Korto a écrit :Des dirigeants politiques spinozistes ne sont-ils pas logiquement des Robespierre ? Les Robespierre que nos différents continents ont porté et portent encore ne sont-ils pas spinozistes ?
Gérard Jugant a écrit :"Mais ce qu’on sait aussi, et Marx nous l’a enseigné, c’est qu’il n’y a en histoire que des "cas", de même qu’il n’y a jamais de production en général, de travail en général, jamais de religion en général, c’est aussi ce que soulignait Spinoza.(...) C’est par la "connaissance du troisième genre" que Spinoza semble avoir trouver la parade, celle qui permet de distinguer dans les singularités des constantes, des invariants universels."
Bonjour Korto,
si je crois que tu as tout à fait raison de vouloir t'attarder sur la question d'un "lien logique" éventuel entre le spinozisme et le totalitarisme, si cette question t'intéresse, les auteurs que tu cites semblent s'en tenir pour l'instant à des liens purement "associatives", où toute logique manque.
Juste un exemple. Ci-dessus Jugant dit que pour Spinoza, il n'y a pas de général, juste des singularités. C'est tout à fait vrai. C'est ce qu'en philosophie on appelle le nominalisme. Mais ... pas mal de philosophes anglais et américains contemporains sont également des nominalistes, sans pour autant adopter les points de vue politiques de Spinoza.
Puis la majorité (tous?) les commentateurs récusent dans leur livres la possibilité que le troisième genre de connaissance porte sur autre chose que les essences singulières, ce qui veut dire, justement, qu'il consiste à voir tout SAUF de l'universel dans les singuliers. Néanmoins, sur ce forum il y a des gens qui interprètent le 3e genre plutôt dans le sens de l'auteur que tu cites. Mais qu'est-ce que cela veut dire? Il s'agit d'une simple variante sur ce que disait déjà Aristote: il n'y a de science que de l'universel, pas du particulier. Autrement dit: TOUTE la science ne fait rien d'autre que de chercher dans le singulier des invariants universels. C'est l'essence même du travail de tout scientifique, partout dans le monde.
Ces citations sont donc toutes du même ordre que de la toute première citation que tu as donnée ici, celle qui remarquait que Spinoza et Robespierre avaient le célibat en commun:
- d'abord, dire cela c'est faire exactement ce qui est ici présumé "être totalitaire": c'est chercher des invariants dans les cas particuliers, c'est chercher des choses que les cas particuliers pourraient avoir en commun.
- puis il est évident que de tels liens sont tout sauf logiques. Un homme politique totalitaire et un philosophe étant tous les deux des hommes, ils auront certes de nombreuses choses en commun. Mais l'embêtant, c'est que ces choses valent également pour de nombreux hommes politiques anti-totalitaires. Ce n'est donc pas un critère qui permet de distinguer l'aspect totalitaire en tant que tel.
Bref, si quelqu'un veut démontrer logiquement un lien entre le spinozisme et le totalitarisme, il faut commencer par prendre des aspects du spinozisme qui sont PROPRES au spinozisme, et non pas des choses comme le nominalisme, partagés par beaucoup de philosophes qui pour le reste s'opposent à Spinoza, ou la recherche de l'universel dans le particulier, qui caractérise tout scientifique. Et alors la discussion pourrait vraiment être intéressante.
Mais sinon, donc si les liens indiqués sont tout sauf logiques, alors on peut bien sûr dire tout et n'importe quoi. Ce qui ne veut pas dire que ton intuition d'un lien logique (si d'aventure tu as cette intuition) est fausse, cela signifie simplement que pour l'instant ce n'est qu'une intuition, qui demande à être vérifiée avant de pouvoir être acceptée par d'autres.
L.