antagonisme?

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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Henrique
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Messagepar Henrique » 06 janv. 2008, 16:56

Je remercie Serge d'être intervenu pour éviter que les choses partent à vau-l'eau les 2 et 3 janvier dernier. Malgré la pertinence de certaines interventions antérieures de Philonomad, il y a eu trop d'attaques personnelles et de propos désobligeants. Serge a eu raison d'y mettre un coup d'arrêt alors que ni moi, ni Dgsu, ni Bardamu n'étions présents. Cela me conduit à proposer un travail sur les règles minimales de vie commune et un protocole de modération pour limiter les approximations dans ce genre de situation. Voir bientôt dans le forum "Fonctionnement du site".

Cela dit, bien que lesdites règles minimales n'étaient pas explicitement énoncées quelque part, personne ne sera sérieusement étonné qu'un excès d'attaques personnelles et de propos désobligeants ait entraîné une privation du droit à s'exprimer. Que cette privation soit définitive est autre chose. D'abord parce que celui qui a été évincé d'un lieu peut s'exprimer ailleurs et d'autre part parce qu'une éviction pour cause d'humeur incontrôlée ou quelque chose de ce genre n'a pas à être définitive si celui qui a à en répondre peut aussi être cordial (ce qui est le cas de Philonomad). Il suffit d'admettre ce principe : "ici, quand on n'est pas d'accord, on s'efforce d'argumenter autant que nécessaire et on évite autant que possible les attaques personnelles".

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Messagepar hokousai » 06 janv. 2008, 17:06

à Louisa

Si nous suivons Spinoza , le corps existe tel que nous le sentons

Je sens moins de corps quand j'ai honte que quand j'ai mal au dent .
ou bien j'ai raison en différenciant la corporéité ou bien il faut contester ce que dit Spinoza .
...........................
Wittgenstein dit qu’il n’y a de problème que quand nous entrevoyons confusément une solution .Donc autant dire que les solutions sont préexistantes aux problèmes .(ce que je pense )
.Il est de notre nature de posséder un corpus de solutions, confuses et qu’il faut rendre claires . Tout cela à donc à avoir avec une harmonie . Excusez- moi de ne pas pouvoir vous suivre .

.(je ne vous parle d’ailleurs pas d’un ""monde"" harmonieux , nous ne savons déjà pas ce que peux le corps , alors comment parlerait- on mieux du monde ?)

hokousai


PS :(Non seulement Deleuze est du siècle de Freud mais il est aussi très influencé par Nietzsche.)

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Messagepar Louisa » 06 janv. 2008, 17:38

Cher Hokousai,

Hokousai a écrit :Si nous suivons Spinoza , le corps existe tel que nous le sentons

Je sens moins de corps quand j'ai honte que quand j'ai mal au dent .
ou bien j'ai raison en différenciant la corporéité ou bien il faut contester ce que dit Spinoza .


troisième solution: on ne peut pas prendre ce que l'on ressent spontanément comme critère de vérification du spinozisme, car ce que l'on ressent est toujours déjà un mélange de nos propres présupposés (la honte est "psychologique", par exemple) et d'un événement réel (sueur, infection de dent, ...).

Car moi-même je ne sens absolument pas moins mon corps quand j'ai honte que quand j'ai mal aux dents. Alors comment savoir qui a raison, vous ou moi .. ?

Puis si l'on prend ainsi une base d'interprétation totalement subjective, certains gens seraient "toujours déjà" des spinozistes, d'autres ne pourraient jamais l'être. La philosophie n'aurait plus rien à voir avec une entreprise de changements d'idées par le biais de la raison. Il s'agirait de voir dans quelle mesure telle ou telle philosophie décrit le monde comme nous le voyons déjà préalablement nous-même, et si l'on trouve que les ressemblances sont suffisamment grandes, on pourrait se déclarer spinoziste, nietzschéen, ou autre. Comme si les philosophes ne font rien d'autre que d'expliciter ce que de grands groupes de gens sentaient toujours déjà, sans plus.

Si par exemple vous prenez cet énoncé de Spinoza (le corps existe tel que nous le sentons) et vous commencez à en déduire que tout ce que vous sentez vous-même par rapport à votre corps doit donc nécessairement être spinoziste, je crois qu'il s'agit d'une erreur. Car (pour référer à notre exemple dans l'autre fil) en Occident on a tendance à localiser l'esprit dans la tête, ces derniers temps, et cela implique que chacun a plutôt le sentiment que son esprit se trouve dans le cerveau. Or Descartes le proposait déjà, et Spinoza rejette ce type de cartésianisme. On arrive donc rapidement à la position contradictoire où d'une part on dit avec Spinoza que le corps existe tel que nous le sentons, pour d'autre part affirmer un cartésianisme pur concernant le rapport corps-esprit.

On pourra tout aussi bien se dire que si "le corps existe tel que nous le sentons", alors comme spontanément nous avons tous en Occident l'impression que notre esprit peut commander ou influencer notre corps, on peut déduire de ce même énoncé que pour Spinoza il y a un rapport de cause à effet entre l'esprit et le corps. Ce qui contredit de nouveau un autre énoncé spinoziste, et ainsi de suite.

Bref, à mon sens cette phrase de Spinoza (le corps existe tel que nous le sentons) est plus compliquée que ça, n'est pas une affirmation de tout ce que n'importe quel individu peut ressentir par rapport à son corps, sinon le spinozisme serait très vite internement contradictoire, non?

Hokousai a écrit :Wittgenstein dit qu’il n’y a de problème que quand nous entrevoyons confusément une solution .Donc autant dire que les solutions sont préexistantes aux problèmes .(ce que je pense )
.Il est de notre nature de posséder un corpus de solutions, confuses et qu’il faut rendre claires . Tout cela à donc à avoir avec une harmonie . Excusez- moi de ne pas pouvoir vous suivre .
.(je ne vous parle d’ailleurs pas d’un ""monde"" harmonieux , nous ne savons déjà pas ce que peux le corps , alors comment parlerait- on mieux du monde ?)


c'était peut-être moi qui ne vous avais pas très bien compris quand vous parliez d'harmonie, et qui alors ai répondu à côté de votre remarque.

En tout cas, croire qu'il est de notre nature de posséder un corpus de solutions ... pour moi c'est très bizarre. Il est de notre nature de pouvoir augmenter notre connaissance du monde, ça oui. Mais de posséder déjà les solutions ..? En science par exemple il y a tout un travail de création de la bonne question à poser si l'on veut obtenir une information intéressante en examinant tel ou tel phénomène. Comment croire que tout ce travail ne consisterait qu'en l'élucidation d'une intuition qui contiendrait déjà en elle-même la solution? Pourquoi ne pas considérer le processus d'élaboration lui-même comme ce qui est essentiellement créatif, comme ce qui peut changer l'intuition initiale, comme ce qui peut ajouter des choses réellement nouvelles à notre façon de concevoir/percevoir?

hokousai a écrit :

PS :(Non seulement Deleuze est du siècle de Freud mais il est aussi très influencé par Nietzsche.)


être du siècle de Freud ne signifie tout de même pas être d'accord avec Freud ... (Deleuze ne l'était pas du tout, en l'occurrence)? Puis c'était bel et bien Nietzsche qui le jour où il a découvert les oeuvres de Spinoza s'est exclamé "ah, enfin je ne suis plus seul au monde!" ...
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Messagepar sescho » 06 janv. 2008, 18:56

J'ai deux remarques qui me viennent à l'esprit :

1) La phrase "le Corps existe tel que nous le sentons", générale et corrélativement tôt dans E2, me semble juste résulter du parallélisme (qui dit en général que idées (du moins : certaines idées) et corps se correspondent exactement en miroir), et plus particulièrement, en l'occurrence, du parallélisme entre Mental humain et Corps humain. Elle ne préjuge pas de l'ampleur de cette connaissance (inadéquate), ce qui nous sera expliqué par la suite.

2) Rejeter la localisation du Mental chez Spinoza est inacceptable sur ce seul point que les attributs sont des dimensions distinctes de l'existence, qui ne peuvent donc se rejoindre. Mais une fois que l'on a dit cela, le reste est plutôt très nuancé. Merci de me dire en quoi ce qui suit serait non-spinoziste, le cas échéant :

Le Corps est constitué de différentes parties, elles-mêmes très composées. En premier lieu, le Mental est l'idée des affections de ces parties. Il n'est nullement refusé par Spinoza que ces parties soient plus ou moins affectées, et qu'on sache (quoique de manière inadéquate ; plus ou moins donc) lesquelles sont affectées. Bien au contraire : on sait pour certaines (les capteurs) lesquelles sont affectées (l'œil, par exemple, pour les images.)

Dans ce cadre il n'y a pas une grande différence entre dire, par exemple, que le Mental réside en premier lieu pour beaucoup dans le cerveau (ce qui ne respecte pas le premier point ci-dessus) et dire que le Mental est en premier lieu l'idée d'affections du Corps qui sont principalement localisées dans le cerveau (ce qui respecte ce point, et est parfaitement admissible par Spinoza, à mon avis.)

En revanche, dire que les idées adéquates sont associées au cerveau me semble beaucoup moins acceptable, n'étant pas des idées des affections du Corps, mais des perceptions tirées de celles-ci.


Serge
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Messagepar Louisa » 06 janv. 2008, 19:17

Serge a écrit :2) Rejeter la localisation du Mental chez Spinoza est inacceptable sur ce seul point que les attributs sont des dimensions distinctes de l'existence, qui ne peuvent donc se rejoindre.


oui en effet. Mais donc cela signifie que jamais un mode d'un attribut X ne peut être caractérisé par les propriétés d'un attribut Y. La localisation est propre à l'Etendue. Elle ne peut donc pas caractériser une idée. Or l'esprit n'est rien d'autre qu'une idée. Idée composée, bien sûr, mais idée tout de même. Le corps, qui est l'objet de cette idée, est par définition toujours "localisée". Mais pourquoi cela impliquerait-il que du coup l'esprit aussi aurait un "lieu" ...? Inversement, si l'on accepte ce genre de "projections" des propriétés d'un attribut sur un autre, pourquoi ne pas dire que non seulement l'esprit possède la raison, mais aussi le corps? On pourrait croire alors que les affections du corps pourraient être adéquates ou inadéquates, et cela dès que les idées qui les ont comme objets le sont. Or jamais Spinoza ne parle d'une affection adéquate. Si tu as l'impression que c'est néanmoins concevable: ce serait quoi, une affection (= mouvement corporel) adéquate (ou inadéquate)?

Serge a écrit :Mais une fois que l'on a dit cela, le reste est plutôt très nuancé. Merci de me dire en quoi ce qui suit serait non-spinoziste, le cas échéant :

Le Corps est constitué de différentes parties, elles-mêmes très composées. En premier lieu, le Mental est l'idée des affections de ces parties. Il n'est nullement refusé par Spinoza que ces parties soient plus ou moins affectées, et qu'on sache (quoique de manière inadéquate ; plus ou moins donc) lesquelles sont affectées. Bien au contraire : on sait pour certaines (les capteurs) lesquelles sont affectées (l'œil, par exemple, pour les images.)

Dans ce cadre il n'y a pas une grande différence entre dire, par exemple, que le Mental réside en premier lieu pour beaucoup dans le cerveau (ce qui ne respecte pas le premier point ci-dessus) et dire que le Mental est en premier lieu l'idée d'affections du Corps qui sont principalement localisées dans le cerveau (ce qui respecte ce point, et est parfaitement admissible par Spinoza, à mon avis.)


à mon sens Damasio montre que le Mental est l'idée d'affections de TOUT le Corps, et si Spinoza refuse d'accepter une localisation de l'Esprit dans une partie du cerveau, pourquoi accepterait-il une localisation dans tout le cerveau? Pourquoi accepterait-il une localisation tout court, et non seulement une localisation de l'objet du Mental, c'est-à-dire du Corps?

Serge a écrit :En revanche, dire que les idées adéquates sont associées au cerveau me semble beaucoup moins acceptable, n'étant pas des idées des affections du Corps, mais des perceptions tirées de celles-ci.


pourtant, si tu situes le Mental dans le cerveau, et puisque le Mental est constitué par des idées adéquates aussi bien que des idées inadéquates, pourquoi diviser le Mental spatialement en deux parties, et localiser seulement les idées inadéquates dans le cerveau, tandis que les idées adéquates ne seraient pas spatialisées? Ces idées adéquates constituent l'essence même du Mental, et cette essence a toujours le Corps comme objet (ne fût-ce l'essence du Corps). Puis à mon sens diviser l'Esprit, donc une idée, un mode de l'attribut Pensée, en une partie qui a des propriétés de tout mode de l'Etendue et une partie qui ne les a pas ... je ne vois pas comment fonder cela dans le spinozisme, vu qu'une idée n'a par définition RIEN en commun avec un mode de l'Etendue. Jamais Spinoza ne dit que les idées inadéquates ont en commun avec les modes de l'Etendue d'être elles aussi spatialisées, par exemple, tandis que les idées adéquates ne le seraient pas.
Amitiés,
louisa

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Messagepar hokousai » 06 janv. 2008, 22:30

Chère Louisa

Votre commentaire sur le corps existe tel que nous le sentons est embrouillé.
Spinoza ne dit pas notre corps est tel que nous l’intelligerons par divers moyens d’observations autres que les affections du corps (celle que nous avons ) .

(Pour moi )l’image du corps est entièrement construite à partir des affects . Ce n’est donc pas une science du corps objectif que nous avons mais un savoir plus ou moins confus des affects .Le corps est un être de raison ( ce que ne sont pas les affects) .
"""Les idées que nous avons des corps extérieurs indiquent plus l’état de notre corps que la nature des corps extérieurs .(pro16/2)""
…………………………………..

Je ne pense que les questions ( ou problèmes formalisés) soient postérieures à l’intuition de solutions .

A quoi pose- t-on des question ?On pose des questions à un état de chose confus .Il faut bien être interpelé par un objet étrange pour pouvoir poser une question .
Vous ne posez pas une question sur rien ,vous la posez toujours au sujet de quelque chose et ce quelque chose est le germe de la solution ( la solution en germe). La solution sera la mise en ordre claire de l’état des choses.

………………………………….

Oui bon ! Nietzsche connaissait moins bien Spinoza que vous et moi .

hokousai

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Messagepar sescho » 07 janv. 2008, 00:12

A Louisa,

Je ne sais pas si tu m'as bien lu... Je dis que bien que les idées ne puissent être localisées, puisqu'un lieu relève de l'étendue (nous sommes donc d'accord depuis longtemps sur ce point), elles sont, pour certaines, des idées d'affections du Corps qui ELLES (ces affections du Corps) SONT localisées. Et il peut dans ce cas apparaître qu'une localisation privilégiée d'affections du Corps est le cerveau (mais nous sommes d'accord que ce peut être aussi, ou en même temps, le bout d'un orteil.) Ceci ne fait donc pas grande différence tant que le premier point n'est pas fondamental dans le raisonnement. Ce qui reste c'est qu'on n'a jamais déduit ab initio une idée en tant qu'idée de phénomènes neurophysiques.

Selon ce que j'ai compris de Spinoza, d'une part les parties du Corps ne constituent le Corps qu'en tant qu'elles sont dans un certain rapport de mouvement et de repos, ET NON en tant qu'on peut les considérer comme des individus sans rapport au Corps humain, d'autre part que les seules idées primaires ("en premier lieu" dit bien Spinoza) possibles sont celles des affections du Corps. L'idée du Corps "dans son entier" me semble donc assez discutable.

Non, je ne pense pas que selon Spinoza les idées adéquates soient des idées du Corps ; elles sont des idées de l'essence de Dieu, et sont "contenues" dans les idées d'affection du Corps. Comment pourrait-il en être autrement pour quelque chose qui est à la fois dans la partie et dans le tout, et ne constitue l'essence d'aucune chose singulière (mais un corps relève bien de l'étendue qui est de la nature de Dieu) ?


Serge

P.S. Dire qu'une idée n'a "rien à voir" avec un mode de l'étendue est parfaitement contraire au "parallélisme" (on ne peut pas dire une chose avec la distinction absolue des attributs ("rien à voir") et son contraire avec le parallélisme ("la même chose".) Ce n'est pas au niveau du mode que cela se situe mais au niveau de l'attribut : la Pensée n'a rien à voir avec l'Etendue, mais une idée de corps a tout à voir avec ce corps (hors la dimension de l'existence, donc l'attribut.)
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Messagepar Louisa » 07 janv. 2008, 00:38

Serge a écrit :Je ne sais pas si tu m'as bien lu... Je dis que bien que les idées ne puissent être localisées, puisqu'un lieu relève de l'étendue (nous sommes donc d'accord depuis longtemps sur ce point), elles sont, pour certaines, des idées d'affections du Corps qui ELLES (ces affections du Corps) SONT localisées.


ok, sur ce point je t'avais en effet mal compris.

Serge a écrit :Et il peut dans ce cas apparaître qu'une localisation privilégiée d'affections du Corps est le cerveau (mais nous sommes d'accord que ce peut être aussi, ou en même temps, le bout d'un orteil.)


je ne sais pas si cela a du sens, dans le spinozisme, de parler d'une localisation "privilégiée" des affections du Corps ... (mais je peux me tromper bien sûr). Car ce qui est avant tout affecté, ce sont les sens, c'est-à-dire les bouts des nerfs, et ceux-ci se trouvent effectivement répartis sur TOUT le corps (la peau, les 5 sens, toutes les innervations des organes, des muscles etc. Ce qui est avant tout affecté, quand il y a affection du corps, c'est tout ce qui peut recevoir un signal venant de l'extérieur: les éléments sensoriels de la paroi de l'estomac sont affectés par le degré d'acidité du suc gastrique, le tendon est affecté par la tension du muscle auquel il est connecté et ainsi de suite. APRES, donc dans un deuxième temps, ces affections sont transmises par les nerfs (mais aussi par des hormones) au système nerveux central, pour pouvoir interagir les unes avec les autres, et pour être connecté à la mémoire, aux capacités de la raison etc.

C'est pourquoi à mon sens les affections "primaires" se situent bel et bien dans tout le corps, le système nerveux n'ayant qu'une fonction de relai, de connection, de complexification des signaux. Et pour Spinoza de toute affection du corps il y a immédiatement une idée. Les idées du premier genre de connaissance doivent donc avoir un objet qui se situe partout dans le corps, non? S'il fallait "privilégier" un lieu, il faudrait prendre l'ensemble de toutes les parties sensibles du corps, toutes les parties qui peuvent subir un changement.

Serge a écrit :Selon ce que j'ai compris de Spinoza, d'une part les parties du Corps ne constituent le Corps qu'en tant qu'elles sont dans un certain rapport de mouvement et de repos, ET NON en tant qu'on peut les considérer comme des individus sans rapport au Corps humain, d'autre part que les seules idées primaires ("en premier lieu" dit bien Spinoza) possibles sont celles des affections du Corps. L'idée du Corps "dans son entier" me semble donc assez discutable.


en effet, il faudrait donc préciser: si l'esprit est l'idée du Corps "dans son entier", il faut entendre par là que d'une part l'essence de l'esprit est l'idée de l'essence du corps (et pas d'une partie du corps), tandis que d'autre part l'ensemble des idées ayant des affections du corps comme objet ne peuvent avoir un lieu privilégié qui regroupe leurs objets, hormis l'ensemble de toutes les parties sensibles du corps (mais y a-t-il des endroits non sensibles du corps ... ?).

Serge a écrit :Non je ne pense pas que selon Spinoza les idées adéquates soient des idées du Corps ; elles sont des idées de l'essence de Dieu, et sont "contenues" dans les idées d'affection du Corps. Comment pourrait-il en être autrement pour quelque chose qui est à la fois dans la partie et dans le tout ?


si tu veux dire que les objets des idées adéquates sont des idées, et non pas des affections du corps: d'accord, je le crois aussi.
louisa

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Messagepar Louisa » 07 janv. 2008, 00:46

Serge a écrit :P.S. Dire qu'une idée n'a "rien à voir" avec un mode de l'étendue est parfaitement contraire au "parallélisme" (on ne peut pas dire une chose avec la distinction absolue des attributs ("rien à voir") et son contraire avec le parallélisme ("la même chose".) Ce n'est pas au niveau du mode que cela se situe mais au niveau de l'attribut : la Pensée n'a rien à voir avec l'Etendue, mais une idée de corps a tout à voir avec ce corps (hors la dimension de l'existence, donc l'attribut.)


par "rien à voir" je voulais seulement dire "rien avoir en commun". Sinon corps et esprit sont effectivement deux expressions d'une seule et même chose. En cela, ils ont bel et bien "quelque chose" à voir l'un avec l'autre. Mais pourquoi serait-ce différent quand il s'agit des attributs? Les deux attributs (Pensée et Etendue) sont tout de même également deux expressions différentes d'une seule et même chose (Dieu)?

Le parallélisme se retrouve donc à mon sens à tous les niveaux. Si un attribut ne peut rien causer dans un autre attribut, c'est pour exactement la même raison pour laquelle l'esprit ne peut rien causer dans le corps et inversement: à chaque fois, il s'agit d'une seule et même chose, exprimée selon deux aspects différents.
louisa

PS: dans mon message précédent je réponds à la première version de ton message, comme tu l'auras compris ...

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Messagepar Louisa » 07 janv. 2008, 01:02

Hokousai a écrit :Votre commentaire sur le corps existe tel que nous le sentons est embrouillé.
Spinoza ne dit pas notre corps est tel que nous l’intelligerons par divers moyens d’observations autres que les affections du corps (celle que nous avons ) .

(Pour moi )l’image du corps est entièrement construite à partir des affects . Ce n’est donc pas une science du corps objectif que nous avons mais un savoir plus ou moins confus des affects .Le corps est un être de raison ( ce que ne sont pas les affects) .


le corps est un être de raison? Vous êtes certain de cela? Si oui, pensez-vous à l'une ou l'autre référence dans le texte?

Puis en effet, on pourrait interpréter ce "le corps existe tel que nous le sentons" comme vous-même et Serge (si je l'ai bien compris) le suggérez: le corps existe pour l'esprit en tant qu'il a les idées des affections, idées toujours inadéquates. Mais cela suffit-il pour dire que pour Spinoza aussi, avoir honte reviendrait à avoir un corps "moins affecté" qu'avoir mal aux dents? Je ne vois pas très bien pourquoi ce serait le cas. Si justement ces impressions sont des idées inadéquates, il se peut très bien que Spinoza l'a ressenti plutôt comme moi: pas de différence remarquable.

Hokousai a écrit :Je ne pense que les questions ( ou problèmes formalisés) soient postérieures à l’intuition de solutions .

A quoi pose- t-on des question ?On pose des questions à un état de chose confus .Il faut bien être interpelé par un objet étrange pour pouvoir poser une question .
Vous ne posez pas une question sur rien ,vous la posez toujours au sujet de quelque chose et ce quelque chose est le germe de la solution ( la solution en germe). La solution sera la mise en ordre claire de l’état des choses.


certes, dans beaucoup de cas les choses se passent ainsi. Mais Deleuze prétend que dans le cas où l'on s'occupe d'une création (scientifique, artistique, philosophique), ce n'est pas le cas. Tout commence par une plongée dans le "chaos", le non ordonné, la vie quotidienne non philosophique par exemple. Pour Spinoza: une plongée dans le chaos produit par les guerres de religions. Et alors déterminer QUELLE est la question pertinente qui va nous permettre de créer un autre plan de pensée, capable de nous faire sortir du plan de pensée actuel et qui co-cause toute la misère concrète, c'est déjà tout un travail. Travail de "trial and error", souvent: on essaie de poser telle question (qu'est-ce que l'action d'un attribut sur un autre?), on constate que par cette voie-là, on n'arrive pas à grand chose, on essaie avec une autre (qu'est-ce que la substance? Comment la ré-inventer d'une telle façon qu'une guerre de religions perd tout sens?). Le but (trouver une solution qui en finit avec les guerres de religion) peut donc était présent dès le début, mais ce qui va devenir la question, et quelle va être la solution, pour Deleuze cela nécessite un travail, qui ajoute quelque chose d'essentiel à ce qui existait déjà, au niveau conceptuel. Il ne s'agit plus de simplement développer quelque chose de déjà confusément présent.

Le problème est aussi que quand on veut partir d'une question et une solution déjà pressenti, on risque de ne pas vraiment dépasser le "sens commun", mais simplement de le "clarifier" un peu. Cet exercice est-ce déjà de la philosophie? Peut-être est-ce une étape préalable, préparatoire, mais je ne crois pas que pour Deleuze l'on peut résumer la philosophie à cela, puisque justement, tout création y manque encore. On risque de simplement être plus clair qu'un Petit Robert, mais de ne rien ajouter à la connaissance humaine, de ne pas avoir effectué un changement de point de vue, de ne pas avoir proposé une toute nouvelle façon de penser.
Bonne nuit,
louisa


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