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COURT TRAITÉ
PARTIE
I
CHAPITRE VII
DES PROPRIÉTÉS QUI N’APPARTIENNENT PAS
A DIEU.
(1) Nous avons maintenant à
parler des propriétés 1
qui sont communément attribuées à Dieu, mais qui
ne lui appartiennent cependant pas, et aussi de celles par lesquelles
on essaye de démontrer l'existence de Dieu, mais sans succès
; et enfin des règles d’une vraie définition.
(2) Pour cela, nous ne nous préoccuperons pas
des images que les hommes se font habituellement de Dieu ; mais nous résumerons
brièvement ce que les philosophes ont coutume d'en dire. Par exemple
ils ont défini Dieu, un être qui subsiste par lui-même
ou qui ne sort que de lui-même, cause de toutes choses, tout-puissant,
omniscient, éternel, infini, souverain bien, d'une infinie miséricorde,
etc. Mais, avant d'entreprendre cette recherche, voyons d'abord ce qu'on
nous accorde :
(3) 1° D'abord ils disent qu'aucune définition
vraie et adéquate ne peut être donnée de Dieu ;
car ils n'admettent aucune définition que celle qui se fait par
le genre et la différence ; or, comme Dieu n'est pas une espèce
dans un certain genre, il ne peut être correctement et régulièrement
défini.
(4) 2° Ils disent en outre que Dieu ne peut pas être
défini, parce que la définition doit exprimer la chose en
elle-même et d'une manière affirmative, tandis qu'on ne peut
pas parler de Dieu d'une manière affirmative, mais seulement négative
; donc on ne peut en donner une définition exacte.
(5) 3° En outre, ils disent encore que Dieu ne peut absolument
pas être prouvé a priori, parce qu'il n'a pas de cause,
mais qu'il ne peut être prouvé que d'une manière probable
et par ses effets.
Puisqu’ils nous accordent eux-mêmes par ces diverses opinions quelle
faible et pauvre connaissance ils ont de Dieu, nous pouvons maintenant
entrer dans l'examen de leur définition.
(6) D’abord, nous ne voyons pas qu’ils nous donnent en
réalité des attributs ou des propriétés,
par lesquels la chose (c'est-à-dire Dieu) puisse être connue
dans ce qu'elle est, mais seulement des propres (propria), qui
sans doute appartiennent bien à une chose, mais sans nous éclairer
en rien sur ce qu'elle est. Car, lorsqu’on nous dit qu'un être subsiste
par lui-même, qu'il est la cause de toutes les choses, qu'il est
souverain bien, éternel, immuable, etc. ; tout cela sans doute
est propre à Dieu, mais ne nous apprend pas quelle est son essence
et quelles sont les vraies propriétés de cet être
auquel ces propres appartiennent.
(7) Il est temps aussi de considérer les choses
qu’ils attribuent à Dieu et qui ne lui appartiennent pas 2,
comme sont par exemple l'omniscience, la miséricorde infinie, toutes
choses qui ne sont que des modes particuliers de la chose pensante, et
qui ne peuvent en aucune façon exister ni être comprises
sans la substance dont ils sont les modes, et qui par conséquent
ne doivent pas être attribuées à Dieu, en tant qu’essence
subsistant par lui-même.
(8) Enfin lorsqu’ils disent que Dieu est le souverain
bien, s'ils entendent par là autre chose que ce qu'ils ont déjà
dit, à savoir que Dieu est immuable et cause de toutes choses,
ils s’égarent dans leur propre concept et ne se comprennent pas
eux-mêmes ; ce qui vient de leur erreur fondamentale sur le concept
du bien et du mal, croyant que c'est l’homme et non pas Dieu qui est la
cause de ses péchés et de son propre mal, ce qui ne peut
être, comme nous l’avons démontré ; autrement,
nous serions forcés d’affirmer que l'homme est la cause de lui-même.
C'est ce que nous éclaircirons encore plus tard, lorsque nous traiterons
de la volonté de l’homme.
(9) Maintenant, il est nécessaire de réfuter
les sophismes par lesquels ils essayent de justifier leur propre ignorance.
Ils disent d’abord qu'une bonne définition doit se faire par le
genre et la différence. Mais, quoique cela soit accordé
par tous les logiciens, je ne sais pas cependant d'où ils tirent
cette règle ; car, si cela était vrai, on ne pourrait absolument
rien savoir ; en effet, si nous ne connaissons pleinement une chose qu'à
l'aide d'une définition par le genre et la différence, nous
ne pourrons jamais connaître parfaitement le genre le plus élevé,
puisqu’il n'a aucun genre au-dessus de lui ; mais si nous ne pouvons pas
connaître le genre suprême, qui est la cause de la connaissance
de toutes les autres choses, encore moins pourrons-nous connaître
et comprendre ces choses, qui ne sont expliquées que par la première.
Mais, puisque nous sommes libres et nullement liés à leurs
opinions, établissons par la vraie logique d'autres règles
de la définition, conformément à la distinction que
nous faisons dans la nature.
(10) Nous avons vu que les attributs (ou, comme d'autres
les appellent, les substances) sont des choses, ou, pour parler plus exactement,
sont un seul être qui existe par lui-même et par conséquent
ne peut être connu que par lui-même Pour les autres choses,
nous voyons qu'elles ne sont que des modes de ces attributs, sans lesquels
elles ne peuvent ni exister ni être comprises. Les définitions
doivent donc être de deux sortes d'espèce :
1° Les définitions des attributs qui appartiennent à un
être subsistant par lui-même, lesquels n'ont besoin du concept
d'aucun genre, ni de quoi que ce soit, car puisqu’ils sont les attributs
d’un être subsistant par lui-même, ils sont aussi connus par
eux-mêmes.
2° Les définitions des autres choses qui ne subsistent par elles-mêmes,
mais seulement par les attributs dont elles sont les modes et par lesquels
elles peuvent être comprises, comme par leurs genres.
En voilà assez sur leur théorie de la définition.
Pour le second point, à savoir que Dieu ne peut être connu
par nous d’une manière adéquate, il y a été
suffisamment répondu par Descartes dans ses Réponses
aux objections qui concernent précisément cette question.
(11) Enfin, quant au troisième point, que Dieu
ne peut être prouvé a priori, nous y avons déjà
répondu (ch. Ier) : car, puisque Dieu est cause de lui-même,
il suffit de le prouver par lui-même ; et une telle preuve est beaucoup
plus rigoureuse que la preuve a posteriori qui n'a lieu d’ordinaire
que par le moyen des causes extérieures.
_____________________
NOTES
1. Quant aux attributs qui constituent
véritablement Dieu, ils ne sont autre chose que des substances
infinies, dont chacune est infiniment parfaite ; c’est ce que nous démontrons
par des raisons claires et distinctes. Il est vrai que, de ces attributs
en nombre infini, nous n'en connaissons jusqu'ici que deux par leur essence
propre, à savoir la pensée et l’étendue. En outre,
tous ceux qui sont communément attribués à Dieu ne
sont pas des attributs, mais seulement certains modes qui peuvent être
affirmés de lui, soit par rapport à tous ses attributs,
soit par rapport à un seul ; par exemple, par rapport à
tous, on dira que Dieu est éternel, subsistant par lui-même,
infini, cause de tout, immuable ; et, par rapport à un seul, par
exemple, qu’il est omniscient (ce qui se rapporte à l’attribut
de la pensée), qu'il est partout, qu'il remplit tout (ce qui a
rapport à l'attribut de l'étendue).
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2. J'entends Dieu considéré
en lui-même, dans l’ensemble de ses attributs.
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