Principes de la philosophie de Descartes/Partie III

De Spinoza et Nous.
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Principes de la philosophie de Descartes


Baruch Spinoza


Troisième partie



Sommaire


Pensées métaphysiques
Cogitata metaphysica
Autres œuvres

Après cette exposition des principes les plus universels des choses naturelles, il nous faut passer maintenant à l'explication des choses qui en découlent. Toutefois, comme ces dernières sont trop nombreuses pour que notre esprit puisse les parcourir toutes par la pensée et que nous ne sommes point déterminés par elles à considérer les unes plutôt que les autres, il nous faut avant tout présenter ici une courte histoire des principaux Phénomènes dont nous recherchions les causes. Cette histoire se trouve dans la partie III des Principes, depuis l'Article 5 jusqu'à l'Article 15. Et de l'Article 20 à l'Article 43 est proposée l'hypothèse que Descartes juge la plus commode non seulement pour concevoir lés Phénomènes célestes, mais encore pour en chercher les causes naturelles.

En outre, comme, pour connaître la nature des plantes ou de l'homme, la meilleure voie est de considérer de quelle façon ils naissent et sont engendrés peu à peu de certaines semences, il faudra découvrir par la pensée des principes tels qu'ils soient très simples et très faciles à connaître et que de ces principes nous démontrions que les astres, la terre et tout enfin ce que nous découvrons dans le monde visible auraient pu provenir comme de semences encore que nous sachions bien d'ailleurs qu'ils n'en sont pas provenus. Car de cette façon nous exposerons leur nature beaucoup mieux que si nous les décrivions seulement tels qu'ils sont.

Je dis que nous cherchons des principes simples et faciles à connaître ; à moins qu'ils ne soient tels en effet, nous n'en aurons que faire ; puisque, cela est clair, nous ne supposons de semences des choses pour aucune autre raison, sinon pour que la nature des choses nous soit connue, et que nous nous élevions, à la manière des Mathématiciens, des plus claires à celles qui sont plus obscures et des plus simples à celles qui sont plus complexes.

Nous disons ensuite que nous cherchons des principes tels que nous démontrions que les Astres et la Terre, etc., auraient pu en provenir. Nous ne cherchons pas en effet, comme il arrive aux Astronomes, des causes qui suffisent seulement pour expliquer les Phénomènes du ciel, mais telles qu'elles nous conduisent à la connaissance des choses qui sont sur la terre (attendu que nous estimons devoir ranger au nombre des Phénomènes de la Nature tout ce que nous observons qui advient à la surface de la terre). Pour trouver de tels principes, il faut observer qu'une bonne Hypothèse doit :

I. N'impliquer aucune contradiction (quand on la considère en elle-même seulement) ;

II. Être la plus simple qu'il puisse y avoir ;

III. Être la plus facile à entendre, ce qui est la suite de la deuxième condition ;

IV. Rendre possible la déduction de tout ce qui s'observe dans la Nature entière.

Nous avons dit enfin qu'il nous était permis de prendre une Hypothèse d'où nous puissions déduire comme des effets les Phénomènes de la Nature ; bien que sachant d'ailleurs qu'ils n'en sont point provenus. Pour le faire entendre j'userai de cet exemple. Si l'on trouve tracée sur le papier la ligne courbe appelée Parabole et qu'on veuille en rechercher la nature, il revient au même qu'on suppose cette ligne produite d'abord par la section d'un cône et imprimée ensuite sur le papier, ou tracée par le mouvement de deux lignes droites, ou produite de quelque autre manière ; pourvu que de ce qu'on suppose on puisse déduire toutes les Propriétés de la Parabole. Bien mieux, si même on sait qu'elle provient de l'impression sur le papier de la section d'un cône on pourra néanmoins supposer à volonté une autre cause paraissant le plus commode pour expliquer toutes les Propriétés de la Parabole. De même aussi, pour expliquer les lignes de la Nature, il est permis de prendre une hypothèse à volonté pourvu qu'on en déduise par conséquences mathématiques tous les Phénomènes de la Nature. Et ce qui est fort digne d'être noté, nous n'en pourrons guère prendre aucune d'où les mêmes effets ne puissent être déduits, bien que plus laborieusement peut-être, par les Lois de la Nature précédemment expliquées. Comme par le moyen de ces Lois, en effet, la matière doit prendre nécessairement toutes les formes qu'elle peut recevoir, si nous les considérons dans l'ordre, nous pourrons arriver enfin à la forme qui est celle du monde présent ; nous n'avons ainsi à craindre aucune erreur d'une hypothèse fausse.

Postulat

On demande d'accorder que toute cette matière dont est composée le monde visible a été divisée dans le principe par Dieu en particules aussi égales que possible entre elles ; non point en particules sphériques parce que plusieurs corps globulaires joints ensemble ne remplissent pas un espace continu, mais en partie figurées d'autre sorte, moyennement grandes, c'est-à-dire intermédiaires entre toutes celles dont sont composés le ciel et les astres. Qu'en outre ces particules aient eu en elles autant de mouvement qu'il s'en trouve actuellement dans le monde et aient été mues également, et cela ou bien d'un mouvement particulier à chacune autour d'un centre propre, et tel que toutes, restant séparées les unes des autres, composent un corps fluide comme nous jugeons qu'est le ciel, ou bien plusieurs ensemble autour de certains autres points, également distants les uns des autres et disposés en même sorte que sont maintenant les centres des étoiles fixes, et même autour d'un nombre un peu plus grand de centres de façon à comprendre les planètes, si bien qu'elles aient composé autant de tourbillons qu'il y a maintenant d'astres dans le monde.

Voir la Figure, Article 47, Partie III des Principes. Cette hypothèse considérée en elle-même n'enveloppe aucune contradiction ; car de la sorte on n'attribue rien à la matière en dehors de la divisibilité et du mouvement et nous avons démontré plus haut que ces modifications existent réellement dans la matière ; et puisque nous avons fait voir que la matière est indéfinie et que celle du ciel comme celle de la terre ne sont qu'une seule et même matière, nous pouvons supposer sans aucun risque de contradiction que ces modifications ont pu exister dans la matière tout entière.

Cette hypothèse est, en outre, la plus simple parce qu'elle ne suppose aucune inégalité et aucune dissemblance ni entre les particules dans lesquelles la matière a été divisée à l'origine, ni même dans leur mouvement ; d'où il suit que cette hypothèse est aussi la plus facile à entendre. Cela suit encore avec évidence de ce que par cette hypothèse il n'est rien supposé dans la matière, sauf ce qui est connu de soi à chacun par le seul concept de la matière, à savoir la divisibilité et le mouvement dans l'espace.

Que maintenant de cette même hypothèse on puisse déduire réellement, autant que la chose est possible, tout ce qui s'observe dans la Nature, nous nous efforcerons de le montrer, et cela dans l'ordre suivant. En premier lieu, nous en déduirons la fluidité des cieux et nous expliquerons comment elle est cause de la lumière. Ensuite nous passerons à la nature du Soleil et en même temps à ce qui s'observe dans les étoiles fixes. Après quoi nous parlerons des Comètes et enfin des Planètes et de leurs Phénomènes.

Définitions

I. Par Écliptique nous entendons cette partie d'un tourbillon qui, tandis qu'il tourne autour de son axe, décrit le plus grand cercle.

II. Par Pôles, nous entendons ces parties d'un tourbillon qui sont les plus éloignées de l'Écliptique, c'est-à-dire qui décrivent les plus petits cercles.

III. Par Tendance au mouvement, nous entendons non une pensée quelconque, mais seulement qu'une partie de la matière est située et poussée à se mouvoir de telle sorte, qu'elle devrait réellement aller quelque part si elle n'en était empêchée par aucune cause.

IV. Par Angle nous entendons tout ce qui dans un corps fait saillie par delà la figure sphérique.

Axiomes

I. Plusieurs petits globes joints ensemble ne peuvent occuper un espace continu.

II. Une portion de la matière divisée en parties anguleuses, si les parties en sont mues autour de leurs centres propres, requiert un espace plus grand que si toutes les parties en étaient au repos, et que tous leurs côtés fussent en contact immédiat les uns avec les autres.

III. Plus une partie de la matière est petite, plus facilement elle est divisée par une même force.

IV. Des parties de la matière qui se meuvent dans la même direction et, dans ce mouvement, ne s'éloignent pas les unes des autres ne sont pas actuellement séparées.


Proposition 1

Les parties de la matière dans lesquelles elle a été divisée à l'origine n'étaient pas rondes mais anguleuses.

Démonstration : La matière tout entière a été divisée à l'origine en parties égales et semblables (par le Postulat) ; donc (par l'Axiome 1, partie III, et la Proposition 2, partie II) elles n'étaient pas rondes ; et, par suite, elles étaient anguleuses (par la Définition 4). C.Q.F.D.

Proposition 2

La force qui a fait que les particules de la matière se mussent autour de leurs centres propres, a fait en même temps que leurs angles fussent polis par le choc des unes contre les autres.

Démonstration : Toute la matière à l'origine a été divisée en parties égales (par le Postulat) et anguleuses (par la Proposition 1, partie III). Si donc, sitôt qu'elles ont commencé à se mouvoir autour de leurs centres propres, leurs angles n'avaient pas été polis, nécessairement (par l'Axiome 2) toute la matière aurait dû occuper un espace plus grand que lorsqu'elle était au repos ; or, cela est absurde (par la Proposition 4, partie II) ; donc leurs angles ont été polis sitôt qu'elles ont commencé à se mouvoir. C.Q.F.D.

La suite manque.
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