Cher Hokousai,
Louisa:
C'est pourquoi un commentateur de Spinoza qui dit que chez Spinoza, seules des idées et non pas des corps peuvent être des objets d'idées, fait une erreur.
Hokousai:
Mais je me demande ce que ça veut dire » mon corps « .Car on n’en est pas encore au corps en général mais à l’objet de l’idée constituant l’esprit humain ..Je vais vous montrer que je commente Spinoza .Pour l’erreur ! Une certaine marge d’erreur est autorisée .
si vous voulez dire que vous trouvez que vous êtes autorisé à écrire ici malgré le fait que vous faites des erreurs: mon but n'était ABSOLUMENT pas d'en faire une question "d'autorisation" (ce sont les administrateurs qui décident ici de ce qui est autorisé ou non, pas moi).
Il s'agit simplement de règles pragmatiques qui concernent la communication en tant que telle. Ou bien on cherche ici la vérité (vérité sur la pensée de Spinoza par exemple), ou bien on cherche autre chose. SI l'on cherche la vérité, alors l'erreur n'est pas quelque chose de grave ou de honteux, mais un partenaire de route très important dans cette recherche. Il est totalement certain que moi-même, dans mon interprétation de Spinoza, je fais encore un tas d'erreurs, et je suis notamment ici pour que quelqu'un ai la gentillesse de me démontrer où elles se trouvent.
Que vous aussi vous faites des erreurs ne me dérange donc pas du tout. Ce qui me dérange c'est simplement et uniquement les changements implicites de sujet de la discussion: on glisse sans cesse de votre idée sur le monde à votre idée sur Spinoza. Je vous réponds concernant Spinoza, vous me répondez avec vos idées sur le monde. Pour moi, cela ne peut que donner lieu à un dialogue de sourds. Ce qui est dommage.
Prenons la question du corps comme objet de l'idée qui constitue l'esprit. D'abord vous dites qu'aucun corps ne constitue l'objet de l'idée chez Spinoza. Je vous montre que l'inverse est vrai. Cela ne semble avoir aucun effet sur votre façon de penser. Vous passez simplement à autre chose. Vous me dites maintenant: "oui mais MOI, je me demande ce que ça veut dire MON corps". Bon, qu'est-ce que vous voulez que je vous réponde à cela? Comment MOI pourrais-je savoir ce que cela signifie pour VOUS, votre corps ... ???
Supposons qu'en fait vous voulez dire que vous voulez poser la question ouverte à tous et qui est "qu'est-ce que cela signifie, avoir un corps?". Alors cela pourrait être une invitation à tous de vous aider à développer une question qui peut-être un jour devra philosophique et qui vous préoccupe. Or immédiatement après vous dites que ... vous voulez commenter Spinoza.
Alors d'accord, comme déjà dit c'est exactement ce qui m'intéresse ici. Mais je vous avais déjà répondu à cette question: à mon sens, tout indique que pour Spinoza, le corps est une notion commune, qui ne demande PAS à être définie. Il s'agit d'une évidence: l'homme a un corps, comme toute chose qui existe a un corps. La première chose sur laquelle il faut donc que nous nous mettions d'accord, SI votre but est de commenter Spinoza, est cette évidence même: trouvez-vous également que pour Spinoza le corps va de soi, n'a pas besoin d'une définition (et donc pas non plus d'une question genre "qu'est-ce que..?"), ou interprétez-vous Spinoza autrement? Si oui, comment l'interprétez-vous et pourquoi?
Hokousai a écrit :(soit sur la prop 13 part 2 déjà citée )
Que signifie le corps humain existe tel que nous le sentons ? Pour quelle raison Spinoza écrit- il cela ? il aurait pu écrire le corps humain existe différemment de ce que nous en sentons ,il existe par lui même que nous le sentions ou pas .
Le scolie qui suit commence par « par là nous nous comprenons ce qu’il faut entendre par union de l’esprit et du corps ».
bon, vous annoncez qu'ici l'objet de votre discours est la prop 13 part 2. Je suppose donc que nous sommes dans le commentaire de Spinoza. Du coup, la question "Pour quelle raison Spinoza écrit-il cela?" demande une réponse qui se trouve dans le spinozisme lui-même. Si donc vous dites qu'il aurait pu écrire que le corps humain existe différemment de ce que nous en sentons, vous dites par là que le spinozisme resterait le même si à ce sujet il aurait proposé littéralement l'inverse de ce qu'il a écrit. J'avoue que je n'en suis pas convaincue. Il va falloir me démontrer en quoi rien ne change dans le spinozisme en changeant une proposition en son inverse.
Or je crains que de nouveau, vous voulez plutôt dire que "en général", ON pourrait tout de même tout aussi bien dire que le corps existe différemment de ce que nous en sentons. Vous parlez du monde, pas de Spinoza.
Mais là ... je crains également que la question en tant que telle soit si générale qu'y donner une réponse précise est quasiment impossible. EN GENERAL très souvent on peut dire tout et n'importe quoi. Il y aura toujours quelqu'un pour trouver une signification à un énoncé général qui lui convient, et toujours aussi quelqu'un pour en trouver une autre qui est manifestement fausse.
Vous allez peut-être m'objecter que pourtant la métaphysique longtemps voulait (et veut) s'occuper de l'être en général, et que la généralité est donc bel et bien ce que cherche le philosophe. D'accord, cela est indéniable. Mais ... en pratique, on voit bien que tout grand philosophe fait exactement ce qu'annonce Heidegger au début de Sein und Zeit: qui veut poser une question philosophique, doit d'abord travailler la question, doit préciser le sens dans lequel on veut s'orienter pour inventer une réponse.
Bref, si vous voulez poser la question extrêmement générale "qu'est-ce qu'un corps", nous sommes à mon sens dans la métaphysique absolue. Cela peut devenir très intéressant, mais si vous voulez poser cette question, j'imagine que vous avez aussi déjà quelques directions dans lesquelles vous voulez chercher la réponse? Si oui: lesquelles sont-elles?
Enfin, je crois que se demander pourquoi SPINOZA (et non plus "on", ce personnage qui jamais ne fait de la philo ...) avait besoin d'un corps qui existe tel que nous le sentons, est de toute façon une question intéressante. Si donc vous avez envie d'y réfléchir, là aussi je suis curieuse d'entendre vos réponses.
Hokousai a écrit :Dans la démonstration qui précède , le corps est ce dont on a l’idée d’un effet . Ce dont j’ai l’idée c’est de l’effet , la cause est déduite et est nommée corps (mon corps )
Ce qui est l’objet premier de l’idée c’est l’effet .Puisqu aux effets il faut une cause , le corps est posé comme la cause des effets et ce n’est pas l' esprit qui est posé comme cause des effets ( ce qui serait l’idéalisme )
La connaissance des effets , l’unification des effets sous une même cause ( à savoir le corps ) tout cela se passe dans l’esprit humain .Spinoza ne parle en effet que d’idées des affections du corps .
Donc l’objet de notre esprit est l’ensemble des idées des affections que Spinoza ne nomme pas le corps . Le corps est une idée de la cause des effets .
Evidemment il suit que la cause existe telle que les effets -affections du corps existent puisqu elle est déduite des effets .Mais de ces affections nous en avons les idées .
à mon sens vous continuez à confondre l'idée et son objet.
Vous dites par exemple: "le corps est ce dont on a l'idée d'un effet". Dans cette phrase, qu'est-ce qui est l'objet de l'idée? Le corps, ou l'effet? La réponse de Spinoza: le corps. Un effet peut être corporel, mais aussi spirituel ou de l'ordre de n'importe quel attribut. Si j'ai une idée adéquate, c'est ma nature qui en est la cause. Cette idée est donc, en tant qu'idée, un effet. Le corps est donc ce dont on a une idée, point. Mais Spinoza précise: cette idée n'est pas n'importe laquelle, c'est l'idée qui CONSTITUE notre esprit. Ce qui est l'objet premier de l'idée ce n'est pas l'effet, c'est le corps, tout simplement.
D'abord il s'agit de l'essence du corps. L'essence de l'esprit est une idée dont l'essence du corps est l'objet. Les deux sont, comme toutes les essences éternelles.
Ensuite quittons l'éternité et installons-nous d'un point de vue spatiotemporel (
sub specie durationis. Ici les choses ne sont plus éternelles et immobiles, elles changent et ont une certaine durée. Le corps aussi change. Il change chaque fois qu'il est affecté. L'esprit considéré du point de vue du temps PERCOIT ses changements CORPORELS. Ils sont l'OBJET d'une partie des idées ou concepts qu'il forme. L'idée d'une affection du corps a donc cette affection CORPORELLE comme objet, tout en étant elle-même, en tant qu'idée, une formation spirituelle. Seulement, aucune idée ne peut exister sans avoir un objet. L'idée a donc, contrairement aux modes de l'étendue, un caractère très particulier: elle est constituée d'un autre mode qu'elle même, qui forme son objet, et sans lequel elle n'est plus rien. Cet autre mode peut être spirituel, mais il peut également être corporel ou avoir l'être formel d'un autre attribut encore.
Cette UNION entre idée et objet (et entre corps et esprit) n'a RIEN de RATIONNEL. Il ne s'agit donc pas d'une DEDUCTION, comme vous suggérez: l'idée ne déduit pas son objet de quelque chose, elle contient en elle-même cet objet. C'est pourquoi il s'agit d'un contact direct, immédiat (donc non médiatisé par la raison). Si vous aviez raison, il faudrait supposer que toute idée est déjà du deuxième genre de connaissance (demande déjà l'action de la raison). Chez Spinoza, ce n'est pas le cas. Dans tout ce que vous écrivez, vous sautez la réalité du premier genre de connaissance, où l'esprit ne DEDUIT rien, où il forme seulement une idée ayant une affection du corps comme objet.
C'est pourquoi quand vous dites "Le corps est une idée de la cause des effets", cette phrase est absurde dans le spinozisme. JAMAIS UN CORPS EST UNE IDEE, chez Spinoza. Il y a une DISTINCTION REELLE (et non pas objective) entre les deux attributs. L'un n'EST jamais l'autre. Ils CONSTITUENT la seule et même CHOSE, ça oui. Ce qui implique qu'une seule et même chose (RES) peut être constituée de différents modes (MODUS).
Vous dites que Spinoza ne parle que des idées d'affections du corps. Vous en concluez que le corps est une idée. Or il suffit de faire une distinction entre l'idée (produit de votre esprit) et l'objet de cette idée pour comprendre que Spinoza parle d'une part d'idées (dont certaines ayant un changement corporel comme objet) et d'autre part d'affections de corps (donc d'un corps, "pur" de toute idée). Autrement dit, dans le spinozisme nous n'avons pas seulement des idées d'affections, comme vous le prétendez. Nous avons également ces affections elles-mêmes!!
Bref, à mon sens dans votre commentaire de Spinoza vous ne tenez pas compte de la définition des attributs, qui dit qu'il n'y a rien en commun entre les idées et les corps.
Puis vous injectez vos propres idées sur le monde (le corps ne peut pas être senti, il doit être rationnellement déduit) dans le spinozisme, ce qui rend certaines démonstrations et propositions incompréhensibles.
Cela n'empêche que VOTRE hypothèse (que le corps soit une déduction rationnelle de l'esprit) puisse être potentiellement très intéressante. Mais si vous voulez construire toute une philosophie sur base de cette hypothèse, nous sommes dans un tout autre système que le spinozisme. Système éventuellement très intéressant, philosophiquement parlant. Mais je ne crois pas qu'il suffit de se poser des questions tout à fait générales pour déjà avoir posé une question philosophique. Avant qu'une question devienne philosophique, il faut tout un travail proprement philosophique. Il faut réussir à créer un véritable problème philosophique, des concepts etc.
C'est peut-être ce que vous êtes en train de faire, chez vous, et alors j'espère un jour pouvoir lire le résultat. Mais si ce sont simplement des questions que vous vous posez de temps en temps, j'avoue que telles que je les lis pour l'instant, pour moi elles ne sont pas encore très philosophiques. C'est pourquoi il est difficile de les commenter. On ne peut pas commenter un auteur (l'auteur dans ce cas serait vous-même) avant que celui-ci ait réussi à formuler son système philosophique. On risque de retomber sans cesse dans l'opinion si on s'y laisse tenter, je crains. Je pourrais par exemple vous dire qu'effectivement, un tas de choses arrivent dans notre corps dont on peut dire, dans le langage ordinaire (on quitte donc le langage spinoziste) que nous n'en avons pas d'idées. Car quelqu'un qui a un cancer longtemps n'en sait rien, ne le sent même pas. Pourtant il est déjà là, il est déjà en train de dévaster le corps. Donc oui, d'un certain point de vue on peut clairement dire que le corps existe différemment que ce que nous en sentons. Mon problème n'est pas ce "d'un certain point de vue", comme vous l'écrivez quelque part. Mon problème c'est que ce point de vue est un point de vue SPONTANE, pas un point de vue CONSTRUIT, donc pas un point de vue philosophique (ou scientifique, car les sciences aussi on besoin d'une construction spécifique d'un point de vue sur le corps avant de pouvoir détecter un cancer).
C'est pour cette raison que je n'ai pas grand-chose à dire si vous me demander POURQUOI on ne pourrait pas dire qu'en fait, le corps est différent de ce que nous en sentons. La seule chose que je peux vous répondre, c'est que oui, bien sûr, on peut dire cela. Mais alors on reste au niveau de l'opinion. Pour accéder, par le biais de cette question, à un niveau philosophique, il faut plus que simplement cette question, il faut déjà un peu d'élaboration philosophique de la question. Et pour pouvoir entamer cette élaboration soi-même, le mieux est, je crains, d'avoir une certain affinité avec elle. Affinité philosophique, affinité existentielle. Spontanément, chez moi, ce n'est pas le cas. Mais heureusement qu'apparemment chez vous la situation est autre. Du coup, discuter de cette question devient possible, mais alors on dépend de votre élaboration préalable pour pouvoir la commenter ... .
louisa