Serge a écrit :Je pense que selon Spinoza l'Etendue en tant qu'attribut (cette dimension de l'existence) est perçue de façon adéquate, ainsi que la "modalité" dans l'étendue (les corps sont perçus en acte.) L'adéquation s'arrête là (c'est à dire à ce qui est commun entre les corps, le mien et les autres.)
tu te baserais sur quelles propositions pour conclure qu'une idée adéquate d'une essence singulière est impossible? D'abord: tu as l'impression qu'il n'y a pas d'essences singulières chez Spinoza, ou tu as plutôt l'impression qu'il y en a mais que nous ne pouvons pas les connaître? Si tu as l'impression qu'il n'y en a pas: comment comprendre alors les propositions 3.6 et 3.7?
3.6 dit que les choses singulières sont des modes, c'est-à-dire des choses qui expriment de manière précise et déterminée la puissance de Dieu. Chaque mode s'efforce de persévérer dans SON être (l'être du mode, donc, pas l'être de la substance). 3.7 dit que cet effort n'et rien d'autre que l'essence actuelle de cette chose. Si chaque chose ou mode exprime Dieu de manière précise et déterminée, ne faut-il pas en conclure que chaque chose (étant un degré de puissance) doit avoir une essence singulière, une essence à elle, qui n'appartient à aucune autre chose?
5.22 va à mes yeux dans le même sens: "
En Dieu pourtant il y a nécessairement une idée qui exprime sous l'aspect de l'éternité l'essence de tel ou tel Corps humain". Ici aussi, il s'agit d'une essence précise: celle de tel ou tel corps.
Enfin, en ce qui concerne la connaissance des essences: si le troisième genre de connaissance consiste par définition à partir de l'idée adéquate de certains attributs de Dieu pour avoir une idée adéquate de l'essence des choses (2.40 sc II), qu'est-ce que ce troisième genre de connaissance pourrait encore ajouter au deuxième, si ce n'est que la connaissance des essences singulières? Autrement dit: si l'esprit a des idées du 2e genre de connaissances, qui sont des idées de ce que les choses ont en commun, idées qui naissent par l'intermédiaire de la raison, on en conclut habituellement (pour autant que j'ai compris) qu'il s'agit ici d'une connaissance rationnelle des lois de la nature. Alors que peut le 3e genre de connaissance y ajouter, sinon une connaissance de ce que les choses n'ont pas du tout en commun avec les autres choses, c'est-à-dire leur essence singulière?
Serge a écrit :Pour répondre en même temps à un point de Hokousai, tout le reste est perçu inadéquatement (ce qui ne veut pas dire totalement faussement, seule la privation de connaissance étant entendu par-là) et donc en particulier le Corps humain (ce qui n'empêche pas qu'une notion commune - un axiome évident pour tout le monde - est que nous sentons un corps particulier - "le notre" - comme affecté de diverses façons, quoique inadéquatement.)
tu dirais alors que nous n'avons que des idées inadéquates des essences singulières, si celles-ci existent? Si oui: cela me semble être un peu étrange. L'idée inadéquate enveloppe bel et bien la nature du corps extérieur, mais est-ce que pour autant elle est une idée inadéquate de l'essence de ce corps?
Louisa:
à mon sens Deleuze est plutôt a-moderne que moderne, et cela ...
Serge:
Ce qui me dérange dans tout cela, c'est "l'invention de problème", etc. Créer des problèmes, c'est un défaut... Mais bon c'est sans doute bien plus subtil que cela...
c'est une question de point de vue je crois, je veux dire: tout dépend de ce que l'on comprend par "problème". Si l'on adore l'une ou l'autre discipline scientifique et on a vraiment envie d'une activité créative en ce domaine (en tant qu'enfant ou en tant qu'expert, peu importe), on adore souvent aussi inventer de nouveaux problèmes dans ces disciplines, puis essayer de les résoudre. Un problème, dans ce sens précis, n'est PAS ce qui est principalement cause de misère, c'est une grande cause de joie, un défi intellectuel, promesse de PLAISIR et de nouvelles possibilités de comprendre.
Tandis que chez Wittgenstein en effet, un "problème" est ramené au sens courant du terme: quelque chose qui nous embête, qui nous empêche de vivre comme on voudrait le faire, et qu'il suffit d'éliminer pour pouvoir vivre en paix. Alors pour pouvoir l'éliminer, il faut bien se donner la PEINE d'aller chercher une solution, qui est plutôt une annihilation du problème.
Pour concevoir toute l'histoire des inventions et découvertes humaines comme une lente élimination de problèmes, pour concevoir les problèmes intellectuels comme des "obstacles" à notre bien-être, il faut supposer qu'au début, il y avait un genre de paradis: absence de problème égal bonheur total pour l'homme.
L'idée de Deleuze (et de beaucoup d'autres, voir par exemple l'introduction de Delbos à son
Le problème moral dans la philosophie de Spinoza, écrit fin du XIXe), c'est que cette présupposition est peu crédible. Du point de vue du spinozisme même, elle me semble inacceptable, car le monde n'est pas fait "pour" l'homme. Il n'y a donc aucun état originel de béatitude. L'homme est un mode parmi les autres, mû par le désir d'augmenter sa puissance. Cela veut dire qu'au début de sa vie, sa puissance n'est pas encore très grande. Essaie d'éliminer tout problème de la vie d'un bébé, et il restera encore longtemps peu puissant. En revanche, si l'on lui soumet régulièrement des problèmes intellectuels à résoudre, il va non seulement comprendre davantage et donc simultanément augmenter son désir de comprendre. Il va aussi augmenter son goût pour les problèmes intellectuels, car il sait d'expérience qu'en avoir compris un augmente la puissance (puissance de penser et puissance d'agir).
Si donc les problèmes concrets, dans la vie quotidienne, surgissent sans que nous fassons quoi que ce soit, et nous embêtent voire peuvent être fort dangereux, les problèmes intellectuels sont passionnants, mais n'existent jamais sans que notre intellect les a créés. Résoudre un problème de la vie quotidien nous soulage, nous donne de nouveau les moyens de continuer notre vie tel que nous voulons la vivre (destruction d'un obstacle). Mais résoudre un problème intellectuel ne donne plus qu'un seul désir: en trouver un autre (création d'une nouvelle possibilité de comprendre et d'agir)!
Serge a écrit :Pour moi, il y a des lois de la Nature éternelles, et nous avons à la fois des possibilités et des limites de compréhension de ces lois. La question qui se pose (le seul "problème"), et ce depuis qu'existe la Philosophie, c'est de savoir ce que nous pouvons connaître exactement de ces lois éternelles (tout particulièrement la phycho-logie et par dessus tout "la vie bonne." On peut aborder la question de façon plus ou moins pertinente (et là il y a de la création), mais la question préexiste. C'est tout Spinoza, quoi...
savoir ce que nous pouvons connaître exactement de ces lois éternelles ... donc savoir les limites de notre connaissance ... c'est plutôt kantien cela, non?
Je ne vois pas cette préoccupation de ne pas dépasser nos limites chez Spinoza. Ce qui pré-existe, c'est en effet le désir de bien vivre. Et de toujours mieux vivre. Mais là aussi, j'ai l'impression que cela signifie que la béatitude n'est surtout pas une élimination de problèmes qui nous tombent dessus, la béatitude est non pas un état mais, comme tout affect, un passage d'une perfection moindre à une perfection plus grande. Elle naît chaque fois que nous comprenons une chose singulière selon le troisième genre de connaisance. Or ... il y a une quantité infinie de choses singulières. Ainsi la seule "limite" à notre connaissance, c'est le moment de notre mort, où nous ne pouvons plus être affecté par les choses et donc ne plus rien connaître de plus.
Enfin, je cite tout de même Delbos, car la façon dont il explique le rapport de Spinoza à la création des problèmes est assez claire:
Victor Delbos a écrit :Nous sommes généralement fort empressés à exiger des diverses doctrines la solution de problèmes qu'elles n'ont pas posés et que nous leur imposons: c'est vite fait d'en accommoder les idées à nos désirs et les conséquences à nos préjugés, favorables ou défavorables. (...) Il y a là une tendance de l'esprit qui, pour être très forte, n'en paraît pas plus légitime; c'est une précaution nécessaire que de s'en défier.
(...)
Le système [spinoziste, louisa], dans son développement, n'est que le problème en voie de s'expliquer, tendant de lui-même à sa solution. Méconnaître cette identité essentielle du problème et du système, ce serait aborder l'étude du spinozisme par un contre-sens. (...) C'est le propre des pensées fécondes d'engendrer avant tout leur propre formule, et cette formule qu'elles se donnent a un caractère singulier, incomparable, le caractère de ce qui se dit une première fois, souvent même une seule fois.
Pour Delbos, le problème de Spinoza est "le problème moral", le problème de la béatitude humaine. Delbos: "la connaissance du vrai l'intéresse beaucoup moins par ses procédes et ses résultats théoriques que par ses conséquences pratiques". Bien sûr, quand Platon subordonne le vrai au bien, il faut déjà la même chose. Mais Spinoza vit dans une toute autre époque, et vient d'être témoin et de la naissance de la science expérimentale et d'une guerre interminable et sanglante, rendant les gens fous. Situation qui invite à la ré-invention du problème moral, cette fois-ci en tenant compte des conditions précises dans lesquelles la vie quotidienne (politique, scientifique, ...) du XVIIe plonge les hommes.
Louisa a écrit:
que veux-tu dire par "exposé en miroir"?
Serge:
Rien de bien précis. Pour moi il y a l'exposé philosophique objectif, usant d'un langage clair et de phrases bien construites (une sémantique clairement exposée), avec des exemples, etc. - didactique quoi - et à l'opposé le langage abscons, bourré de néologismes, de croisement de sens, etc. et qui a pour sujet favori lui-même (ce que je perçois au global comme traduisant le narcissisme de l'auteur.)
que fais-tu alors de philosophes comme Nietzsche, qui s'expriment par aforismes?
Serge a écrit :Je ne sais ce que l'on recouvre sous le terme de "philosophie analytique" ; si c'est ce qu'on fait tous les philosophes jusqu'au XIXème et une partie ensuite jusqu'à aujourd'hui, cela me semble tout simplement indispensable.
la philosophie analytique ne résume guère tout ce qu'ont fait les philosophes jusqu'au XIXe et en partie jusqu'à aujourd'hui. Cela, c'est plutôt ce qu'on appelle l'adversaire de la philosophie analytique, baptisé "philosophie continentale". La philosophie analytique naît avec le Cercle de Vienne, donc début du XXe (pas avant). Ce sont donc des philosophes germanophones qui l'ont inventée. Pour eux, toute l'histoire de la philosophie (jusqu'avant eux-mêmes, bien sûr) est principalement de la "métaphysique". Ils proposent de rejetter la métaphysique, car selon eux, elle n'est pas "scientifique". Rudolf Carnap, un des fondateurs de ce courant, l'écrit ainsi (1928,
La construction logique du monde): "Dès lors que l'on a pris au sérieux en philosophie l'exigence de rigueur scientifique, on en est venu nécessairement à bannir toute la métaphysique, puisqu'on ne peut justifier ses thèses de manière ratinnelle". Il fait donc un appel "en faveur de la clarté et pour une science débarrassée de métaphysique".
Ensuite, ce sont des philosophes anglo-américains comme Russell et surtout Quine qui ont poursuivi les intentions de ce courant, "le continent" étant longtemps peu sensible à ses propositions et continuant donc à faire de la philosophie "comme avant" (phénoménologie, existentialisme sartrienne, structuralisme, ...). Ces derniers dix ans, une grande "révolution" est en train de se faire dans le courant analytique, au sens où ils sont en train de re-découvrir et donc de re-valoriser entièrement l'histoire de la philosophie (la "métaphysique"). Mais entre-temps, beaucoup d'universités anglophones (et entre-temps aussi des unifs de culture anglophone, comme celles des pays scandinaves, pays néerlandophones, pays de l'est, ...) appliquent la "méthode" analytique, c'est-à-dire n'étudient quasiment pas l'histoire de la philosophie (et encore moins l'histoire de la philosophie continentale du XXe), se concentrent sur la logique (pas la logique "philosophique", telle que le faisait encore Frege etc, mais la logique "mathématique") et sur la "chasse aux imprécisions" dans les langages naturels.
C'est pourquoi il me semble que ce que tu dis ci-dessus n'est pas si simple que ça. Car c'est précisément en revendiquant une clarté linguistique absolue que les analytiques se sont permis de redéfinir TOUTE l'histoire de la philosophie comme n'étant finalement que de la "poésie". Des auteurs comme Bouveresse, Pascal Engel, Kevin Mulligan etc y ajoutent également ce que tu écris toi-même: ceux qui écrivent dans un langage pas très "précis" ne veulent parler que d'eux-mêmes. Bref, il y a en même temps un reproche de "malhonnêteté" absolue, les philosophes continentaux (surtout du XXe; avant ils "ne savaient pas mieux") étant aux yeux de ces auteurs obsédés par la "Gloire" personnelle et par rien d'autre.
C'est donc bel et bien l'exigence de clarté en philosophie qui, dans le courant analytique, a permis d'écarter sans remords toute l'histoire de la philosophie ET tout ce qui se fait aujourd'hui en philosophie et qui n'est pas analytique. Pour eux (les analytiques) cette clarté et précision n'est pas une question "didactique", c'est une nécessité absolue. Sans elle, on ne fait pas de la philosophie, on fait de la poésie. Pourquoi? Parce que sans cette clarté du discours, la philosophie scientifique ne peut pas être ce que toute science à leurs yeux est: le miroir de la nature, un discours qui reflète fidèlement la nature.
Louisa:
oui d'accord, mais alors tu prends le mot "science" dans le sens courant au XVIIe.
Serge:
Nullement. Je prends la Science en général, savoir la connaissance des Lois de la Nature, et je n'ignore pas qu'il y a eu séparation progressive de la Philosophie et de la Mathématique, de la Science Physique, de la science médicale, puis de la Psychologie, etc. (et je suis de formation scientifique.) Je tiens la Psychologie - sans doute ce qui s'est séparé en dernier, de la Philosophie (morale), Freud étant par exemple enseigné en Philosophie - pour une Science ("molle" ou "dure" c'est une distinction qui ne m'intéresse pas ; "dure" vient surtout de la Mathématique, et celle-ci n'est pas une science, c'est une propriété de l'esprit humain bâtie sur quelques notions communes.)
ok, mais à mes yeux beaucoup de ce qui s'appelle aujourd'hui "science molle" n'est ni scientifique, ni philosophique. On y essaie souvent de donner un aspect de vérité à ses propres opinions en interprétant quelques données purement statistiques dans le sens qui leur convient, et c'est tout. La science par preuve expérimentale, Spinoza la connaissait, et à un endroit (je devrais le chercher) il dit même littéralement qu'en ce qui concerne notre connaissance de la Nature, c'est d'elle que nous dépendons. Ce qui implique inévitablement que ce qu'il fait lui-même, il en a conscience que c'est autre chose. Il l'appelle lui-même "ma Philosophie", la philosophie étant une "sorte de" science, au XVIIe. L'idée de faire une "philosophie scientifique" me semble être un anachronisme, au XVIIe. Tout philosophe se voyait comme scientifique, comme "travailleur de la connaissance". Cela n'empêche que la philosophie traitait d'autres types de connaissances et surtout n'utilisait jamais la méthode expérimentale telle qu'elle a été mise au point par Galilée.
Louisa:
Là où un scientifique va créer un disposif expérimental physique capable de convaincre ses collègues de la validité de sa thèse (dispositif dont il avait d'ailleurs avant tout besoin pour se convaincre soi-même), Spinoza ne peut convaincre que par la raison.
Serge:
Einstein a bâti ses productions les plus remarquables sur des "expériences de pensée", la validation par l'expérience n'étant venue que bien après (voire est toujours attendue, comme aussi en Quantique.)
oui, il faut bien sûr d'abord INVENTER de nouveaux problèmes scientifiques et de nouvelles solutions possibles, avant de pouvoir inventer le dispositif expérimental capable de trancher et de désigner la seule vraie solution. Mais justement, la différence entre Einstein et ses adversaires n'était pas qu'Einstein faisait des expériences de pensée et les autres pas. La différence, c'est qu'Einstein a réussi à créer le dispositif capable d'imposer SON problème et SA solution à lui. Aussi longtemps que les scientifiques en sont aux expériences de pensée, aucune théorie scientifique n'est vraiment prouvée, donc vraie. La vérité scientifique ne naît qu'avec la preuve, pas avant.
Un philosophe, en revanche, ne va même pas songer à inventer ce genre de dispositif. Il s'en tient à la raison. Puis il faut déjà croire en cette histoire d'un "discours miroir du réel" pour vouloir créer une philosophie qui tient sa vérité du fait d'être un discours "représentatif". Rien n'indique que c'est le cas chez Spinoza.
Louisa:
Spinoza a donc certes voulu étudier les lois qui régissent l'esprit et les affections du corps. Mais cela n'en fait pas encore un scientifique au sens actuel du terme (ou plutôt au sens deleuzien). Car il a seulement proposé des lois et démontré ces lois de façon rationnelles, et non pas de façon expérimentales.
Serge:
Allons, allons, il est clair pour moi, comme je l'ai déjà dit, que Spinoza a fait au contraire appel à son ressenti profond en permanence, pour guider sa démarche.
oui bien sûr. Mais ce n'est pas parce que, pour formuler ses idées, on fait appel à son ressenti profond, qu'on a déjà une preuve scientifique, vérifiable par tous sans aucun problème ni ambiguïté, de ces idées ... .Même trois siècles plus tard, beaucoup de ce qu'il a écrit reste obscur ... ce n'est pas du tout le cas d'un article scientifique écrit par quelqu'un qui sait qu'il vient d'inventer le dispositif capable de convaincre tous les collègues ... . Il sait qu'il suffit qu'on lit son article pour le comprendre sans reste, pour effectuer soi-même l'expérience, et pour être convaincu de sa vérité. Il en va tout autrement chez un philosophe, idem en ce qui concerne Spinoza.
On n'obtient pas une preuve scientifique en se basant sur son vécu subjectif, on ne l'obtient qu'au moment où l'on a trouvé un moyen pour rendre sa théorie vérifiable objectivement, c'est-à-dire au moment où l'on a trouvé une façon de tester cette théorie qui peut facilement être effectué par tout collègue compétent et qui donne systématiquement, sans aucun équivoque, le même résultat que celui que prévoit la théorie.
Serge a écrit :Et c'est bien pour cela qu'une anomalie de logique est bien loin de mettre en péril l'ensemble. Et que fais-tu de la connaissance du troisième genre ? Il en aurait parlé sans l'avoir vécue ?
non, je suis assez certaine qu'il doit l'avoir vécue, sinon comment la décrire et démontrer
more geometrico?
Mais as-tu déjà vécu ce troisième genre de connaissance toi-même? C'est pourtant ce qui devrait pouvoir se faire assez aisément, s'il s'agissait d'une théorie scientifique, au sens actuel du terme... .
Toute philosophie contient un tas de choses non démontrables expérimentalement, et donc la compréhension reste toujours partielle, même chez les meilleurs commentateurs. Seulement, en philosophie cela n'est pas un manque fatal, capable de rendre impertinente la théorie, car une philosophie a pour tâche non pas de refléter la réalité pré-existante, mais de créer une nouvelle réalité humaine en nous proposant une autre façon de la percevoir, de la penser.
Louisa:
... en science: dès que quelqu'un a découvert une loi physique, s'il a réussi à la démontrer, ses collègues n'ont plus le choix: désormais, c'est bel et bien uniquement ainsi que l'on peut penser la Nature.
Non, non. Cela c'est la Mathématique, qui ne pense pas la Nature, mais elle-même ; c'est-à-dire une propriété de l'esprit humain.
que fais-tu alors du dispositif inventé par Galilée? N'importe qui pouvait le construire, et dès qu'on avait compris la formule scientifique inventée par Galilée et qui décrivait la chute des billes tout au long de ce plan incliné, on pouvait la vérifier immédiatement soi-même. Systématiquement et sans exception, chacun qui fait l'expérience obtient le résultat prédit par la formule de Galilée. A partir de ce moment-là, impossible de douter de la vérité de la théorie galiléenne (et cela jusqu'au moment où quelqu'un prouve qu'il sait mieux décrire le même phénomène ... mais il devra le prouver de la même façon, sinon personne ne sera convaincu!).
Et il y a des milliers d'exemples dans ce sens en science physique (mais aussi ailleurs, chimie, ...). C'est cela ce que je voulais dire par "seule explication possible". Tandis que Spinoza nous dit seulement qu'il ne prétend PAS avoir inventé la seule philosophie possible, il dit uniquement qu'il sait que ce qu'il a inventé, c'est de la vraie philosophie. C'est dire qu'il s'y agit d'une tout autre conception de la vérité que celle qu'on présuppose en science, non?
Louisat:
... Spinoza a créé non seulement un nouveau concept d'éternité, mais également un tout nouveau concept de Dieu.
Serge:
Mouais. La Nature universelle ce n'est pas si neuf que cela... Il a remis "Dieu" à sa vraie place.
qui pourrait nous dire quelle est la "vraie" place de Dieu ... comment le savoir?
Puis il me semble que le Dieu de Spinoza est une créature BEAUCOUP plus singulière et précise que ce qu'on peut comprendre par l'expression "Nature universelle" (si l'on peut comprendre quelque chose par là ...).
Serge a écrit :Personnellement, je le vois plutôt comme une sortie progressive de "l'âge sombre" à partir de la "Renaissance" (précisément.) Sans doute la découverte d'Aristote n'y a pas été pour rien ; la Réforme non plus... Galilée et la Science itou. La contestation du dogme chrétien commençait à transpirer de partout. Mais Spinoza, c'est la bombe... Je ne pense pas qu'il ait eu pour objectif de réformer quoi que ce soit en Politique. Il a surtout pris d'énormes risques personnels pour la Vérité...
oui ok, mais alors tu identifies une philosophie à La Vérité. C'est tout à fait ton droit, bien sûr. Personnellement, je crois que l'intérêt/l'efficacité d'une philosophie se trouve ailleurs, et cela pour les raisons que je viens d'expliquer: les travailleurs de la preuve du vrai, pour moi ce sont les scientifiques. Seuls eux disposent de moyens fiables pour démontrer la vérité d'une thèse. Les philosophes, qui ne font que lire et écrire (et vivre) peuvent inventer des théories extrêmement intéressantes, ayant une grande utilité pratique dès qu'on essaie de les appliquer à la vie réelle, mais je ne vois vraiment pas comment ils pourraient atteindre La Vérité, au sens scientifique actuel.
Amitiés,
louisa