La fierté

Questions touchant à la mise en pratique de la doctrine éthique de Spinoza : comment résoudre tel problème concret ? comment "parvenir" à la connaissance de notre félicité ? Témoignages de ce qui a été apporté par cette philosophie et difficultés rencontrées.
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sescho
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Messagepar sescho » 02 mai 2008, 18:01

nepart a écrit :Peut-on grâce à la philosophie se suffire de notre propre jugement de nous même?

Tu as répondu oui. Dans ce cas, comment y parvenir?

Vaste programme !

Question difficile, surtout...

Laissons ici tout simplement la parole à Spinoza :

Spinoza, Ethique, traduit par E. Saisset, a écrit :E5P20S : ... Dans les propositions qui précèdent, j’ai réuni tous les remèdes des passions, c’est-à-dire tout ce que l’âme, considérée uniquement en elle-même, peut contre ses passions. Il résulte de là que la puissance de l’âme sur les passions consiste : 1° dans la connaissance même des passions (voyez le Schol. de la Propos. 4, part. 5) ; 2° dans la séparation que l’âme effectue entre telle ou telle passion et la pensée d’une cause extérieure confusément imaginée (voyez la Propos. 2 et son Schol., et la Propos. 4, part. 5) ; 3° dans le progrès du temps qui rend celles de nos affections qui se rapportent à des choses dont nous avons l’intelligence, supérieures aux affections qui se rapportent à des choses dont nous n’avons que des idées confuses et mutilées (voyez la Propos. 7, part. 5) ; 4° dans la multitude des causes qui entretiennent celles de nos passions qui se rapportent aux propriétés générales des choses, ou à Dieu (voyez les Propos. 9 et 11, part. 5) ; 5° enfin dans l’ordre où l’âme peut disposer et enchaîner ses passions (voyez le Schol. de la Propos. 10, et les Propos. 12, 13, 14, part. 5).

1. : Connaître les passions suivant le deuxième genre - l'Ethique nous les décrit précisément et logiquement en fonction des trois de base : désir, joie et tristesse. Ceci pour pouvoir (si l'on a assez de force et qu'on les accepte au lieu de les refouler) les reconnaître ensuite à l'œuvre en soi selon le troisième genre, ce qui les annihile. C'est le "connais-toi toi-même" appliqué aux passions, qui est incontournable.

2. : Rompre l'association fusionnelle entre une passion et l'idée de la chose extérieure. C'est indispensable pour commencer à la prendre pour ce qu'elle est : un phénomène interne et non externe. C'est l'amorce élémentaire du détachement et de l'élucidation intérieure précédente.

3. : Cultiver les idées adéquates. Ce sont les points d'appui de l'épuration (Spinoza parle de l'effet du temps, mais ceci se fait conjointement avec la clarification liée à l'exercice de la raison.)

4. : Se référer autant que possible à l'aspect légal de tous les phénomènes et en association avec la Nature, souveraine et parfaite en tout ce qui est. Nous en avons déjà discuté : ceci a le potentiel de détruire toute passion : l'angoisse, l'orgueil, l'accusation, l'auto-justification, le sentimentalisme, etc., etc.

5. : Orienter son comportement suivant les indications de la Raison. L'Ethique est consacrée à fournir ces indications. C'est une façon de ne pas buter frontalement sur les passions, mais de réorienter l'énergie mise dans les passions vers ce qui a été compris adéquatement (quoique partiellement en profondeur de compréhension) par le deuxième genre. Notre orgueil dut-il en souffrir, il y a un peu dedans de la "Méthode Coué" ; mais le fait est que cela fonctionne, et est aussi bon de fait que les propositions correspondantes l'étaient sur le plan rationnel.

Spinoza, Ethique, traduit par E. Saisset, a écrit :E5P10S : Ce pouvoir d’ordonner et d’enchaîner nos affections corporelles suivant la droite raison nous rend capables de nous soustraire aisément à l’influence des mauvaises passions ; car (par la Propos. 7, part. 5) pour empêcher des affections ordonnées et enchaînées suivant la droite raison, une plus grande force est nécessaire que pour des affections vagues, et incertaines. Ainsi donc, ce que l’homme a de mieux à faire tant qu’il n’a pas une connaissance accomplie de ses passions, c’est de concevoir une règle de conduite parfaitement droite et fondée sur des principes certains, de la déposer dans sa mémoire, d’en faire une application continuelle aux cas particuliers qui se présentent si souvent dans la vie, d’agir enfin de telle sorte que son imagination en soit profondément affectée, et que sans cesse elle se présente aisément à son esprit.
Pour prendre un exemple, nous avons mis au nombre des principes qui doivent régler la vie, qu’il faut vaincre la haine, non par une haine réciproque, mais par l’amour, par la générosité (voyez la Propos. 56, part. 4, et son Schol.). Or, si nous voulons avoir toujours ce précepte présent à l’esprit, quand il conviendra d’en faire usage, nous devons ramener souvent notre pensée et souvent méditer sur les injustices ordinaires des hommes et les meilleurs moyens de s’y soustraire en usant de générosité ; et de la sorte il s’établit entre l’image d’une injustice et celle du précepte de la générosité une telle union qu’aussitôt qu’une injustice nous est faite, le précepte se présente à notre esprit (voyez la Propos. 18, part. 2). Supposez maintenant que nous ayons toujours devant les yeux ce principe, que notre véritable intérêt, notre bien, est surtout dans l’amitié qui nous unit aux hommes et les biens de la société, et ces deux autres principes, premièrement, que d’une manière de vivre conforme à la droite raison naît dans notre âme la plus parfaite sérénité (par la Propos. 52, part. 4), et en second lieu que les hommes, comme tout le reste, agissent par la nécessité de la nature, il arrivera alors que le sentiment d’une injustice reçue et la haine qui en résulte ordinairement n’occuperont qu’une partie de notre imagination et seront aisément surmontées. Et si la colère qu’excitent en nous les grandes injustices ne peut être aussi facilement dominée, elle finira pourtant par être étouffée, non sans une lutte violente, mais en beaucoup moins de temps certainement que si d’avance nous n’avions pas fait de ces préceptes l’objet de nos méditations (cela résulte évidemment des Propos. 6, 7 et 8, part. 5). C’est encore de la même façon qu’il faut méditer sur la bravoure pour se délivrer de la crainte. Il faut passer en revue et ramener sans cesse dans son imagination les périls auxquels la vie de tous les hommes est exposée, et se redire que la présence d’esprit et le courage écartent et surmontent tous les dangers. Toutefois il est bon de remarquer ici qu’en ordonnant ses pensées et en réglant son imagination, il faut toujours avoir les yeux sur ce qu’il y a de bon en chacune des choses que l’on considère (par le Coroll. de la Propos. 63, part. 4, et la Propos. 59, part. 3), afin que ce soit toujours des sentiments de joie qui nous déterminent à agir. Si, par exemple, une personne reconnaît qu’elle poursuit la gloire avec excès, elle devra penser à l’usage légitime de la gloire, à la fin pour laquelle on la poursuit, aux moyens qu’on a de l’acquérir ; mais elle ne devra pas arrêter sa pensée sur l’abus de la gloire, sur sa vanité, sur l’inconstance des hommes, et autres réflexions qu’il est impossible de faire sans une certaine tristesse. Ce sont là les pensées dont se tourmentent les ambitieux quand ils désespèrent d’arriver aux honneurs dont leur âme est éprise ; et ils ont la prétention de montrer par là leur sagesse, tandis qu’ils n’exhalent que leur colère. Aussi c’est une chose certaine que les hommes les plus passionnés pour la gloire sont justement ceux qui déclament le plus sur ses abus et sur la vanité des choses de ce monde. Et ce n’est point là un caractère particulier aux ambitieux, il est commun à tous ceux qui sont maltraités de la fortune et dont l’âme a perdu sa puissance. Un homme pauvre et avare tout ensemble ne cesse de parler de l’abus de la richesse et des vices de ceux qui les possèdent ; ce qui n’aboutit du reste qu’à l’affliger lui-même et à montrer qu’il ne peut supporter avec égalité ni sa pauvreté ni la fortune des autres. De même encore celui qui a été mal reçu par sa maîtresse n’a plus l’âme remplie que de l’inconstance des femmes, de leurs trahisons et de tous les défauts qu’on ne cesse de leur imputer ; mais revient-il chez sa maîtresse et en est-il bien reçu, tout cela est oublié. Ainsi donc celui qui veut régler ses passions et ses appétits par le seul amour de la liberté, s’efforcera, autant qu’il est en lui, de connaître les vertus et les causes qui les produisent, et de remplir son âme de la joie que cette connaissance y fait naître ; il évitera au contraire de se donner le spectacle des vices des hommes, de médire de l’humanité et de se réjouir d’une fausse apparence de liberté. Et quiconque observera avec soin cette règle (ce qui du reste n’est point difficile) et s’exercera à la pratiquer, parviendra en très peu de temps à diriger la plupart de ses actions suivant les lois de la raison.

Il y a une seule loi de la sagesse, mais une infinité de voies pour y tendre. Celle de Spinoza est très certainement bonne - mais encore faut-il faire l'effort de le suivre jusqu'au troisième genre, c'est-à-dire de voir en action, en soi, après l'avoir compris justement, ce qui est indiqué par le deuxième, dont il nous offre incontestablement un développement précis et juste.

nepart a écrit :Tu dis que se comparer et se classer est utile pour les compétitions.
Mais les compétitions elle mêmes en dehors d'une récompense (argent, cadeaux...) quel est l'intérêt de la compétition?

J'aurais pu dire "match", "jeu", ... à la place. Le sage me semble-t-il joue pour jouer. Il tend à le faire de son mieux, et dans ce sens très particulier on peut dire qu'il joue dans l'objectif de gagner... mais il est en fait indifférent au résultat : il s'est consacré à faire de son mieux, point. En aucun cas il ne se valorise vis-à-vis des autres (sauf encore une fois dans un sens parfaitement factuel, sans aucune émotion.)

Au sens strict de compétition : c'est la famine, et le plus malin seul s'en sortira, et ce nécessairement à la frustration des autres... je ne sais si la sagesse indique quelque chose de particulier. Ne pas voler et partager si l'on peut, c'est sûr. Pour le reste...

Après, la "compétition" peut être un travail, un moyen de subsistance total ou partiel. C'est aussi assez neutre sur le plan de la sagesse, selon moi.

Seule la compétition employée pour satisfaire un désir de supériorité par comparaison aux autres me semble strictement contraire à la sagesse.


Amicalement
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Messagepar Faun » 02 mai 2008, 19:36

Krishnamurti a écrit :
Oui c'est un cercle vicieux. :D :wink:


Non c'est un cercle vertueux, l'arme suprême de l'effort pour conserver son être, ce qui permet de détruire ce qui peut me détruire.

Bien sûr c'est l'imagination qui commande l'orgueil, mais tant que j'existe, l'imagination est un pouvoir dont j'use à volonté.

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Messagepar nepart » 02 mai 2008, 21:42

Cher Sescho,

J'ai du mal à comprendre l'intégralité de ton message.

Cependant un passage semble beaucoup m'intéresser:

Si, par exemple, une personne reconnaît qu’elle poursuit la gloire avec excès, elle devra penser à l’usage légitime de la gloire, à la fin pour laquelle on la poursuit, aux moyens qu’on a de l’acquérir ; mais elle ne devra pas arrêter sa pensée sur l’abus de la gloire, sur sa vanité, sur l’inconstance des hommes, et autres réflexions qu’il est impossible de faire sans une certaine tristesse. Ce sont là les pensées dont se tourmentent les ambitieux quand ils désespèrent d’arriver aux honneurs dont leur âme est éprise ; et ils ont la prétention de montrer par là leur sagesse, tandis qu’ils n’exhalent que leur colère



Es-tu sur de vouloir dire "elle ne devra pas arreter"?

Pourrais tu donner un exemple très concret? Par exemple, une personne prends conscience que sa recherche d'argent est excessive et ne lui apporte que peu de plaisir.

Merci

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Louisa
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Messagepar Louisa » 02 mai 2008, 22:26

Nepart a écrit :On abouti donc sur le fait que se sentir supérieur aux autres n'a pas de sens.


je ne crois pas que ceci est très spinoziste. Notre essence singulière se définit par un degré de puissance. Il est donc évident qu'un tas d'autres essences singulières ont un degré inférieur au nôtre, et de nombreuses autres essences ou choses singulières un degré supérieur au nôtre. Bien comprendre en quoi on est supérieur et inférieur est donc essentiel pour pouvoir se connaître soi-même.

Exemple: je travaille avec des gens issus de "milieux défavorisés". Très souvent ces gens perçoivent le monde comme étant totalement opaque, ils ont l'impression que tout peut changer du jour au lendemain, que tous les gens sont foncièrement méchants, etc. Du coup, en face d'un problème, ils ne vont pas commencer à chercher très activement une solution, car ils sont convaincus à l'avance que cette solution n'existe pas, qu'il n'y a pas de rapports de cause à effet dans la réalité, que tout est contingence et hasard, et le bonheur une simple question de chance, que seules des intentions mauvaises peuvent expliquer le comportement d'autrui, etc.

Difficile, dans ce cas, de ne pas voir que moi-même j'ai tout de même compris quelques liens de cause à effet, et que je peux me baser sur ces certitudes pour mieux planifier ma vie (ou plutôt simplement pour planifier ma vie, car cette idée même est absente chez eux). Difficile de ne pas voir que je suis clairement plus heureuse qu'eux. Donc oui, il est évident que je suis sous certains égards supérieure à eux.

Seulement, dire cela ne témoigne aucunement d'un "orgueil", au sens non pas ordinaire mais spinoziste du terme ("L'orgueil est de faire de soi, par Amour, plus d'état qu'il n'est juste", Ethique III définition des affects 28). Ce sentiment de supériorité ne devient orgueil qu'à partir du moment où je crois que c'est moi-même en tant qu'individu seul qui a causé cette supériorité dont je jouis. Car il est évident que cela, ce serait faire de moi BEAUCOUP plus d'état qu'il n'est juste. Pourquoi? Parce que dès ma naissance, les circonstances de ma vie ont été fort différentes de celles de ces gens. J'ai pu vivre dans une famille où les deux parents travaillaient, où la journée était organisée, où il y avait une certaine passion pour la compréhension du monde, où l'on m'a appris comment étudier, comment passer des examens, comment maîtriser minimalement ses sentiments etc.

Ma supériorité, je la dois donc à tout ce qui est hors de moi et m'a fait comme je suis. Se rendre compte de cela change tout, SAUF le fait même de cette supériorité. Mais c'est aussi cette compréhension qui fait que maintenant je peux me passionner pour le problème de savoir QUELLES circonstances fabriquer, quelles circonstances leur donner pour que maintenant, eux aussi réussissent à devenir supérieur à ce qu'ils sont pour l'instant. Là où celui qui sent l'orgueil risque de plutôt culpabiliser ceux qui sont de puissance inférieure, supposant de manière abusive que ces gens aussi soient eux-mêmes la cause de leur degré de puissance. Or si l'on sait qu'avoir un degré de puissance assez bas signifie aussi qu'on verse facilement dans des sentiments de Haine, de Colère, etc, le monde humain sera dangereux aussi longtemps qu'il existe des gens qui ont un tout petit degré de puissance. Ainsi l'orgueil, finalement, risque de nuire à celui qui l'éprouve plutôt que de l'aider, car l'orgueilleux ne va pas pratiquer cette vertu qui pour Spinoza est la plus importante de toutes: la charité (c'est-à-dire le désir de faire maximalement du bien aux autres). Sans charité, l'orgueilleux risque de rencontrer davantage de gens réellement "méchants" dans sa vie que s'il s'appliquait à aider ceux qui ont une puissance inférieure à lui.

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Messagepar sescho » 03 mai 2008, 00:40

nepart a écrit :Cher Sescho,

J'ai du mal à comprendre l'intégralité de ton message.

Cependant un passage semble beaucoup m'intéresser:

Si, par exemple, une personne reconnaît qu’elle poursuit la gloire avec excès, elle devra penser à l’usage légitime de la gloire, à la fin pour laquelle on la poursuit, aux moyens qu’on a de l’acquérir ; mais elle ne devra pas arrêter sa pensée sur l’abus de la gloire, sur sa vanité, sur l’inconstance des hommes, et autres réflexions qu’il est impossible de faire sans une certaine tristesse. Ce sont là les pensées dont se tourmentent les ambitieux quand ils désespèrent d’arriver aux honneurs dont leur âme est éprise ; et ils ont la prétention de montrer par là leur sagesse, tandis qu’ils n’exhalent que leur colère



Es-tu sur de vouloir dire "elle ne devra pas arreter"?

Pourrais tu donner un exemple très concret? Par exemple, une personne prends conscience que sa recherche d'argent est excessive et ne lui apporte que peu de plaisir.

En fait, celui qui a écrit cela est un gars que j'ai initié à la Philosophie et qui produit aujourd'hui des choses intéressantes. Il s'appelle Benoît S., pour ne pas le nommer ici sans son accord. ;-)

Spinoza me semble-t-il conseille sagement d'examiner intellectuellement les choses par leur côté positif, c'est-à-dire en quoi la chose consiste par elle-même, comment on peut la gérer, etc. et non en s'arrêtant sur les côtés vicieux associés, ouvrant ainsi la possibilité de la joie du progrès dans la connaissance au lieu de s'abîmer dans (d'arrêter sa pensée sur) la tristesse, source d'involution, alimentant la charge passionnelle associée.

Pour ton exemple, il s'agirait donc de voir ce qu'apporte de bon l'argent, dans quelle mesure il répond au nécessaire, s'il apporte de la saine joie à hauteur de son accumulation, si en cas d'abondance un don bien placé ne lui donnerait pas plus d'utilité, comment il faut se disposer à en obtenir pour une bonne vie, si ce serait forcément une catastrophe existentielle si on perdait celui qu'on possède déjà, si la vie offre au contraire des opportunités, à qui est vaillant, de gagner ce qu'elle demande matériellement. Etc.

Ce n'est pas "positiver" en ne dégageant que des aspects favorables (ce qui est se bercer d'illusions) mais "positiver" en ne tombant pas dans la passion triste et ce en privilégiant l'examen objectif de la chose.

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Messagepar Douze » 03 mai 2008, 03:01

nepart a écrit :aiment de réponse même si j'ai appris des choses intéressantes :)

J'ai l'impression que cette recherche de satisfaction de soi et en conflit avec notre désir d'égalité et la pitié que l'on a pour les autres


Tu éprouves véritablement le désir d'être "égal" aux autres ?

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Messagepar Enegoid » 16 mai 2008, 19:02

Bonjour

Grain de sel partant de cette citation de Spi figurant dans le débat :

Et donc, là où chacun se réjouira le plus de la contemplation de lui-même, c'st quand il contemple en lui-même quelque chose qu'il nie de tous les autres. (...)


Ce quelque chose nié à tous les autres ne peut être que l’essence singulière ou quelque chose en rapport avec cette essence singulière (si elle existe). Je trouve pour ma part que cette question de l’essence singulière constitue l'un des points les plus délicats dans les débats sur la fierté, la supériorité, le contentement de soi etc. Essence singulière d’un individu, d’un groupe d’individus, d’un modèle humain etc. Ou bien on nie les essences singulières, ou bien on les accepte. Si on les accepte, comment ne pas les comparer ? Et si on accepte de les comparer, on entre dans l’espace de tous les dangers : on ne peut comparer sans ordonner et si on ordonne, on a les premiers et les derniers, les supérieurs et les inférieurs etc.

Ce que confirme Louisa :

Notre essence singulière se définit par un degré de puissance. Il est donc évident qu'un tas d'autres essences singulières ont un degré inférieur au nôtre, et de nombreuses autres essences ou choses singulières un degré supérieur au nôtre. Bien comprendre en quoi on est supérieur et inférieur est donc essentiel pour pouvoir se connaître soi-même.


Le problème est qu’il n’existe aucun modèle absolu. Et il n’y a pas de mesure de la puissance (qui, pour Spinoza, est la puissance de connaître).Il n’y a que des modèles partiels : le sage, l’artiste, l’homme d’état, le savant, et même le « jeune de banlieue ». On peut comparer deux « « apprentis sages » entre eux par rapport au critère définissant l’homme sage. On peut comparer deux personnes habitant en banlieue pour voir si elles sont plus ou moins « parfaites » par rapport aux critères définissant les « jeunes de banlieue ». Mais on ne peut pas comparer le modèle « homme sage » par rapport au modèle « jeune de banlieue » car aucun troisième terme n’est disponible !
(Bien entendu chacun est libre de, ou plutôt déterminé à, choisir son modèle préféré).

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Messagepar Louisa » 16 mai 2008, 22:06

louisa:
Notre essence singulière se définit par un degré de puissance. Il est donc évident qu'un tas d'autres essences singulières ont un degré inférieur au nôtre, et de nombreuses autres essences ou choses singulières un degré supérieur au nôtre. Bien comprendre en quoi on est supérieur et inférieur est donc essentiel pour pouvoir se connaître soi-même.

Enegoid:
Le problème est qu’il n’existe aucun modèle absolu. Et il n’y a pas de mesure de la puissance (qui, pour Spinoza, est la puissance de connaître).Il n’y a que des modèles partiels : le sage, l’artiste, l’homme d’état, le savant, et même le « jeune de banlieue ». On peut comparer deux « « apprentis sages » entre eux par rapport au critère définissant l’homme sage. On peut comparer deux personnes habitant en banlieue pour voir si elles sont plus ou moins « parfaites » par rapport aux critères définissant les « jeunes de banlieue ». Mais on ne peut pas comparer le modèle « homme sage » par rapport au modèle « jeune de banlieue » car aucun troisième terme n’est disponible !


à mon sens IL Y A un modèle absolu, si l'on peut parler de "modèle": c'est Dieu, c'est-à-dire la puissance infinie. Et comme les modes font partie de lui, ils sont des "degrés" de cette puissance. De ce point de vue, on peut très bien avoir un degré supérieur ou inférieur à un autre mode.

Ce qui me semble être plus difficile, c'est de savoir COMMENT connaître le degré de puissance d'une chose. Pour l'instant j'aurais tendance à voir dans "l'aptitude à affecter et être affecté de manières différentes" un "étalon" plus ou moins utilisable. A partir de ce moment-là, on peut comprendre que le sage a une puissance beaucoup plus élevée que quelqu'un qui a grandi dans un milieu social où règne la violence et où toute incitation à l'apprentissage est absente.

Bien sûr, chaque mode est toujours déjà parfait. Mais, y ajoute Spinoza, chaque mode désire également devenir plus parfait qu'il ne l'est, Dieu ayant la plus grande perfection ou, ce qui revient au même, la plus grande réalité. Autrement dit: quelqu'un sans instruction, qui forcément a peu d'idées adéquates, dispose d'un degré de puissance et donc d'une réalité fort petite. Il "existe peu". Il est fort soumis aux rencontres fortuites avec la nature. Il connaît peu de joies durables, peu de moments de béatitude. Si en revanche un jour il rencontre quelqu'un (un prof par exemple) capable de parler son langage, et capable de lui donner les moyens pour commencer à prendre sa vie en main, alors il verra sa puissance augmenter, il aura accès à une forme beaucoup plus intense de bonheur.

S'il faut donc parler en termes de "modèle" (exemplar", je crois que la préface de la 4e partie de lEthique est très clair là-dessus: le modèle que Spinoza nous décrit, c'est celui d'une "meilleure nature", bref celui du sage. C'est par rapport à lui que l'on peut déterminer (même si à mon sens cette détermination est vouée à rester "floue") le degré de puissance de quelqu'un. C'est elle aussi qui permet de nous dire dans quelle mesure la puissance d'une personne x est inférieure ou supérieure à celle d'une personne y. Aussi longtemps qu'on ne "naturalise" pas ces infériorités/supériorités, mais qu'on les comprends comme étant relatives (relatives à la puissance absolue, mais relatives aussi au sens où elle peuvent changer, dans la vie d'une personne), je ne vois pas vraiment de problème à utiliser ces notions.

Enegoid a écrit :(Bien entendu chacun est libre de, ou plutôt déterminé à, choisir son modèle préféré).


je crois que dans le spinozisme nous sommes tous libres dans la mesure où nous participons à la puissance absolue (= dans la mesure où notre essence se définit par un degré de puissance), tandis que nous sommes d'autant plus déterminés à désirer de devenir sage que notre degré de puissance est plus élevé. Ici comme ailleurs, "on n'a pas le choix".

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Messagepar Enegoid » 21 mai 2008, 18:58

A Louisa
Merci de votre intéressante réponse (avec laquelle j'ai cependant quelques désaccords). J'ai été absent plusieurs jours. Je réponds dès que possible.
Cordialement

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Messagepar nepart » 21 mai 2008, 20:18

Douze a écrit :
nepart a écrit :aiment de réponse même si j'ai appris des choses intéressantes :)

J'ai l'impression que cette recherche de satisfaction de soi et en conflit avec notre désir d'égalité et la pitié que l'on a pour les autres


Tu éprouves véritablement le désir d'être "égal" aux autres ?


Je reformule:

D'un côté on a envie d'être superieur aux autres, et d'un autre, on a envie que les autres reussisent aussi bien que nous,


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