Hokousai a écrit :Mais je persiste à penser qu’il n’ y a pas dans la nature de conscience qui sache à ma place et de la même manière que moi ce que je sais de mon corps(et de mon esprit ) et en ce sens Dieu n’est pas omniscient ( pas plus que ne le sont in fine les sciences cognitives ).
Je suis pour dire que les idée inadéquates existent ou bien alors je n’existe pas quand j’ai des idées inadéquates (confusion , incertitudes , doutes ou erreurs )
cher Hokousai,
on peut bien sûr en faire une question de pour et de contre, mais alors on quitte le débat que l'on avait entamé, et qui portait sur la question "comment davantage comprendre ce que les livres de Spinoza développent comme sens proprement spinoziste des notions d'idée adéquate, conscience, omniscience, et ainsi de suite?". Intérêt de cet exercice: découvrir éventuellement une NOUVELLE façon de concevoir l'inadéquation.
J'avoue qu'en ce qui me concerne, je ne vois pas comment créer un autre rapport pertinent avec la pensée d'un grand philosophe. On peut demander à n'importe qui dans la rue aujourd'hui si la personne en question "croit" qu'il y a dans la nature une autre conscience qu'elle-même qui néanmoins sait à sa place tout ce qu'elle sait elle-même. Je suis assez convaincue que la très grande majorité nous répondra que non, on ne croit pas que cela existe. C'est très bien, bien sûr, seulement cela ne nous apprend quelque chose QUE sur la foi des gens. Je ne vois pas ce que cela pourrait avoir à voir avec philosopher ou la philosophie.
Fichte, dans son Sonnenklarer Bericht le dit beaucoup mieux que moi:
"Peut-être l'homme droit et sans préjugés (...) comprendra-t-il que la philosophie n'a point pour objet de son discours et de sa pensée ce dont il [= l'homme droit, louisa] parle et à quoi il pense, et qu'elle ne le contredit jamais parce qu'ils ne parlent jamais de la même chose; que tous les mots qu'ils ont en commun prennent un sens tout autre, et à lui parfaitement compréhensible, sitôt qu'ils sont entrés dans le cercle magique de cette Science."
A mon sens Spinoza serait entièrement d'accord avec cela. Les mots que les philosophes utilisent (ici "adéquation", par exemple) TRES souvent réfèrent à toute autre chose que leur sens ordinaire. La question primordiale, quand on lit un philosophe, est donc de savoir QUEL est ce nouveau sens qu'il leur donne. Il est impossible de juger sa philosophie aussi longtemps que ce sens n'a pas encore été clarifié, par le lecteur. Or à mon avis nous en sommes exactement là: QU'EST-CE QUE SPINOZA a voulu exprimer quand il dit que Dieu n'a pas d'idées inadéquates tout en étant omniscient? Si l'on ne s'attarde que rapidement sur cette question pour immédiatement passer à ce que l'on CROIT soi-même, en tant que lecteur, on risque non seulement de passer de la pensée à la croyance, mais surtout aussi de parler de toute autre chose que ce dont parle Spinoza quand il utilise le mot inadéquation.
Hokousai a écrit :Il. y a un fond de pensée chez Spinoza (un socle ) et qui est la nécessité . Nécessairement un évènement plutôt qu’ un autre , un ordre des choses plutôt qu’un autre il n’ y a p as d’ aléatoire ou d’incertitude ou de suspens . Dieu ne suspend pas son activité dans l’incertitude d’une décision .
Ce qui est tout à fait le cas de l’esprit humain
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l'esprit humain est "du Dieu". Ses incertitudes sont donc tout à fait EN Dieu. Ce que Spinoza nous invite à penser, c'est que ce que l'on nomme ordinairement "incertitude" peut être conçu différemment: on peut construire une NOUVELLE conception du monde et de l'homme en identifiant l'expérience d'incertitude non plus à un état d'indétermination ontologique du monde, mais à un état de connaissance limitée, état où quelques idées manquent pour pouvoir passer à l'état de certitude. Ce manque est caractéristique pour tout ce qui n'est pas la totalité du monde, mais seulement une partie. Or Dieu n'est rien d'autre que l'ensemble de ces parties. C'est donc bel et bien Dieu qui suspend son activité quand je suis moi-même dans l'incertitude, seulement, ce n'est que Dieu EN TANT QU'il s'explique par mon esprit à moi.
Hokousai a écrit :L’ordre de la nature intègre les confusions de l’esprit humain comme il intègre tous les évènements , mais l’ordre ne comprend pas au sens d’avoir des idées de l’incertitude et ce parce que l’ enchaînement des choses est nécessaire et certain .
oui d'accord, mais là vous parlez de l'opinion commune d'aujourd'hui, pas d'un concept philosophique et encore moins du concept philosophique de la certitude. SI l'incertitude désigne le manque d'une idée, comme le stipule Spinoza, alors bien sûr, ce manque est tout aussi nécessaire et certain que n'importe quel autre état de la nature. Spinoza nous invite de repenser le monde en donnant un autre sens au mot "incertitude" que celui qu'on lui donne spontanément, c'est-à-dire sans réfléchir ni vérifier (= le sens d'indétermination). Il nous invite de concevoir le monde en supposant pour chaque état d'incertitude un manque d'un savoir, manque qui est tout aussi déterminé et nécessaire que la présence d'un savoir.
Sinon je rappelle qu'on ne parlait pas de l'incertitude mais de l'inadéquation (j'espère avoir montré que chez Spinoza, ce ne sont pas des synonymes). La question est de savoir quel est, DANS LE SPINOZISME, le statut ontologique d'une idée inadéquate: existe-t-elle ou non, et si oui, dans quel sens?