Durtal a écrit :Ton idée est que: il n'y a de notion commune qu'à partir du moment où il y a idée claire et distincte. La question que je t'adresse ( avec le sommeil ou l'ivresse) revient donc en somme à de te demander: qu'entends tu par l'expression "avoir une idée claire et distincte".
Il ressort de tout ce que tu dis que avoir une "idée claire et distincte" veut dire pour toi "vivre un épisode conscient d'un certain type. Le type d'épisode correspondant aux idées claires et distinctes" d'accord?
Bonjour Durtal,
d'accord SI la question est de savoir quel est le rapport entre l'idée claire et distincte et l'état de sommeil. Car là tu demandes ce qu'il en est d'une idée vraie du point de vue de la durée, qui n'est pas le point de vue de l'éternité.
Durtal a écrit :La question est alors: lorsque dans le sommeil ( ou dans l'ivresse) nous n'avons pas d'idées claires et distinctes de quoi que ce soit, est-ce que nous n'avons plus de notions communes ou bien est ce que tu admets que nous pouvons "avoir" des notions communes même quand nous n'avons pas ces fameux épisodes conscients d'un certain genre que tu appelles "avoir une idée claire et distincte"?
il me semble que parler de l'idée d'avoir des idées adéquates à des moments où nous sommes inconscients est absurde, d'un point de vue de la durée, chez Spinoza. L'ivresse étant un état où nous restons néanmoins conscients de certaines choses, je crois qu'on doit admettre que nous y avons toujours certaines idées claires et distinctes. Mais avoir des idées adéquates lors du sommeil ... comment serait-ce possible? N'oublie pas qu'avoir une idée adéquate c'est agir. Nous serions donc "actifs" la nuit ... ? Certes, le corps peut bien des choses étranges, la nuit, mais cela n'est étrange que précisément parce que l'Esprit, en ces moments-là, n'est plus conscient de rien. C'est ce qui fait que dans nos rêves, nous pouvons affirmer les choses les plus absurdes, que jamais nous ne tiendrions pour vraies pendant la journée. Cela montre que pendant le sommeil, les idées adéquates que nous SOMMES, ne sont plus PRESENTES à l'Esprit, et en ce sens précis nous ne les avons pas.
Durtal a écrit :Si tu ne l'admets pas et bien je te le dis: RIEN dans ce cas ne sera susceptible de constituer une "notion commune". Car ton critère d'admission serait alors tellement exigeant que même les notions communes les moins problématiques ( dans le cadre de notre discussion s'entend), ainsi les axiomes et les postulats d'Euclide par exemple, ne pourraient selon tes critères être admis parmi les notions communes. Tout simplement parce qu'il faudrait que nous ayons en permanence par exemple, la proposition d'Euclide que tu cites "à l'esprit", pour être dit "avoir" cette notion commune. Ce qui est une idée franchement stupide.
à mon avis tu confonds deux choses: la permanence (toujours limitée) dans le temps, et l'existence éternelle en Dieu (hors temps). Jamais Spinoza ne dit que pour pouvoir être appelé "axiome" ou "notion commune", il faut qu'on ne nie pas cette idée la nuit, dans nos rêves. On peut s'imaginer dans nos rêves toutes les absurdités que l'on veut, le matin il suffit d'être affecté par la lumière du jour pour avoir une affection du Corps par quelque chose qui a le fait d'exprimer l'attribut de l'Etendue comme propriété commune avec nous, et pour immédiatement en avoir une idée adéquate.
Durtal a écrit :Nécessairement, à moins que tu ne veuilles réellement soutenir la position que je viens de décrire, ce que tu veux dire par "avoir une idée adéquate" doit s'entendre en un sens dispositionel ou au sens, si tu préfères, "d'une aptitude à l'avoir", mais si tu m'accordes cela, tu m'accordes tout le reste. Et tout ce fatras de faux problème sur l'usage du conditionnel part au diable...
ce serait bien facile en effet ...

Ce qu'il y a, c'est que bien sûr ce qui appartient à notre "mémoire" ne s'efface pas la nuit (au contraire, entre-temps nous savons que c'est précisément le sommeil qui permet de consolider les infos acquises pendant la journée). Mais de nouveau, tout ce qui est de l'ordre du mémoire ne constitue PAS la part éternelle de notre Esprit. Une permanence dans le temps, au sens d'être gravé dans notre mémoire, n'est donc aucunement une condition nécessaire pour pouvoir être une idée adéquate, puisque seules les idées adéquates constituent la part éternelle de l'Esprit, et non pas notre mémoire en tant que telle.
Bref, je ne peux que répéter qu'à mon sens les choses sont plus compliquées que tu ne le proposes, chez Spinoza. Dire de tout ce dont Spinoza trouve que cela aurait dû être une notion commune, que c'est en réalité une notion commune, c'est avancer une thèse qui ne se justifie que sur base de l'opinion commune qu'une idée vraie doit être vraie en permanence. Or une opinion commune n'est pas une notion commune, en des termes proprement spinozistes (l'opinion relevant du premier genre de connaissance, la notion commune du deuxième). Il faudrait donc pouvoir montrer en quoi ce genre de permanence dans le temps serait aussi ce qui caractérise la notion commune spinoziste, en se basant sur le texte et non pas sur l'opinion commune (sachant par exemple que pour Descartes (comme chez Euclide), jamais une notion commune ne peut être démontrée ... si la même chose vaut chez Spinoza (à vérifier), le fait même que Spinoza démontre systématiquement ce dont il dit que cela auraît dû être une notion commune suffirait pour prouver qu'elle ne l'est pas).
Durtal a écrit : Ce que tu dis aussi sur mon argument concernant l'impossibilité pour "le faux de devenir le vrai"est totalement indigent...
Je disais l'inverse: l'impossibilité pour le vrai de devenir faux, dans le spinozisme.
Cordialement,
L.