Dans la première partie de l'Ethique, Spinoza a écrit :Propositio 21
Omnia, quae ex absolutâ naturâ alicujus attributi Dei sequuntur, semper, et infinita existere debuerunt, sive per idem attributum aeterna, et infinita sunt.
Demonstratio
[...]
Deinde id, quod ex necessitate naturae alicujus attributi ità sequitur, non potest determinatam habere existentiam sive durationem. Nam, si neges, supponatur res, quae ex necessitate naturae alicujus attributi sequitur, dari in aliquo Dei attributo, ex. gr. idea Dei in cogitatione, eaque supponatur aliquando non exstitisse, vel non exstitura. Cùm autem cogitatio Dei attribu-tum supponatur, debet et necessariò, et immutabilis existere (per 11 et Co-roll. 2 20). Quare ultra limites durationis ideae Dei (supponitur enim ali-quando non exstitisse, aut non exstitura) cogitatio sine ideâ Dei existere debebit ; atqui hoc est contra hypothesin ; supponitur enim, ex datâ cogitatione necessariò sequi ideam Dei. Ergo idea Dei in cogitatione, aut aliquid, quod necessariò ex absolutâ naturâ alicujus attributi Dei sequitur, non potest determinatam habere durationem ; sed per idem attributum aeternum est, quod erat secundum. Nota, hoc idem esse affirmandum de quâcunque re, quae in aliquo Dei attributo ex Dei absolutâ naturâ necessariò sequitur.
Proposition 21
Toutes les conséquences de la nature absolue d’un attribut de Dieu n’ont pu qu’exister toujours et infinies, autrement dit sont éternelles et infinies par cet attribut.
Démonstration
[...]
Ensuite, une conséquence de la nécessité de la nature d’un attribut ne peut avoir d’existence, ou durée, déterminée. Car, si on le nie, supposons qu’il y ait dans un attribut de Dieu une chose qui soit conséquence de la nécessité de la nature d’un attribut, par exemple l’idée de Dieu dans la pensée, et supposons qu’à un moment elle n’a pas existé ou qu’elle n’existera pas. Mais, comme la pensée est supposée un attribut de Dieu, elle ne pourra exister que nécessairement et immuable (par 11 + 20 C 2). C’est pourquoi hors des limites de la durée de l’idée de Dieu (on suppose en effet qu’à un moment elle n’a pas existé ou n’existera pas), la pensée ne pourra exister que sans l’idée de Dieu ; or cela est contre l’hypothèse ; on suppose en effet que cette pensée a nécessairement pour conséquence l’idée de Dieu. Donc l’idée de Dieu dans la pensée, ou quelque conséquence nécessaire de la nature absolue d’un attribut de Dieu, ne peut avoir de durée déterminée ; mais est éternel par cet attribut, ce qui était le second point. Remarquons qu’on peut affirmer cela de n’importe quelle chose qui, dans un attribut de Dieu, est conséquence nécessaire de la nature absolue de Dieu.
Pour le moment, je remarque
— que dans cette deuxième partie (et dans l'énoncé même de la proposition : « [...] ont dû exister toujours [...] ») de la démonstration, il semble bien s'agir d'une durée sempiternelle, sans début ni fin, et qu'il n'y est pas fait appel à la I Df 8 (définition de l'éternité) – ce qui est problématique. Est-ce à dire que la sempiternité est une conséquence de l'éternité de la substance et de ses attributs (tout comme les modes infinis sont des conséquences de la nature absolue des attributs de Dieu) ?
— que dans la cinquième partie (disons la prop. 29) il est par contre fait appel à la I Df 8 — et que là il semble ne pas s'agir du tout de sempiternité mais d'éternité, c'est-à-dire de l'existence elle-même « en tant qu'elle est conçue suivre nécessairement de la seule définition de chose éternelle – quatenus ex solâ rei aeternae definitione necessario sequi concipitur ».
Ce sujet étant extrêmement difficile, toutes les réflexions, commentaires, etc. sont les bienvenus. Mais il serait bien de s'en tenir au ras du texte. Car il y a là un lièvre de taille (avis à notre amateur de civet...

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