Spinoza et les femmes / le "parallélisme"

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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Messagepar Louisa » 31 déc. 2007, 17:23

A Sescho:

je dois absolument partir mais j'ai bien envie de me laisser convaincre de l'impossibilité de la connaissance des choses singulières chez Spinoza ... . De nouveau juste une réponse à un seul passage dans ce que tu écris, je reviens aux autres choses intéressantes que tu soulèves le plus vite possible (ayant commencé ici la discussion avec Hokousai, je donne la priorité à ce sujet, simplement par manque de temps ...).

Sescho a écrit :la Raison (connaissance du deuxième genre) ne traite que de notions générales et de lois (ou propriétés des choses), dont les prémisses / axiomes, dont les notions communes. En aucun cas elle ne traite donc d'une chose singulière (précise) dans son entièreté nouménale (ce qui peut être vu clairement et distinctement ne constitue l'essence d'aucune chose particulière ; il faut quand-même en tenir compte, non ?)


tu importes ici une notion kantienne ... cela ne me semble pas être innocent. Car que dit Spinoza quand il s'agit des "choses en soi"? E244 démo:

"Il est de la nature de la raison de percevoir les choses vraiment (par la prop. 41 de cette p.), à savoir (par l'axiome 6 p.1) comme elles sont en soi (ut in se sunt) (...)".

Il faut en conclure, il me semble, que la raison perçoit les choses comme elles sont en soi (ce qui est tout de même très proche du noumenon kantien), tout en ne traitant, effectivement, que des propriétés qu'elles ont en commun avec d'autres choses, et non pas de leur essence. C'est dire que l'identification kantienne essence-chose en soi ici ne s'est pas encore faite (et pas par hasard, il me semble ... la "scission" (car ici il s'agit d'une véritable scission, séparation matérielle) sujet-objet que Kant allait opérer n'est pas spinoziste).

D'autre part: comment la raison pourrait-elle percevoir les lois qu'ont en commun les CHOSES, si ces choses n'étaient pas - si je t'ai bien compris - les choses singulières mais les lois elles-mêmes ... ? Si l'on n'a que des idées adéquates des lois, comment encore dire (ce que Spinoza dit plusieurs fois) que nous avons une idée adéquate de quelque chose qui "est" dans le Corps humain ... ? Comment ne pas déduire du fait que nous pouvons avoir une idée adéquate de quelque chose qui EST dans le Corps humain, que nous pouvons avoir une idée adéquate d'une chose singulière? Le corps humain (ici affecté par d'autres corps, démo E2P39 par exemple) n'est-il pas une chose singulière, à tes yeux? Si non pourquoi le penserais-tu?
Bonne fin d'année (réfléchissante ou autre) et à bientôt,
louisa

PS: quand j'utilise le mot "simple" je ne veux pas du tout suggérer que tout me semble être clair et facile à comprendre, mais seulement que telle déduction, de prime abord, me semble aller de soi. Mais comme tu dis .. jusqu'à preuve du contraire, bien sûr.

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Messagepar Louisa » 31 déc. 2007, 18:04

Ps à Sescho:

ne faudrait-il pas distinguer "percevoir adéquatement les choses singulières" et "percevoir adéquatement les choses singulières dans leur singularité"?

Il me semble que oui. Et alors le 2e genre de connaissance a des idées adéquates qui ont bel et bien comme objet les choses singulières (mais seulement en ce qu'elles ont en commun, seulement les propriétés de ces choses singulières), tandis que le 3e genre perçoit adéquatement l'essence des choses singulières (leur singularité si tu veux, au sens où il s'agit de ce qu'elles n'ont en commun avec aucune autre essence)?

Je reviens bien sûr sur tes objections concernant le 3e genre, mais ceci juste pour indiquer qu'à mon sens il n'est pas nécessaire d'avoir une connaissance de la singularité des choses singulières pour déjà avoir une connaissance des choses singulières (et que donc il ne faut pas avoir une connaissance de cette singularité pour avoir une connaissance du 2e genre qui est déjà une connaissance des choses singulières). A moins que là aussi, tu ne sois pas d'accord?
louisa

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Messagepar sescho » 31 déc. 2007, 18:43

Sur le sujet précédent, je fais remarquer à nouveau E5P12Dm, dans la traduction Pautrat : « Les choses que nous comprenons clairement et distinctement, ou bien sont des propriétés communes des choses, ou bien se déduisent d’elles… » Difficile d’être plus clair…


2) Le désir meilleure partie de nous-mêmes

Louisa a écrit :la meilleure partie de l'esprit est celle qui est éternelle, et celle qui est éternelle, c'est l'ensemble de toutes nos idées adéquates, qui constituent notre degré de puissance à nous, c'est-à-dire notre essence. La meilleure partie de l'esprit, c'est donc notre essence singulière. Or celle-ci est précisément défini par le désir (fin de l'E3: "Le Désir est l'essence même de l'homme"). Conclusion: le désir est bel et bien la meilleure partie de nous.

Dit comme cela, certainement pas. D’abord il y a à la base, comme j’ai eu plusieurs fois l’occasion de le faire remarquer, souvent un contresens dans l’interprétation de E3P7 : Spinoza ne définit pas l’essence par le désir mais le désir par l’essence (sinon où serait l’entendement, qui se distingue du désir, et de la joie-tristesse : E1P31, E2A3, E2P48S.) La proposition, selon toutes les traductions que je possède dit que le désir n’est rien en dehors, à part, de plus que l’essence : c’est l’essence qui se pose là dans une chose singulière existant en acte (d’où essence actuelle) ; ce que cela veut dire est qu’il n’y a pas à chercher le désir (en particulier de conservation) en dehors de l’essence même, c’est tout (sinon il faut dire en quoi cela sort de l’essence même de la chose.)

Sur la distinction de l’entendement et du désir et sur le désir comme passion (il peut naître aussi de l’action : E3P58, E3P59) :

Spinoza, Ethique, traduit par E. Saisset, a écrit :E1P31 : L’entendement en acte, soit fini, soit infini, comme, par exemple, la volonté, le désir, l’amour, etc., se doivent rapporter à la nature naturée, et non à la naturante.

Démonstration : Par entendement, en effet, nous ne désignons évidemment pas la pensée absolue, mais seulement un certain mode de penser, lequel mode diffère des autres, tels que le désir, l’amour, etc.

E2A3 : Les modes de la pensée, tels que l’amour, le désir et les autres passions de l’âme, par quelque nom qu’on les distingue, ne peuvent exister sans qu’il y ait dans l’individu où on les rencontre, l’idée d’une chose aimée, désirée, etc. Mais une idée peut exister sans aucun autre mode de la pensée.

E2P48S : On démontrerait de la même manière qu’il n’y a dans l’âme humaine aucune faculté absolue de comprendre, de désirer, d’aimer, etc. D’où il suit que ces facultés et toutes celles du même genre, ou bien, sont purement fictives, ou ne représentent autre chose que des êtres métaphysiques ou universels que nous avons l’habitude de former à l’aide des choses particulières. Ainsi donc, l’entendement et la volonté ont avec telle ou telle idée, telle ou telle volition, le même rapport que la pierréité avec telle ou telle pierre, l’homme avec Pierre ou Paul. Maintenant, pourquoi les hommes sont-ils jaloux d’être libres ? c’est ce que nous avons expliqué dans l’appendice de la première partie. Mais, avant d’aller plus loin, il faut noter ici que par volonté j’entends la faculté d’affirmer ou de nier, et non le désir ; j’entends, dis-je, la faculté par laquelle l’âme affirme ou nie ce qui est vrai ou ce qui est faux, et non celle de ressentir le désir ou l’aversion. …

E3P11S : … Quant à la nature du désir, je l’ai expliquée dans le Scholie de la Propos. 9, partie 3 ; et j’avertis qu’après ces trois passions, la joie, la tristesse et le désir, je ne reconnais aucune autre passion primitive ; et je me réserve de prouver par la suite que toutes les passions naissent de ces trois passions élémentaires. …

Il est vrai cependant que Spinoza dit ensuite en plus court que le désir est l’essence même de l’homme, mais il ajoute parfois « en tant que », ce qui ne peut être gommé car signalant une restriction, ou une façon partielle de voir les choses.

Spinoza, Ethique, traduit par E. Saisset, a écrit :E3P56Dm : … Or, le désir étant l’essence ou la nature de chaque homme, en tant qu’il est déterminé par telle constitution donnée à agir de telle façon (voir le Schol. de la Propos. 9, partie 3), il s’ensuit que chaque homme, suivant qu’il est affecté par les causes extérieures de telle ou telle espèce de joie, de tristesse, d’amour, de haine, etc. c’est-à-dire suivant que sa nature est constituée de telle ou telle façon, éprouve nécessairement tel ou tel désir ; et il est nécessaire aussi qu’il y ait entre la nature d’un désir et celle d’un autre désir autant de différence qu’entre les affections où chacun de ces désirs prend son origine. Donc, autant il y a d’espaces de joies, de tristesse, d’amour, etc. ; et conséquemment (par ce qui vient d’être prouvé) autant il y a d’espèces d’objets qui nous affectent, et autant il y a d’espaces de désir. C. Q. F. D.

Scholie : Entre les différentes espèces de passions, lesquelles doivent être en très-grand nombre (d’après la Propos. précédente), il en est qui sont particulièrement célèbres, comme l’intempérance, l’ivrognerie, le libertinage, l’avarice, l’ambition. Toutes ces passions se résolvent dans les notions de l’amour et du désir, et ne sont autre chose que l’amour et le désir rapportés à leurs objets. Nous n’entendons, en effet, par l’intempérance, l’ivrognerie, le libertinage, l’avarice et l’ambition, rien autre chose qu’un amour ou un désir immodéré des festins, des boissons, des femmes, de la richesse et de la gloire. On remarquera que ces passions, en tant qu’on ne les distingue les unes des autres que par leurs objets, n’ont pas de contraires. Car la tempérance, la sobriété, la chasteté, qu’on oppose à l’intempérance, à l’ivrognerie, au libertinage, ne sont pas des passions ; elles marquent la puissance dont l’âme dispose pour modérer les passions.

E3P57 : Toute passion d’un individu quelconque diffère de la passion d’un autre individu autant que l’essence du premier diffère de celle du second.

Démonstration : Cette proposition résulte évidemment de l’Axiome 1, qu’on peut voir après le Lemme 3, placé après le Schol. de la Propos. 13, partie 2. Cependant nous la démontrerons à l’aide des définitions des trois passions primitives.
Toutes les passions se rapportent au désir, à la joie et à la tristesse ; cela résulte des définitions données plus haut. Or, le désir est la nature même ou l’essence de chaque individu (voyez-en la déf. dans le Schol. de la Propos. 9, partie 3). Donc, le désir de chaque individu diffère de celui d’un autre individu autant que diffèrent leurs natures ou leurs essences. De plus, la joie, la tristesse sont des passions par lesquelles la puissance de chaque individu, c’est-à-dire son effort pour persévérer dans son être, est augmentée ou diminuée, favorisée ou empêchée (par la Propos., 11, part, 3 et son Schol.) Or, cet effort pour persévérer dans son être, en tant qu’il se rapporte en même temps à l’âme et au corps, c’est pour nous l’appétit et le désir (par le Schol. de la Propos., 9, partie 3). Donc la tristesse et la joie, c’est le désir même ou l’appétit, en tant qu’il est augmenté ou diminué, favorisé ou empêché par les causes extérieures, ce qui revient à dire (par le même Schol.) que c’est la nature même de chaque individu : d’où il suit que la joie ou la tristesse de chaque individu diffère de celle d’un autre, autant que la nature ou l’essence du premier diffère de celle du second. En conséquence, toute affection d’un individu quelconque diffère de celle d’un autre individu autant que, etc. C. Q. F. D.

E3AppD1 : Le désir, c’est l’essence même de l’homme, en tant qu’elle est conçue comme déterminée à quelque action par une de ses affections quelconque.

Explication : Nous avons dit plus haut, dans le Scholie de la propos. 9, partie 3, que le désir, c’est l’appétit avec conscience de lui-même, et que l’appétit, c’est l’essence même de l’homme, en tant que déterminée aux actions qui servent à sa conservation. Mais nous avons eu soin d’avertir dans ce même Scholie que nous ne reconnaissions aucune différence entre l’appétit humain et le désir. Que l’homme, en effet, ait ou non conscience de son appétit, cet appétit reste une seule et même chose ; et c’est pour cela que je n’ai pas voulu, craignant de paraître tomber dans une tautologie, expliquer le désir par l’appétit ; je me suis appliqué, au contraire, à le définir de telle sorte que tous les efforts de la nature humaine que nous appelons appétit, volonté, désir, mouvement spontané, fussent compris ensemble dans une seule définition. J’aurais pu dire, en effet, que le désir, c’est l’essence même de l’homme en tant qu’on la conçoit comme déterminée à quelque action ; mais de cette définition il ne résulterait pas (par la Propos. 23, partie 2) que l’âme pût avoir conscience de son désir et de son appétit. C’est pourquoi, afin d’envelopper dans ma définition la cause de cette conscience que nous avons de nos désirs, il a été nécessaire (par la même Propos.) d’ajouter : en tant qu’elle est déterminée par une de ses affections quelconque, etc. En effet, par une affection de l’essence de l’homme, nous entendons un état quelconque de cette même essence, soit inné, soit conçu par son rapport au seul attribut de la pensée, ou par son rapport au seul attribut de l’étendue, soit enfin rapporté à la fois à l’un et l’autre de ces attributs. J’entendrai donc, par le mot désir, tous les efforts, mouvements, appétits, volitions qui varient avec les divers états d’un même homme, et souvent sont si opposés les uns aux autres que l’homme, tiré en mille sens divers, ne sait plus quelle direction il doit suivre.

E4P18 : Le désir qui provient de la joie est plus fort, toutes choses égales d’ailleurs, que le désir qui provient de la tristesse.

Démonstration : Le désir est l’essence même de l’homme (par la Déf. 1 des pass.), c’est-à-dire (en vertu de la Propos. 7, part. 3) l’effort par lequel l’homme tend à persévérer dans son être. C’est pourquoi le désir qui provient de la joie est favorisé ou augmenté par cette passion même (en vertu de la Déf. de la joie, qu’on peut voir dans le Schol. de la Propos. 11, part. 3). Au contraire, le désir qui naît de la tristesse est diminué ou empêché par cette passion même (en vertu du même Schol.) ; et par conséquent la force du désir qui naît de la joie doit être mesurée tout ensemble par la puissance de l’homme et par celle de la cause extérieure dont il est affecté, au lieu que la force du désir qui naît de la tristesse doit l’être seulement par la puissance de l’homme ; d’où il suit que celui-là est plus fort que celui-ci. C. Q. F. D.

E4P21 Nul ne peut désirer d’être heureux, de bien agir et de bien vivre, qui ne désire en même temps d’être, d’agir et de vivre, c’est-à-dire d’exister actuellement.

Démonstration : La démonstration de cette proposition, ou, pour mieux dire, la chose elle-même est de soi évidente ; et elle résulte aussi de la Déf. du désir. En effet (par la Déf. des pass.), le désir de bien vivre ou de vivre heureux, de bien agir, etc., c’est l’essence même de l’homme, c’est-à-dire (par la propos. 7, part. 3) l’effort par lequel chacun tend a conserver son être. Donc nul ne peut désirer, etc. C. Q. F. D.

Ce que je dirais à ce stade c’est qu’il y a quelque incertitude… Spinoza dit bien clairement que le désir se distingue de l’entendement et qu’il n’est l’essence qu’en tant qu’elle est déterminée à quelque « action » (ou plutôt « acte ») mais aussi il identifie les deux « sec. » D’un point de vue personnel, il me semble clair que toute l’essence n’est pas désir (mais appétit, pourquoi pas : une simple résistance à la déformation du corps, par exemple, par extension du terme.) Le désir, c’est désirer quelque chose… par l'imagination (plutôt E3P12 / E3P54 que E3P6, donc.)

En revanche, ce qui est très clair c’est que le désir ne saurait du tout être la meilleure partie de l’homme, lui qui apparaît comme à l’origine de toutes les passions. Et il me semble en corrélation que faire de Spinoza un apologue du désir est vraiment très exagéré. Un apologue de l’Entendement au sens restreint (idées claires et distinctes uniquement), en revanche, oui.


Serge

P.S. Une cause de confusion vient sans doute que Spinoza parle sous le même terme de « nature », soit de la nature en l’état (n’importe laquelle), qui comprend des éléments passifs dans l’immense majorité des cas, soit de la nature « pure » (en tant que cause adéquate) qui ne se comprend que par elle-même, soit l’Entendement dans sa plus restreinte et sublime expression : la connaissance du troisième genre. Le désir n’a, à mon sens, aucunement à être évoqué dans ce cas (sauf peut-être pour dire que celui qui le vit ne désire – sans aucune tension ni attachement – vivre autrement.)

Par ailleurs, dès que l'on désire quelque chose d'extérieur on est en partie passif. Les seuls désirs actifs viennent de l'intérieur... lorsque cet intérieur est déjà suffisamment sain.
Modifié en dernier par sescho le 01 janv. 2008, 00:08, modifié 1 fois.
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Messagepar hokousai » 31 déc. 2007, 19:47

Louisa vous vous laissez aller à dire de ces choses

Puis le fait d'être cause adéquate, au sens spinoziste, n'a RIEN à voir avec le fait d'être conscient d'un acte ... !


(selon la définition des affects ) Le fait d'être cause adéquate a à voir avec l’effet . Et l'effet doit pouvoir se percevoir clairement et distinctement. Je veux bien que vous perceviez clairement sans en avoir conscience mais pour moi se percevoir clairement et se comprendre clairement et distinctement se fait sous la conscience .

Me voila bien perplexe …..

..................................


je vous l'ai déjà dit c'est la distance qui est première (ou bien la distinction de puissance d'agir) que nous nommons "étendue" . (c'est ma thèse et j 'y tiens pour le moment )

ce n'est pas l'etendue qui est première c'est la differnce de puissance dagir . De agir à pâtir il y a une échelle de puissance d' agir et cela est très spinoziste à mes yeux .

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Messagepar sescho » 31 déc. 2007, 20:00

Bon, j'ai attaqué le second point pensant que toi, Louisa, tu étais absente jusqu'à l'année prochaine (cela fait loin, dit comme cela...) Mais manifestement tu n'étais partie que d'un pied...

Louisa a écrit :Il faut en conclure, il me semble, que la raison perçoit les choses comme elles sont en soi (ce qui est tout de même très proche du noumenon kantien), tout en ne traitant, effectivement, que des propriétés qu'elles ont en commun avec d'autres choses, et non pas de leur essence. C'est dire que l'identification kantienne essence-chose en soi ici ne s'est pas encore faite (et pas par hasard, il me semble ... la "scission" (car ici il s'agit d'une véritable scission, séparation matérielle) sujet-objet que Kant allait opérer n'est pas spinoziste).

J'importe (je connais mal Kant) mais je pense toujours Spinoza : les propriétés qu'il énonce s'appliquent bien à toutes les choses particulières... qui sont concernées (d'où la notion concomitante d'essence de genre, même si le terme n'est pas explicitement utilisé.) Donc chacune en particulier. Mais d'un autre côté il dit bien que nous n'avons pas de connaissance adéquate de plein de choses par la sensation, toute connaissance venant de la sensation. Il ne reste pas l'épaisseur d'une feuille de papier à cigarette... (ma B.A. quelque peu politiquement correcte du jour, et très à propos : FUMER TUE - un fumeur.)

Louisa a écrit :D'autre part: comment la raison pourrait-elle percevoir les lois qu'ont en commun les CHOSES, si ces choses n'étaient pas - si je t'ai bien compris - les choses singulières mais les lois elles-mêmes ... ? Si l'on n'a que des idées adéquates des lois, comment encore dire (ce que Spinoza dit plusieurs fois) que nous avons une idée adéquate de quelque chose qui "est" dans le Corps humain ... ? Comment ne pas déduire du fait que nous pouvons avoir une idée adéquate de quelque chose qui EST dans le Corps humain, que nous pouvons avoir une idée adéquate d'une chose singulière? Le corps humain (ici affecté par d'autres corps, démo E2P39 par exemple) n'est-il pas une chose singulière, à tes yeux? Si non pourquoi le penserais-tu?

"Choses" comme je l'ai dit ne veut rien dire sinon que l'objet de la discussion n'est pas rien. Ce sont bien des interactions avec des choses singulières qui sont à l'origine des notions communes (comme dit, il n'y a de connaissance que dans la sensation), et par-là (et la logique) des propositions qui en découlent. Et ces choses singulières sont bien perçues en acte (bien que de façon inadéquate - ce qui ne veut pas dire totalement fausse - par ailleurs.) Mais la connaissance adéquate qui en découle n'est pas l'essence d'une chose singulière, ni extérieure, ni le corps, ni le Mental lui-même (dans la sensation même.) Les lois sont des choses mais toutes les choses ne sont pas des lois. Le Corps humain est bien une chose singulière, par contre je ne vois pas où Spinoza dit que nous avons connaissance claire de quelque chose de singulier qui se trouve dans le Corps humain. Dans E2P37 (repris dans E2P44C2Dm) Spinoza dit bien que le commun n'est l'essence d'aucune chose singulière (il ne reste donc que l'essence de Dieu.) Dans E2L2 (et E2P45), Spinoza fait référence à l'attribut commun, d'où la connaissance adéquate de l'attribut en question. Hormis les attributs, la Nature, le Mouvement dans l'Etendue et l'Entendement dans la Pensée, seules les idées des lois sont adéquates et "contenues" dans les choses singulières (ou plutôt dans les affections de ces choses.) Ces idées de lois doivent sans doute être vues comme singulières, mais elle ne traduisent pas l'essence d'une chose singulière - dans son entièreté du moins - (c'est surtout l'essence de la Nature qu'elles ont - étant partielles - pour objet.) C'est vrai qu'on peut se demander à ce stade si la Nature et ses attributs ne sont pas seuls en cause (l'idée adéquate de la Nature et de la modalité des choses finies étant en outre primordiale.) Mais dans d'autres passages, Spinoza parle bien de lois et de propriétés des choses. Une remarque à faire est que dans E2P39Dm, Spinoza parle de "propriété A."

A préciser...


Serge
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Messagepar sescho » 31 déc. 2007, 20:30

Louisa a écrit :... ne faudrait-il pas distinguer "percevoir adéquatement les choses singulières" et "percevoir adéquatement les choses singulières dans leur singularité"? ...

Ce que j'en dis, c'est que connaître une chose singulière comme étant en acte, comme étant un mode - une manière d'être - de la substance, comme ayant clairement telle propriété, tout cela participe de l'essence de cette chose et est conçu adéquatement. Dans ce sens, nous pouvons connaître adéquatement l'essence des choses singulières en partie. Ou plutôt, puisque tout ce qui peut être connu adéquatement est dans le tout, l'essence de la substance, de Dieu, de la Nature. C'est bien cela voir un mode comme un mode, autrement dit comme une manière d'être de la substance.

Pour moi, la connaissance du troisième genre (comme le montre l'exemple de la proportion, et encore E5P36CS), est décrite dans son objet par celle du deuxième (toute l'Ethique) et donc ne s'en distingue pas de ce point de vue. Mais qualitativement, elle est très supérieure (même proposition) : la vision intuitive, non verbalisée, de la chose - propriété, loi - en action dans la chose singulière, outre la primordiale paix de l'âme qui résulte de la vision de la nécessité de Dieu - la Nature en tout.


Serge

P.S. Je ne vois pas trop en quoi la distinction sujet-objet est non-spinoziste, dans la mesure où Spinoza distingue bien (partiellement) les corps, dit que toute connaissance vient de la sensation, que celle-ci marque la disposition du corps autant que celle du corps extérieur, et qu'en premier lieu elle est non-adéquate. Je ne sais pas si Kant s'est prononcé sur les notions communes ; je sais qu'il a déclaré quelques propositions métaphysiques indécidables (comme le Bouddha Gautama), au contraire de Spinoza. Je ne vois pas, compte tenu de ce que connais de Kant, d'opposition sur les catégories a priori de l'entendement (Spinoza ne se prononçant pas vraiment sur les opérations de logique elles-mêmes, mais je pense que l'on peut sans crainte les mettre comme implicitement au rang de notions communes.)
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Messagepar sescho » 31 déc. 2007, 23:13

3) Le parallélisme.

Louisa a écrit :... le parallélisme ne considère par les états immobiles. Il ne s'agit pas de comparer un esprit immobile avec les parties d'un corps. Il s'agit de regarder des chaînes causales, et de voir si systématiquement quand un changement se produit dans l'un, un changement correspondant se produit dans l'autre.

Je ne vois pas ce qui te permet de dire que le parallélisme (exposé à l'origine : E2P7 et suivantes ; un seul et même ordre) ne considère pas les états immobiles (et ce qui est valable pour la substance est valable - partiellement - pour ses modes) :

Spinoza, Éthique, traduit par E. Saisset, a écrit :E2P7CS : ... il faut ici se remettre en mémoire ce que nous avons montré plus haut, c’est à savoir que tout ce qui peut être perçu par une intelligence infinie, comme constituant l’essence de la substance, tout cela appartient à une substance unique, et, par conséquent, que la substance pensante et la substance étendue ne font qu’une seule et même substance, laquelle est conçue tantôt sous l’un de ses attributs et tantôt sous l’autre. De même, un mode de l’étendue et l’idée de ce mode ne font qu’une seule et même chose exprimée de deux manières. ...

E2P11 : Le premier fondement de l’être de l’âme humaine n’est autre chose que l’idée d’une chose particulière et qui existe en acte.

E2P13 : L’objet de l’idée qui constitue l’âme humaine, c’est le corps, en d’autres termes, un certain mode de l’étendue, lequel existe en acte et rien de plus.

Démonstration : Si, en effet, le corps n’était pas l’objet de l’âme, les idées des affections du corps ne se trouveraient pas en Dieu, en tant qu’il constitue notre âme, mais en tant qu’il constitue l’âme d’une autre chose, c’est-à-dire (par le Corollaire de la Propos. 11, partie 2) que les idées des affections du corps ne se trouveraient pas dans notre âme. Or (par l’Axiome 4, partie 2), nous avons l’idée des affections du corps. Donc l’objet de l’idée qui constitue l’âme humaine, c’est le corps, et le corps existant en acte (par la Propos. 11, part. 2). En outre, si l’âme avait, outre le corps, un autre objet, comme rien n’existe (par la Propos. 36, part. 1) d’où ne résulte quelque effet, il devrait se trouver nécessairement dans notre âme (par la Propos. 11, part. 2) l’idée de quelque effet résultant de cet objet. Or, notre âme ne possède point cette idée (par l’Ax. 5, part. 2). Donc l’objet de notre âme c’est le corps, le corps comme existant en acte, et rien de plus.

Corollaire : Il suit de là que l’homme est compose d’une âme et d’un corps, et que le corps humain existe tel que nous le sentons.

Scholie : Ce qui précède fait comprendre, non seulement que l’âme humaine est unie au corps, mais aussi en quoi consiste cette union. Toutefois, on ne s’en formera une idée adéquate et distincte qu’à condition de connaître premièrement la nature de notre corps, tout ce qui a été exposé jusqu’à ce moment étant d’une application générale et ne se rapportant pas plus à l’homme qu’aux autres individus de la nature. ...

Comment déduis-tu que seules les affections du corps sont perçues par l'âme à ce stade ?

Je n'ai pas d'objection (et n'ai jamais dit le contraire : c'est clairement affirmé dans l'Ethique et j'en ai reproduit des passages) à ce que ce qui se produit dans l'objet d'une idée donne une idée de cette affection, de plus en tant seulement qu'il y a l'idée de l'objet (et non aussi de l'affectant extérieur.) La question qu'on peut se poser par contre c'est : comment se fait-il que l'âme étant l'idée du Corps, elle n'a conscience de ce Corps que quand il est affecté ? C'est l'objet de E2P19, mais sa démonstration n'est pas - pour moi - bien claire : le fait que l'interdépendance des modes exclue le parallélisme direct. De parler d'enchaînement des causes tend effectivement à introduire seulement les interactions, mais il reste selon moi que le parallélisme annoncé par E2P7 et E2P11 est présenté comme strict.

Louisa a écrit :Sinon, donc si l'on veut prendre en considération non pas les lois qui régissent la production d'effets mais les rapports entre essences, alors là on peut dire qu'à chaque essence d'esprit correspond une essence de corps, les deux étant "immobiles et éternelles". Mais alors il ne s'agit plus de tout et parties non plus, il s'agit de l'expression différente d'une seule et même chose singulière.

Je ne comprends pas.

Louisa a écrit :... ne peut-on pas dire que l'idée ne connaît pas le Corps tout simplement parce que l'esprit n'a des idées que des MODIFICATIONS du corps, donc pas de tout ce qui ne se modifie pas? Là-dessus, l'esprit n'a ni une connaissance adéquate, ni une connaissance inadéquate. Il n'en a simplement pas d'idée.

C'est plus ou moins ce à quoi se résume ce que dit Spinoza. Mais c'est la démonstration qui est à reprendre clairement... Qu'y vois-tu ? Par ailleurs, les affections du corps ne donnent elles-mêmes, en premier lieu, que des idées inadéquates.

Louisa a écrit :... comme Spinoza n'utilise pas le mot "sensation", je suppose que tu réfères au mot affectio, affection? Si oui: il me semble être assez clair que pour Spinoza, l'idée d'une affection du corps par un corps extérieur est par définition inadéquate, car elle enveloppe les deux natures (E2P27: "L'idée d'une quelconque affection du Corps humain n'enveloppe pas la connaissance adéquate du Corps humain lui-même").

"Sensation" = "idée d'affection du Corps." Pour le reste j'en dis de même.

Louisa a écrit :euh ... pour l'instant j'interprétais la démonstration de façon assez différente. Tentative de l'expliquer: d'abord elle ne parle pas d'une affection d'une IDEE. Elle parle de l'affection de l'OBJET d'une idée. ...

L'idée de l'affection de l'objet existe et n'existe qu'en tant seulement qu'existe l'idée de l'objet : E2P9C. Par quoi contredis-tu ce corollaire ?

Louisa a écrit :... pour l'instant, je ne vois pas encore le problème?

Il n'y a pas de problème à proprement parler. Simplement, partir de l'axiome E2A4 qui dit que nous sentons les affections d'un certain corps, pour passer par le parallélisme strict (si tu le nies j'attends des démonstrations à partir du texte même de Spinoza) et aboutir après force propositions (de démonstrations non assez évidentes à mon goût) à ce que nous ne percevons rien que par les affections du corps, cela me semble assez lourd, déjà d'un point de vue logique, ensuite en regard de l'interprétation physique qui dit que nous percevons par des capteurs sensoriels.

Je passe sur la suite, qui soit a été traitée dans les messages précédents, soit comporte des affirmations non prouvées que je n'ai pas envie de faire l'effort de contredire par des extraits sérieux (mais à mon souvenir les premiers traités d'anatomie remontent à loin.)

Louisa a écrit :... il est surtout important de NE PAS en conclure que pour Spinoza l'esprit avait un lieu corporel précis!! Car d'une part (2e objection) jamais il ne dit cela (au contraire, il définit l'esprit comme un mode d'un attribut qui n'a RIEN en commun avec l'étendue, et qui donc ne peut être défini en termes spatiaux), et d'autre part (3e objection) ce n'est pas parce que éventuellement une étude scientifique aurait permet de découvrir le trajet du traitement corporel des données visuelles (dont on sait aujourd'hui qu'il va vers le lobe occipital, donc non pas au milieu du cerveau mais au fond du cerveau, en arrière de la tête en bas), que du coup l'on pourrait en déduire que c'est LÁ que se trouve l'esprit!!

Je n'ai jamais dit quoi que ce soit de cette sorte. Mais le parallélisme, comme je l'ai déjà dit, n'exclut nullement une localisation corporelle, au contraire : tout mode fini étendu est localisé. Si c'est surtout localisé dans le cerveau, et bien soit, où est le problème ? Ce qui est sous-tendu est qu'une pensée n'a pas de localisation, mais le phénomène corporel qui lui est parallèle, si ! Où qu'il se trouve dans le corps ! C'est pourquoi le parallélisme ne me semble contestable : comme l'a dit Hokousai, tant qu'une idée n'aura pas été prédite ab initio à partir de phénomènes physiques, ce qui ne se dessine pas (autrement que par restitution de corrélation antérieure, s'entend.)

Pour les connaissances en anatomie de l'époque :

E5Pré : ... Ajoutez que cette glande n’est pas placée dans le cerveau de manière à recevoir facilement tant d’impulsions diverses, et que tous les nerfs ne s’étendent pas jusqu’aux cavités du cerveau. ...

Louisa a écrit :
Sescho a écrit :En fait, le parallélisme pur avec le corps est pour Spinoza synonyme d'imagination.


je ne vois pas quels arguments tu pourrais avancer pour affirmer cela.

C'est un peu exagéré. Pour Spinoza percevoir les corps extérieurs par les sensations c'est autant sinon plus exprimer la nature du Corps que celle des corps extérieurs (E2P16 et spécialement le corollaire 2), ce qui se rapproche naturellement et directement de l'imagination au sens commun décrite dans E2P17. Dans les deux cas il s'agit toujours de parallélisme, car dans l'Homme celui-ci s'établit entre l'âme humaine et le corps humain - y compris, donc, la mémoire et l'imagination - et rien d'autre.

Amicalement


BONNE ANNEE 2008 A TOUS ! :D


Serge

P.S. En passant, E2P28 dit bien que les sensations (idées d'affections du Corps) ne sont pas adéquates dans l'âme humaine.
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Messagepar hokousai » 01 janv. 2008, 01:06

Cher Serge je vous souhaite une sereine année .

La question qu'on peut se poser par contre c'est : comment se fait-il que l'âme( l’esprit !) étant l'idée du Corps, elle( il )n'a conscience de ce Corps que quand il est affecté ?


C est qu à mon avis le corps existe tel que nous le sentons .Ce qui existe ce n’est pas le corps mais les effets des affections du corps . L’idée de l’affection et l’affection du corps sont une seule et même chose mais comprise comme pensée (c’est l’idée que j’ai ou ma conscience d’être affecté , d’ avoir mal au dent par exemple ) ou comme étendue c’est l’affection du corps ( spatialisée : j’ ai mal à tel endroit)

Il me semble que si je perds l’idée ( ou la conscience ),je n’ai plus mal , je n’ai plus d’affection du corps .
Je ne vois pas à partir du spinozisme comment prouver que j’ ai un corps quand je n’en ai plus conscience(ou l’idée ).

Peut- on avoir une idée claire et distincte des idées confuses et très confuses voire inconscientes ?

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Messagepar sescho » 01 janv. 2008, 10:39

Cher Hokousai,

hokousai a écrit :Cher Serge je vous souhaite une sereine année.

Merci, et réciproquement.

hokousai a écrit :C est qu à mon avis le corps existe tel que nous le sentons .Ce qui existe ce n’est pas le corps mais les effets des affections du corps . L’idée de l’affection et l’affection du corps sont une seule et même chose mais comprise comme pensée (c’est l’idée que j’ai ou ma conscience d’être affecté , d’ avoir mal au dent par exemple ) ou comme étendue c’est l’affection du corps ( spatialisée : j’ ai mal à tel endroit)

La correspondance de l'affection et de l'idée de l'affection ne me pose pas de problème et c'est bien in fine de ce que dit Spinoza. Ce qui me pose problème est donc secondaire, c'est de comprendre comment Spinoza aboutit à cela en partant du parallélisme strict du Corps et du Mental (esprit, âme), même en considérant que le Corps en question n'est pas ses parties, mais le rapport seulement qu'ont ces parties entre elles (E2P24, si je l'interprète bien.) Il y a peut être à piocher de ce côté là, en comparaison de E2P15 :

Spinoza, Ethique, traduit par E. Saisset, a écrit :E2P15 : L’idée qui constitue l’être formel de l’âme humaine n’est pas simple, mais composée de plusieurs idées.

Démonstration : L’idée qui constitue l’être formel de l’âme humaine, c’est l’idée du corps (par la Prop. 13, partie 2), lequel est composé (par le Post. l) de plusieurs individus fort composés eux-mêmes. Or, l’idée de chacun des individus dont le corps est composé se trouve en Dieu (par le Corollaire de la Propos. 8, partie 2) ; donc (par la Propos. 7, partie 2) l’idée du corps humain est composée de toutes les idées des parties qui composent le corps humain. C. Q. F. D.

E2P24 : L’âme humaine n’enveloppe pas la connaissance adéquate des parties qui composent le corps humain.

Démonstration : Les parties qui composent le corps humain ne se rapportent point à son essence, si ce n’est en tant qu’elles se communiquent leurs mouvements suivant un certain rapport (voyez la Déf. après le Corollaire du Lemme 3), et non pas en tant qu’on les considère comme des individus, sans regard au corps humain. Les parties du corps humain, en effet (par le Post. 1), sont des individus très composé, dont les parties (par le Lemme 4) peuvent être séparées du corps humain, sans que sa nature et sa forme en soient altérées, et communiquer leurs mouvements à d’autres corps suivant des rapports différents (voir l’Axiome 2 après le Lemme 3) ; en conséquence (par la Propos. 3, partie 2), l’idée où connaissance de chaque partie du corps humain se trouvera en Dieu (par la Propos. 9, partie 2), et elle s’y trouvera en tant que Dieu est affecté de l’idée d’une autre chose particulière, laquelle est, dans l’ordre de la nature, antérieure à cette partie (par la Propos. 7, partie 2). Il faut en dire autant de chaque partie de l’individu lui-même qui sert à composer le corps humain ; de façon que la connaissance de chacune des parties qui forment le corps humain se trouve en Dieu, en tant qu’il est affecté de plusieurs autres idées, et non pas en tant qu’il a l’idée du corps humain, c’est-à-dire (par la Propos. 13, partie 2) l’idée qui constitue la nature de l’âme ; par conséquent (en vertu du Corollaire de la Propos. 11, partie 2) l’âme humaine n’enveloppe pas une connaissance adéquate des parties qui composent le corps humain. C. Q. F. D.

Sur ce que vous dites, "le Corps existe tel que nous le sentons", je trouve la phrase trop générale et tôt dans E2 (E2P13C, sans démonstration directe) pour considérer que c'est une preuve suffisante. Mais c'est vrai que la question mérite largement d'être posée. D'autant que le scolie suivant met bien en parallèle "agir et pâtir" et "percevoir" ; toutefois, c'est en annonçant la suite... E2P14 le reprend. Il y aussi avant E2L1 qui dit que les corps ne se distinguent que par le mouvement et le repos. En toute logique, cependant, suivant la démarche même de Spinoza, c'est en partant de la démonstration de E2P19 - qui fait appel à 7 propositions - qu'il faut trouver la clef (qui ne comprend pas, au moins immédiatement, le thème des "parties" données ci-dessus.) Je ne vois pas d'autre solution que l'appel à E2P11C pour l'élimination du parallélisme strict, et pour l'instant je considère que c'est abusif vis-à-vis du libellé même de ce corollaire.

hokousai a écrit :Il me semble que si je perds l’idée ( ou la conscience ),je n’ai plus mal , je n’ai plus d’affection du corps .
Je ne vois pas à partir du spinozisme comment prouver que j’ ai un corps quand je n’en ai plus conscience(ou l’idée ).

Pour le premier point, c'est ce me semble spinozien ; en revanche l'usage des antalgiques et autres anesthésiques, par exemple, fait quelque peut douter de la véracité de la chose (en ne supprimant pas pour autant l'attaque infectieuse)... Sur le second point (qui, de mémoire dépasse largement le spinozisme), une idée est toujours idée de quelque chose dans l'étendue, (ou de Dieu - qui est en particulier étendu - si elle est adéquate.)

hokousai a écrit :Peut- on avoir une idée claire et distincte des idées confuses et très confuses voire inconscientes ?

Selon Spinoza et la logique : non.

Amicalement

Serge
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Messagepar hokousai » 01 janv. 2008, 12:27

cher Serge



Ce qui me pose problème est donc secondaire, c'est de comprendre comment Spinoza aboutit à cela en partant du parallélisme strict du Corps et du Mental (esprit, âme),


Je me demande s’il part d’ où vous dîtes pour aboutir à cela .
Bien au contraire le parallélisme me semble une déduction toute théorique .. IL y a un fil de pensée chez Spinoza qui lie le corps et l’esprit et un fil de pensée qui les délie ..

Le corps et l’ esprit lié sont( pour l’ensemble) dans la confusion , une semi obscurité ,l’idée du corps humain semble une idée des plus obscures et Spinoza la place en en Dieu et hors contexte (cf le texte que vous citez » » et non pas en tant qu’il a l’idée du corps humain, » »

Mais il fallait que la maison tienne debout sur ses deux pieds ou sur deux pieds car il semble bien que Spinoza soit instinctivement réaliste c’est à dire que des corps il n’ est pas question d’en faire un phénomène (voire une apparence produite par l’imagination ) Le rapport , l’ union observée , est sous tendu (en gros par la théorie des essences) et là où Berkeley s’arrête ( il est postérieur à Spinoza ) Spinoza sous tend le phénomène corporel par les essences des corps (essence des corps véritablement difficile à évacuer du spinozisme )

Le parallélisme est ancré dans l’apparition de la chose pensante et de la chose étendue (corol 2 prop 14/1)
Mais Pour tout dire le lien théorique entre le scolie de la prop 15/1( sur l’indivisibilité de la substance ) et les axiomes de partie 2 est pour moi très difficile à établir

……………………………………………………

. en revanche l'usage des antalgiques et autres anesthésiques, par exemple, fait quelque peut douter de la véracité de la chose (en ne supprimant pas pour autant l'attaque infectieuse).


Oui bien sûr je n’oublie jamais ce genre de considérations ..et c’est un vrai problème posé à l’immatérialisme de Berkeley (ou à l’idéalisme en général ) que l’existence des corps quand je ne les vois pas .Mais Berkeley dirait que ce n’est pas vraiment son problème puisque c’est essentiellement l’idée de matière qu’il critique .

Je pense l’union de l’esprit et du corps comme ce n’est qu’une une seule chose pensée sous deux attributs qui sont des manières de penser ( à mon avis )
ce qui ne veux pas dire qu’il n’y a plus rien ( le néant) quand l’idée et l’affect sont confus ou encore quand l’idée et l’a affect ne sont plus dans ma conscience . Pour quoi n y rait il pas encore la chose .. la chose oui ! mais quelle chose ? disons quelque chose….

..quelque chose qu on rattrape (parfois )par une autre manière de penser qui est l’observation de l’ infection par d’autres moyens que l’idée de la douleur .
Mais alors là on va spatialiser beaucoup plus franchement que dans l’ idée de l’affect .
( je tiens à cette idée que la spatialisation est liée à l activité,.ma présence au monde si vous voulez, elle est plus ou moins médiatisée .( d’ immédiate à très médiatisée et plus il y a de médiations, plus on spatialise ..disons que plus on va voir des coprs que des idéees )

bien à vous

j luc Hokousai


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