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COURT TRAITÉ
PARTIE II
CHAPITRE VI
DE LA HAINE.
(1) La haine
est une propension à repousser ce qui nous a causé une peine
ou un dommage.
Remarquons que nous pouvons exercer notre activité
de deux manières, avec ou sans passion : avec passion, comme on
le voit communément chez les maîtres à l'égard
de leurs serviteurs qui ont fait quelques fautes, ce qui d'ordinaire provoque
leur colère ; sans passion, comme on le raconte de Socrate, qui,
lorsqu’il était forcé de châtier son esclave pour
le corriger, attendait qu’il ne soit plus irrité dans son âme
contre cet esclave.
(2) Puisque nous voyons que nos actions
peuvent être faites par nous avec ou sans passion, il s'ensuit qu’il
doit être possible pour nous d'écarter, sans émotion
de notre part, quand il est nécessaire, les choses qui nous font
ou qui nous ont fait obstacle. Et, dès lors, quel est le mieux
de s'éloigner des choses avec haine et aversion, ou d'apprendre
à les supporter par la force de la raison et sans trouble de l'âme,
ce que nous tenons pour possible ? D’abord, il est certain qu'il
ne peut pour nous résulter aucun mal de ce que nous traiterons
les choses que nous avons à faire sans colère et sans émotion.
Or, comme il n'y a pas de milieu entre le bien et le mal, nous voyons
que, s'il est mauvais d'agir avec passion, il sera bon d'agir sans elle.
(3) Voyons maintenant s'il y a quelque
chose de mal à rejeter les choses avec haine et aversion .
Pour la haine qui naît de l'opinion, il est sûr
qu'elle ne doit avoir aucune place en nous, car nous savons qu’une seule
et même chose peut nous paraître bonne dans un temps et mauvaise
dans un autre, comme on le voit pour les médicaments.
Reste à savoir si la haine vient toujours de l’opinion,
et si elle ne peut pas naître aussi en nous de la connaissance vraie.
Pour résoudre cette question, il est bon d'expliquer clairement
ce que c'est que la haine, et de la distinguer de l'aversion.
(4) La haine est l'émotion de
l'âme qui s'élève contre quelqu’un qui nous a fait
du mal avec connaissance et intention.
L'aversion est l'émotion qui s'élève
dans l'âme contre une chose à cause du tort et du dommage
que nous croyons, ou que nous savons venir de la nature de cette chose.
Je dis : de sa nature, parce que, lorsqu’il n'en est pas ainsi,
si nous recevons d'une chose quelque tort ou dommage, nous n'avons pas
d'aversion pour elle ; bien plus, nous pouvons nous en servir pour notre
utilité : par exemple, celui qui est blessé par une pierre
ou un couteau n'a pas pour eux de l'aversion .
(5) Cela posé, voyons les effets
de l'une et de l'autre.
De la haine procède la tristesse, et d'une grande
haine la colère, laquelle non-seulement, comme la haine, cherche
à éviter ce qu'elle hait, mais encore à le détruire,
s'il est possible ; et enfin de cette grande haine procède l'envie.
De l'aversion naît une certaine tristesse, parce
que nous nous efforçons de nous priver d’une chose qui, étant
réelle, a quelque essence et par conséquent quelque perfection.
(6) Par là, il est facile de comprendre
que si nous usons bien de notre raison, nous ne pouvons avoir de haine
ni d'aversion contre aucune chose, parce qu’en agissant ainsi nous nous
priverions nous-mêmes de la perfection qui est dans cette chose.
La raison nous enseigne aussi que nous ne pouvons avoir de haine contre
personne : en effet, pour tout ce qui est dans la nature, si nous voulons
en tirer quelque chose, nous devons nous efforcer de le changer en mieux,
soit pour notre âme, soit pour la chose elle-même.
(7) Et comme, de tous ces objets que
nous connaissons, l'homme parfait nous est le meilleur, c'est aussi le
mieux pour nous et pour tous les autres hommes que nous essayions de les
élever à cette perfection, car alors nous retirerons d'eux
le plus grand fruit, comme eux de nous-mêmes. Le moyen pour cela
est de les traiter toujours comme nous sommes avertis de le faire par
notre bonne conscience, parce que jamais elle ne nous conduit à
notre perte, mais au contraire à notre béatitude et à
notre salut.
(8) Terminons en disant que la haine
et l'aversion ont en elles autant d'imperfection que l’amour à
de perfection, car celui-ci tend toujours à changer les choses
en mieux ; il tend vers l’accroissement et la force, qui est une perfection
; tandis que la haine tend à la destruction, à l’affaiblissement,
à l’annihilation : ce qui est l’imperfection même.
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