Etendue( quid de la relation?) et une autre oarrtie ne le serait pas.
Je ne vois pas comment vous envisagez les choses.

D'autant plus qu'il est censé y avoir une infinité d' attributs et donc une démultiplication à l'infini du problème .
... :?:

quant à penser les modes, j'aimerais bien savoir ce que vous en pensez ( j' ai déjà demandé )

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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar Vanleers » 02 mars 2016, 07:20

A hokousai

Vous écrivez :

« Excusez- moi mais si parlant de la prop 8 /2 on prétend que ce que dit la 8 c'est ce que dit la 7 alors il y a manipulation.(ou mauvaise foi, au mieux). »

Argument stupide à tout point de vue, la démonstration d’E II 8 se contente de renvoyer à E II 7 :
« Démonstration : cette proposition est évidente à partir de la précédente, mais elle se comprend plus clairement à partir du précédent scolie. »


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