SESCHO:
On n'a pas le droit d'ajouter "singulière" à "chose." De nombreux passages montrent que Spinoza emploie "chose" dans le sens général "quelque chose" (et non pas rien) et en particulier alors qu'il est clair qu'il ne s'agit pas de choses singulières.
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VIEORDINAIRE:
Chere Louisa. Vous devez preter attention a l'idee de Sescho. Bien qu'il ne soit pas possible de trancher de facon breve et definitive entre son interpretation et la votre (il faudrait pour cela introduire plusieurs autres aspect et elements de la philosophie de Spinoza afind de demontrer les contradictions de certaines de vos interpretations). Votre vision ontologique et metaphysique des 'choses' (en general), comme vos exemples le montrent, est trop rigide pour pouvoir accomoder l'ontologie dynamique de Spinoza, et la simultaneite qui lui est intrinseque.
Par exemple, lorsque la raison percoit les 'choses' sous la forme de l'eternite, elle percoit leur necessite (et vous pouvez, avec une ontologie dynamique, vous defaire du predicat singulier, car sous cet aspect les choses ne sont plus singulieres: les choses qua necessite "cette nécessité des choses est la nécessité même de l'éternelle nature de Dieu."
La necessite de l'eternelle nature de Dieu ne peut etre decrite comme singuliere sous l'aspect d'eternite.
Ethique a écrit:
Corollaire II : Il est de la nature de la raison de percevoir les choses sous la forme de l'éternité.
Démonstration : En effet, il est de la nature de la raison de percevoir les choses comme nécessaires et non comme contingentes (par la Propos. précédente). Or, cette nécessité des choses, la raison la perçoit selon le vrai (par la Propos. 41, partie 2), c'est-à-dire (par L'Axiome 6, partie 1) telle qu'elle est en soi. De plus (par la Propos. 16, partie 1), cette nécessité des choses est la nécessité même de l'éternelle nature de Dieu. Il est donc de la nature de la raison d'apercevoir les choses sous la forme de l'éternité.
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LOUISA:
Vieordinaire a écrit:
Par exemple, lorsque la raison percoit les 'choses' sous la forme de l'eternite, elle percoit leur necessite (et vous pouvez, avec une ontologie dynamique, vous defaire du predicat singulier, car sous cet aspect les choses ne sont plus singulieres: les choses qua necessite "cette nécessité des choses est la nécessité même de l'éternelle nature de Dieu."
La necessite de l'eternelle nature de Dieu ne peut etre decrite comme singuliere sous l'aspect d'eternite.
Louisa:
comme tu le dis toi-même: quand la raison perçoit LES CHOSES sous UN CERTAIN ASPECT d'éternité (= la traduction littérale du latin), l'objet de la perception/connaissance, ce sont bel et bien ... les choses. Sinon Spinoza aurait dû écrire que la raison perçoit cette chose qu'est l'éternité qui appartient à toute chose. Il ne l'a pas dit. Il a juste dit que la raison perçoit les choses, et cela selon un point de vue précis: celui d'une certaine éternité. Cela ne fait pas encore de l'éternité elle-même une chose. L'éternité, dit-il bien plutôt dans l'E1, est une PROPRIETE de Dieu (ainsi que l'infinité, l'immuabilité etc). Ou comme il le dit dans la définition de l'éternité (E1Déf.7): l'éternité est l'existence. L'existence est-elle une chose? Dans le cas de l'éternité, l'existence est considérée non pas en tant que chose mais en tant qu'elle suit de la définition d'une chose. Or ce qui suit de la définition d'une chose, dit-il ailleurs, ce sont les propriétés de cette chose. Tandis que les propriétés d'une chose ne sont pas les affections d'une chose.
Bref, à mon avis ce ne sont que les modes (ou affections des attributs) qui sont des choses (et éventuellement aussi les attributs, voire les affections des affections, cela reste à voir). Mais comme déjà dit à Sescho: il me faudrait une discussion à fond sur ce sujet avant de pouvoir être certain de cette thèse (en attendant je laisse la possibilité ouverte d'avoir tort). Or comme pour l'instant nous discutons d'autre chose, et comme je lui ai promis de passer le plus vite possible à sa deuxième question, qui concerne son dernier commentaire de l'E5P36sc, je laisse cette discussion pour une autre fois.
Cordialement,
L
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VIEORDINAIRE:
Louisa a écrit:
"l'objet de la perception/connaissance, ce sont bel et bien ... les choses. "
Ethique:
"Il est de la nature de la raison de percevoir les choses sous la forme de l'éternité"
"Or, cette nécessité des choses, la raison la perçoit selon le vrai (par la Propos. 41, partie 2), c'est-à-dire (par L'Axiome 6, partie 1) telle qu'elle est en soi. De plus (par la Propos. 16, partie 1), cette nécessité des choses est la nécessité même de l'éternelle nature de Dieu."
Vieordinaire:
Je m'entendais a cette response: comme j'ai dit votre ontologie est trop rigide ...
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LOUISA:
je ne comprends pas très bien ton argument. La démo dit: "il est de la nature de la Raison de contempler les choses comme nécessaires, et non comme contingentes. Et cette nécessité des choses, elle la perçoit vraiment, c'est-à-dire comme elle est en soi. Mais cette nécessité des choses est la nécessité même de la nature éternelle de Dieu".
Contempler les choses COMME nécessaires, c'est contempler une propriété de ces choses. Si tu veux dire que l'objet de la perception est donc la nécessité, je ne peux que te répondre: oui bien sûr, mais la nécessité en tant qu'elle CARACTERISE les choses. Je ne vois toujours pas ce qui te fait faire d'une propriété une chose.
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VIEORDINAIRE:
Louisa a écrit:
"Je ne vois toujours pas ce qui te fait faire d'une propriété une chose."
Vieordinaire:
Je n'ai jamais fait cela. Vous dispositions (intellectuelles ou pas) ne vous permettent d'attendre ce que j'essaie de dire. Nous approchons les memes textes de l'Ethique sous des angles et avec des dispositions (lesquelles n'ont pas necessairement de fondements 'rationels') tout a fait differents.
Bien que je ne sois pas d'accord avec plusieurs de ses interpretations, Francesca di Poppa neanmoins presente dans sa these de Doctorat certaines vues sur l'ontologie de Spinoza qui s'opposent a certains niveaux (je crois) aux votres.
http://etd.library.pitt.edu/ETD/availab ... 06-152735/ Par exemple:
"In this, I disagree with Laurent Bove’s conclusion in La Stratégie du Conatus. Bove concludes that Spinoza endorses what he calls “a subversive identification of the synthetic relation cause-effect and of the analytic relation essence-properties.” In the next chapter it will become clearer why I reject this conclusion. (footnote 297)
"In my discussion, I avoided adopting the language of processes in order to avoid confusion, but I believe that Spinoza’s ontology is better understood in terms of process ontology rather than in terms of a traditional things-properties ontology. In a previous chapter, I remarked that the language of “predication” that Spinoza used in Short Treatise is absent from Ethics, which uses “attributes” and “affections,” equiparates “essence” with “power” and introduces the concept of “expression” in order to develop a model of efficient causation not plagued by the traditional problems. My suggestion is that Spinoza dropped the language of predication from his ontology precisely because he is no longer thinking of substance as a sublayer of properties, but as pure activity." p.294-295
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LOUISA
Vieordinaire a écrit:
Je n'ai jamais fait cela. Vous dispositions (intellectuelles ou pas) ne vous permettent d'attendre ce que j'essaie de dire. Nous approchons les memes textes de l'Ethique sous des angles et avec des dispositions (lesquelles n'ont pas necessairement de fondements 'rationels') tout a fait differents.
Louisa:
peut-être qu'il s'agit de "dispositions". Mais avant de savoir si c'est le cas ou non, je crois qu'il vaut mieux d'abord essayer de discuter, simplement.
Or comme je viens de le dire: pour ce qui concerne la question de savoir si Spinoza admet la nécessité parmi ce qu'il appelle des "choses", je n'en suis qu'à des hypothèses, que j'aimerais bien approfondir dès que j'ai le temps.
En attendant, je ne peux que répéter que cette hypothèse s'en tient à une lecture littérale du texte: lorsque Spinoza donne un statut à la nécessité (ce qui arrive rarement), il l'appelle une "propriété" (E1 App). Ceci, ensemble avec le fait que d'autre part jamais il n'appelle la nécessité (ou l'éternité) une "chose", fait que je ne crois pas que cette hypothèse (que la nécessité n'est pas une chose mais une propriété) est fausse.
Il faudra peut-être la compléter (voire, qui sait, rejeter), mais en attendant de lire des arguments ou d'en chercher moi-même, je ne vois pas ce qui permettrait de s'y prendre autrement. Il est évident que mieux examiner cette hypothèse est important. Mais comme on ne sait pas tout faire à la fois, et comme la discussion avec Sescho touche déjà à de nombreux aspects, je crois qu'il vaut mieux s'y pencher dès que nous avons mieux compris la signification des propositions E5P24-25 et E5P36 sc.
Sinon merci pour le lien et la référence à Francesca di Poppa, qui me semble être très intéressant, et à très bientôt pour la suite de cette discussion!
L.
PS: quant au "dynamisme" propre au spinozisme, je crois que nous sommes tout à fait d'accord pour dire que l'ontologie spinoziste est fondamentalement dynamique. La puissance y est un concept central. Mais ce n'est pas parce que Spinoza définit l'essence par la notion de puissance que parler d'essences n'a plus de sens. Cela n'abolit pas non plus le fait que les essences ont des propriétés. L'Ethique ouvre sur les différentes propriétés de l'essence de la Substance, et Spinoza prend le temps de tout le premier livre pour les démontrer. L'un n'empêche donc pas l'autre.
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VIEORDINAIRE:
Louisa a écrit:
"une lecture littérale du texte"
Vieordinaire:
Une lecture litterale n'est pas evidence et surtout pas dans le cas de Dieu. Au contraire, une lecture litterale de L'Ethique va bien souvent mener son lecteur dans un cul de sac (rempli de contradictions). Par exemple:
"L'éternité est l'essence même de Dieu" (en tant que cette essence enveloppe l'existence nécessaire (par la Déf. 8, part. 1))
Aeternitas est ipsa Dei essentia, quatenus haec necessariam involvit existentiam (per defin. 8. P. 1.). (5p30)
Est-ce que Spinoza essaie de dire qu'une propriete (selon vous) (eternite) de Dieu et l' essence ou nature de Dieu sont les memes? C'est ce que l'on peut lire!
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LOUISA:
c'est ce qu'on peut lire SEULEMENT quand on ne lit PAS littéralement, quand on ne tient pas compte de chaque mot. Si tu identifies l'essence de Dieu et l'éternité, tu laisses tomber le quatenus, le "en tant que". Considérer une chose x en tant qu'elle est y, cela n'implique nullement que x est identique à y.
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VIEORDINAIRE:
Pas du tout. Je n'ai pas laisse tombe le quatenus. Spinoza parle d'Eternite et n'ecrit pas 'x est eternel, en tant que x ...' Comme vous l'avez dit vous-meme
Louisa a écrit:
Sinon Spinoza aurait dû écrire ...
Vieordinaire:
De plus, meme si nous sommes genereux avec votre interpretation, nous ne savons toujours comment une propriete peut devenir essence, meme de facon quatenale (sic) avec la presence du quatenus.
"Considérer une chose x en tant qu'elle est y, cela n'implique nullement que x est identique à y." Vous pouvez affirmer une telle chose simplement par ce que vous jouez sur les mots et le sens ambigu du mot/verbe 'etre' et ce que c'est d'etre identique.
Par exemple si j'ecris
"Considérer une chose x en tant qu'elle est identique a y, cela n'implique nullement que x est identique à y."
Un tout petit ajout et cette affirmation ne fait plus beaucoup de sens