|
 |
· Accueil · Lire
et comprendre
· Réfléchir
· Téléchargements
· Liens
· Votre
compte
· Messages
privés
· Proposer
article
· Forum
· Rechercher
· Quizz
· Sondages
· Recommander
· Statistiques
· Top
10
· Contact |
 |
|
|
COURT TRAITÉ
PARTIE
I
CHAPITRE VI
DE LA PRÉDESTINATION DIVINE.
(1) La troisième propriété
de Dieu est la prédestination divine.
Il a été démontré antérieurement :
1° Que Dieu ne peut omettre de faire ce qu’il fait, c'est-à-dire
que toutes choses ont été créées aussi parfaites
qu'elles puissent être ;
2° Qu'aucune chose ne peut exister, ni être conçue sans lui.
(2) Maintenant nous avons à nous demander s'il
y a en Dieu des choses contingentes, c'est-à-dire qui puissent
être ou n'être pas, et en second lieu s'il y a quelque chose
dont nous ne puissions demander pour quelle raison elle est.
Voici comment nous démontrons qu'il n'y a pas de choses contingentes
:
Tout ce qui n'a pas une cause d'existence est impossible. Or tout ce qui
est contingent est ce qui n'a pas en soi de cause d'existence. Donc...
–
La majeure précédente est hors de doute : la mineure se
démontre ainsi : si un contingent a une cause certaine et déterminée
d'existence, il est nécessaire qu'il soit. Mais qu'une chose soit
à la fois contingente et nécessaire, c'est ce qui répugne.
Donc... –
(3) Quelqu'un dira peut-être que le contingent
n'a pas une cause certaine et déterminée, mais seulement
contingente. A quoi je réponds : s'il en était ainsi,
il faudrait entendre ce principe soit dans le sens divisé (sensu
diviso), soit dans le sens composé (sensu composito)
: dans le premier sens, ce serait dire que l'existence de telle cause
est contingente, mais non pas en tant qu'elle est cause ; dans le second
sens, au contraire, elle serait contingente, non pas en soi, mais en tant
que cause. Or l'une et l'autre de ces hypothèses sont fausses.
Pour la première, en effet, si le contingent n’est tel que parce
que l'existence de sa cause est contingente, il s'ensuivra que cette cause
elle-même ne sera contingente que parce qu'elle aura à son
tour une cause contingente, et cela à l'infini. Et comme on a vu
que tout dépend d’une cause unique, cette cause elle-même
devrait être contingente, ce qui est manifestement faux. Quant à
la seconde hypothèse, si cette cause, en tant que cause, n'était
pas déterminée à produire ou à omettre une
chose plutôt qu'une autre, il serait impossible qu'elle produisit
ou omît cette chose : ce qui répugne.
(4) Quant à la seconde question : existe-t-il
quelque chose dans la nature dont on ne puisse demander pourquoi il est,
cela revient à dire que nous devons chercher par quelle cause quelque
chose existe ; car, sans cette cause, la chose elle-même n'existerait
pas.
Or cette cause doit être cherchée soit dans la chose, soit
hors d'elle. Si on nous demande une règle pour faire cette recherche,
nous dirons qu'il n'en est besoin d'aucune ; car, si l'existence appartient
à la nature de la chose, il est certain que nous n'avons pas à
en chercher la cause hors d'elle ; et s'il n'en est pas ainsi, c'est au
contraire en dehors d'elle que la cause doit être cherchée.
Or, comme le premier ne se trouve qu’en Dieu, il s'ensuit, comme nous
l'avons déjà montré, que Dieu est la première
cause de toutes choses.
(5) Il suit de là que même telle ou telle
volition de l'homme (car l'existence de la volonté n'appartient
pas à son essence) veut une cause externe, par laquelle elle est
nécessairement causée, ce qui d'ailleurs résulte
évidemment de tout ce que nous venons de dire dans ce chapitre,
et deviendra plus évident encore quand nous traiterons dans notre
seconde partie de la liberté humaine.
(6) D'autres philosophes nous objectent : Comment peut-il
se faire que Dieu, cause unique et souverain parfait, ordonnateur et pourvoyeur
de toutes choses, ait permis dans la nature le désordre qui y règne
? pourquoi n'a-t-il pas créé l'homme incapable de pécher ?
(7) Pour ce qui est du désordre de la nature,
on ne peut l’affirmer avec certitude, car nous ne connaissons pas assez
les causes de toutes choses pour pouvoir en juger. Cette objection vient
de cette ignorance qui consiste à poser des idées universelles,
auxquelles certains philosophes pensent que les choses particulières
doivent se conformer pour être parfaites. Ils placent ces idées
dans l'entendement divin : c'est pourquoi beaucoup de sectateurs de Platon
ont dit que ces idées universelles, par exemple celle de l’animal
raisonnable, ont été créées par Dieu. Et quoique
les aristotéliciens disent que de telles idées n'existent
pas, et ne sont que des êtres de raison, cependant eux-mêmes
semblent souvent les considérer comme des choses réelles,
puisqu’ils disent expressément que la Providence n'a pas égard
aux individus, mais seulement aux genres ; que, par exemple, Dieu n'a
jamais appliqué sa providence à Bucéphale, mais au
genre cheval en général. Ils disent encore que Dieu n’a
pas la science des choses particulières et périssables,
mais seulement des choses générales, qui, dans leur opinion,
sont immuables : ce qui atteste leur ignorance ; car ce sont précisément
les choses particulières qui ont une cause, et non les générales,
puisque celles-ci ne sont rien. Donc, Dieu n'est cause et providence que
des choses particulières ; et ces choses particulières
ne pourraient se conformer à une autre nature sans cesser par là
même de se conformer à la leur propre ; et par conséquent
elles ne seraient pas ce qu’elles sont. Par exemple, si Dieu eût
créé tous les hommes tels qu'Adam avant le péché,
il n'eût créé qu'Adam et non pas Pierre et Paul ;
tandis qu'au contraire en Dieu la vraie perfection consiste à donner
à toutes choses depuis les plus petites jusqu'aux plus grandes,
leur essence, ou, pour mieux dire, à posséder en lui toutes
choses d’une manière parfaite.
(8) Quant à l’autre point, à savoir pourquoi
Dieu n'a pas créé des hommes tels qu’ils ne pussent pécher,
je réponds que tout ce qui est dit du péché ne l’est
qu'au point de vue de notre raison ; comme lorsque nous comparons deux
choses entre elles, ou une même chose à deux points de vue
différents : par exemple, si quelqu’un fait une horloge apte à
sonner et à indiquer les heures, et que l'ouvrage soit bien d'accord
avec la fin que s'est proposée l’auteur, on appelle une telle œuvre
bonne ; sinon nous l'appelons mauvaise, quoiqu'elle puisse
être bonne même alors, si le but de l’auteur eût été
de la rendre détraquée et sonnant hors de propos.
(9) Nous concluons donc que Pierre doit convenir nécessairement
avec l’idée de Pierre, et non avec l'idée de l'homme, et
que le bien ou le péché ne sont que des modes de la. pensée
et non pas des choses quelconques, ayant une existence réelle,
comme nous le démontrerons peut-être plus amplement encore
dans les chapitres suivants, car toutes les choses et les œuvres de la
nature sont parfaites.
|
 |
|