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COURT TRAITÉ
PARTIE II
CHAPITRE XVI
DE LA VOLONTÉ.
(1) Sachant
maintenant ce que c'est que le bien et le mal, le vrai et le faux, et
en quoi consiste le bonheur de l'homme parfait, il est temps de venir
à la connaissance de nous-mêmes et de voir si pour arriver
à ce bonheur nous sommes libres ou nécessités.
Il faut demander d'abord à ceux qui admettent
l’existence d'une volonté, ce que c'est que cette volonté
et en quoi elle se distingue du désir.
(2) Nous appelons désir cette
inclination de l'âme qui la porte vers ce qu’elle reconnaît
comme un bien. Avant donc que notre désir se porte extérieurement
vers quelque objet, il a fallu d'abord porter un jugement, à savoir
que telle chose est bonne. C'est cette affirmation prise d’une manière
générale comme puissance d’affirmer ou de nier qui s'appelle
la volonté 1.
(3) Voyons donc si cette affirmation
a lieu en nous librement ou nécessairement, c'est-à-dire
si, lorsque nous affirmons ou nions quelque chose, nous le faisons sans
y être contraints par aucune cause externe. Nous avons déjà
démontré que la chose, qui n'est pas conçue par elle-même,
dont l’essence n’enveloppe pas l'existence, doit avoir nécessairement
une cause externe, et qu’une cause qui doit produire quelque action, la
produit d'une manière nécessaire. Il s'ensuit évidemment
que la puissance de vouloir ceci ou cela, d'affirmer ceci ou cela, qu'une
telle puissance, dis-je, doit venir d'une cause extérieure 2,
et d'après la définition que nous avons donnée de
la cause, qu'une telle cause ne peut être libre.
(4) Cela ne satisferait probablement
pas quelques-uns, plus habitués à occuper leur esprit avec
des êtres de raison qu’avec les choses particulières qui
seules existent réellement dans la nature : en conséquence
de quoi ils traitent ces êtres de raison non comme tels, mais comme
des êtres réels. Car, l'homme ayant telle ou telle volition,
il en fait un mode général (de penser) qu’il appelle volonté,
de même que de l'idée de tel ou tel homme particulier il
se fait une idée générale de l’homme ; et, comme
il ne sait pas séparer les êtres réels des êtres
de raison, il s'ensuit qu’il considère ceux-ci comme des choses
réelles, et ainsi il se considère comme étant lui-même
une cause, comme il arrive dans la question dont nous parlons. Car on
se demande pourquoi l'homme veut ceci ou cela, et la réponse est
: parce qu’il a une volonté. Cependant la volonté, comme
nous l'avons dit, n'étant que l'idée généralisée
de telle ou telle volition particulière, n'est par conséquent
qu'un mode de la pensée, un ens rationis et non un ens
reale ; rien par conséquent ne peut être causé
par là, car rien ne vient de rien. Si donc la volonté n'est
pas une chose dans la nature, mais seulement une fiction, il n'y aura
pas lieu de se demander si elle est libre ou non.
(5) Maintenant, s'agit-il de telle ou
telle volition particulière, c'est-à-dire de l'affirmation
et de la négation, pour savoir si nous sommes libres ou non, il
suffit de se souvenir que l'acte de connaître est une pure passion,
de sorte que nous n'affirmons, ne nions jamais quoi que ce soit de quelque
chose ; mais c’est la chose elle-même qui en nous affirme ou nie
quelque chose d'elle-même.
(6) Plusieurs se refusent à nous
accorder cela, persuadés qu'ils peuvent à volonté
affirmer ou nier d'un objet quelque chose d'autre que ce qu'ils ont dans
l'esprit ; mais cela vient de ce qu'ils ne font pas de différence
entre l'idée d'une chose dans l'esprit et les mots par lesquels
elle est exprimée. Il est vrai que lorsque quelque raison nous
y porte, nous pouvons, soit par des mots, soit par tout autre moyen, communiquer
aux autres sur une chose une pensée différente de celle
que nous avons réellement. Mais il est impossible que nous-mêmes,
par le moyen des mots ou de tout autre signe, nous sentions autre chose
que ce que nous sentons : ce qui est clair pour tous ceux qui font attention
à leur intelligence, abstraction faite de l'usage des signes.
(7) On pourra nous objecter que, si c'est
la chose elle-même qui en nous se nie ou s'affirme (et non pas nous-mêmes
qui nions ou affirmons), s'il en est ainsi, rien ne peut être nié
ou affirmé qui ne soit d accord avec la chose ; et alors, par conséquent,
il ne peut y avoir aucune fausseté, car le faux consiste, avons-nous
dit, en ce que l'on affirme ou l'on nie d'une chose ce qui ne s'accorde
pas avec elle, c'est-à-dire précisément avec ce qu'elle
ne nie pas ou n'affirme pas d'elle-même. Mais je pense que, si l'on
fait attention à tout ce que nous avons dit, sur le vrai et sur
le faux, on trouvera que cette objection a été suffisamment
réfutée. En effet, avons-nous dit, c'est l'objet qui est
la cause de ce qui est affirmé ou nié de lui, du vrai comme
du faux : seulement le faux consiste en ce que nous n'apercevons d'un
objet qu'une partie, et que nous nous figurons que c'est l'objet lui-même
tout entier qui nie ou affirme telle chose de lui-même considéré
comme tout : ce qui arrive surtout dans les âmes faibles, qui reçoivent
facilement, par la plus faible action de l'objet, une idée dans
leur âme, en dehors de laquelle ils ne peuvent rien affirmer ou
nier.
(8) Enfin on dira encore qu'il y a bien
des choses que nous pouvons vouloir ou ne pas vouloir, comme par exemple
affirmer ou nier, dire la vérité ou ne pas la dire. Cette
objection vient de ce que l'on ne distingue pas assez le désir
de la volonté. Car, quoique l'un et l'autre soient une affirmation
ou une négation d'une chose, elles diffèrent cependant en
ce que la dernière est dite sans aucun égard à ce
qu'il peut y avoir de bon et de mauvais dans la chose, et le premier au
contraire a égard à ce point de vue ; c'est pourquoi le
désir, même après l'affirmation et la négation
que nous avons faite d'une chose, demeure encore, à savoir le désir
d'obtenir ce que nous avons senti ou affirmé être bon, de
telle sorte que la volonté peut bien exister sans désir,
mais non le désir sans la volonté.
(9) Donc toutes les actions dont nous
avons parlé, en tant qu’elles sont accomplies par la raison sous
la forme du bien, ou rejetées par elle sous la forme du mal, ne
peuvent être rangées que dans les inclinations de l'âme
que l’on nomme désirs, et non sous la catégorie et le nom
de volonté.
______________________________
NOTES :
1. La volonté,
prise pour l'affirmation ou pour le jugement, se distingue de la vraie
foi et de l'opinion. Elle se distingue de la vraie foi en ce qu’elle peut
s'étendre à ce qui n'est pas vraiment bon ; et en ce
que la conviction qui s'y trouve n'est pas de nature à voir clairement
qu’il est impossible qu'il en soit autrement, ce qui au contraire a lieu
et ne doit avoir lieu que dans la vraie foi d'où ne peuvent naître
que de bons désirs. D'un autre coté la volonté se
distingue de l'opinion, en ce que, dans certains cas, elle peut être
assurée et infaillible, tandis que l'opinion ne consiste que dans
la conjecture et dans l’à peu près ; si bien qu'on pourrait
l'appeler foi vraie, en tant qu'elle est capable de certitude et opinion
en tant qu'elle est sujette à l'erreur.
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2. Il est certain que
la volonté particulière doit avoir une cause externe, par
laquelle elle est ; car l'existence n’appartenant pas à son essence,
elle doit nécessairement être par l'existence d'une autre.
Si l'on dit que la cause de cette volition n’est pas une idée,
mais la volonté elle-même, et qu’elle ne saurait exister
sans l'entendement, que la volonté par conséquent, prise
en soi d’une manière indéterminée, de même
que l'entendement, ne sont pas des êtres de raison, mais des êtres
réels, je réponds qu'en ce qui me concerne, si je considère
attentivement ces objets, je n'y vois que des concepts universels, et
je ne puis leur attribuer aucune réalité. Accordons cependant
ce qu'on nous demande, on devra toujours avouer que la volition est une
modification de la volonté, comme les idées sont des modes
de l’intelligence : donc l'intelligence et la volonté sont des
substances distinctes et diffèrent l'une de l'autre réellement,
car c'est la substance, non le mode, qui est modifiée. Si maintenant
on admet que l'âme dirige l'une et l'autre substance, il y aura
donc une troisième substance : toutes choses si confuses qu'il
est impossible de s'en faire une idée distincte. Car, comme les
idées ne sont pas dans la volonté, mais dans l'entendement,
suivant cette règle que le mode d'une substance ne peut passer
dans une autre, l'amour ne pourra pas naître dans la volonté,
puisqu'il implique contradiction de vouloir quelque chose dont l'idée
n'est pas dans la puissance voulante elle-même.
Dira-t-on que la volonté, par son
union avec l’intelligence, peut percevoir ce que l’entendement conçoit,
et par conséquent l'aimer ? nous répondons que percevoir
est encore un mode de l’intelligence et ne peut par conséquent
être dans la volonté, lors même qu'il y aurait entre
la volonté et l'entendement une union du même genre que celle
qui existe entre le corps et l'âme ; car admettons que l'âme
soit unie au corps comme on l'entend habituellement ; cependant le
corps ne sent pas et l'âme n'est pas étendue. Si l’on dit
encore que c'est l'âme qui gouverne les deux, entendement et volonté,
cela est non-seulement impossible à comprendre, mais encore se
détruit soi-même, puisqu'en parlant ainsi on semble nier
précisément que la volonté soit libre.
Pour en finir, car je ne puis ajouter
ici tout ce que j'ai à dire contre l'hypothèse d'une substance
créée, je dirai encore brièvement que la liberté
de la volonté ne concorde en aucune façon avec la théorie
de la création continue, telle que les mêmes philosophes
(les Cartésiens) l’entendent, à savoir : que Dieu n'use
que d'une seule et même activité pour conserver une chose
dans l'être et pour la créer, autrement, elle ne pourrait
subsister un seul instant. S'il en est ainsi, rien ne peut être
attribué en propre à la chose, mais on devrait dire que
Dieu l'a créée telle qu'elle est, car n'ayant pas le pouvoir
de se conserver, elle a bien moins encore celui de se produire elle-même.
Si donc on disait que l’âme tire sa volonté d'elle-même,
je demande par quelle force ? non sans doute par celle qui était
antérieurement, puisqu'elle n'est plus ; ni par celle qu'elle a
maintenant, car elle n'en a absolument aucune par laquelle elle puisse
être ou durer le plus faible instant, puisqu’elle est créée
continuellement. Donc puisqu'il n'existe aucune chose qui ait la force
de se conserver et de produire quelque chose, il ne reste qu'à
conclure que Dieu seul est et doit être la cause efficiente de toutes
choses, et que tout acte de volonté est déterminé
par Dieu seul.
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